[ Analyse ] Non, la Cour suprême des Etats-Unis n'a pas révoqué le droit à l'avortement
Un droit se garantit par la loi. Il n'y a jamais eu de loi fédérale garantissant le droit à l'avortement aux USA. Donc le droit à l'avortement n'y a jamais réellement existé.

Barack Obama est un hypocrite de compétition hors concours.
Les deux premières années de son premier mandat, de 2008 à 2010, il détenait une énorme majorité tant à la Chambre des représentants qu’au Sénat (59 sénateurs sur 100). Qu’a t-il fait pour faire avancer “les libertés individuelles de millions d’Américains” ? Rien. Il pouvait pourtant faire légiférer à sa guise sur l’avortement. Pas une priorité avait-il déclaré en 2009 après son installation.
Jimmy Carter, Bill Clinton et Joe Biden n’en ont pas fait plus.
“Je ne considère pas l’avortement comme un droit ou un choix. C’est toujours une tragédie”. Joe Biden en 2006.

Un droit se garantit par la loi. Il suffit d’une loi fédérale votée par les deux chambres du Congrès stipulant “l’avortement est un droit constitutionnel” pour que l’affaire soit réglée.
Le Congrès étant l’émanation du peuple seul souverain et agissant en son nom, la Cour suprême ne peut pas casser la création d’un tel droit ni être saisie de sa nature constitutionnelle.
On peut par conséquent avancer sans se tromper que Barack Obama a perdu tout droit de s’exprimer sur ce sujet.
Barack Obama, avocat de formation, semble de surcroît ignorant. C’est le propre de la jurisprudence d’évoluer et elle n’est pas permanente. Le nombre d’années de précédent n’a aucune prégnance, aucune importance.
A lire également: Quand les juges de la Cour suprême américaine récusent le gouvernement des juges
Ce qui a été tranché et n’a pas les effets recherchés doit être cassé. L’arrêt Roe v/ Wade était en essence un arrêt politique qui visait à créer un droit de manière transitoire le temps que le législateur fasse son travail.
Il se trouve que le pouvoir judiciaire ne peut constitutionnellement pas créer de droits. Séparation des pouvoirs oblige, c’est la prérogative du législateur. La justice ne statue que selon les droits existants. La Cour suprême ne peut que préciser les droits existants et le cadre et les modalités de leurs exercices.
L’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis cassant Roe v/ Wade ne porte pas sur la constitutionnalité d’une loi - elle n’existe pas au niveau fédéral en matière d’avortement - ni sur la constitutionnalité du droit à l’avortement.
L’arrêt de la Cour suprême ne traite que de la constitutionnalité de Roe v/ Wade en ce qu’il créé un droit ex nihilo, arrêt par lequel la Cour suprême a décidé en 1973 de se substituer au Congrès (le législateur, qui aux USA a le monopole de l’initiative législative, c’est à dire celui de la rédaction et de la proposition des lois). L’objet de Roe v/ Wade importe peu. Qu’il s’eût agi de la peine de mort, du droit de posséder une arme ou de légaliser les stupéfiants n’aurait rien changé à l’affaire.
En France, nous devrions en prendre de la graine et supprimer le “bloc de constitutionnalité” qui permet depuis 1971 (et surtout depuis la réforme constitutionnelle de Sarkozy en 2008 avec les questions prioritaires de constitutionnalité) à un aréopage coopté, le Conseil constitutionnel, de légiférer en lieu et place du parlement, comme on l’a vu avec le “principe de fraternité”. Sa consécration dans le bloc de constitutionnalité n’a fait l’objet d’aucun débat parlementaire.
On peut arguer tant que l’on veut de la couleur clairement conservatrice de l’actuelle Cour suprême, force est de reconnaître que son arrêt se fonde en droit et uniquement en droit. Ce que rapporte la presse française, qui se fait l’écho du parti démocrate et des médias mainstream américains, n’est que billevesées.
Les juges de la Cour suprême viennent de remettre l’église au centre du village et le législateur face de ses responsabilités. Si le droit à l’avortement doit être garanti, il ne peut l’être que par la loi, votée par les représentants du peuple. Tenez, comme il l’est en France.
La Cour suprême des Etats-Unis vient de mettre un coup d’arrêt, quelles que soient les intentions qu’on lui prête, à la politique par voie de justice. C’est au Congrès, au Parlement, que le débat politique va devoir se dérouler.