[ Covid-19] La circulation du virus reprend, le suivi patauge
Volonté de contrôle des données santé ? La reprise en main par le ministère de la Santé du suivi épidémiologique du virus dans les eaux usées boit la tasse.
Il y a comme du flottement dans l’air. A moins que ce ne soit un grand plouf. En France, le suivi épidémiologique des eaux usées, censé surveiller la circulation du Sars-CoV2 dans les égouts, est manifestement dans les limbes.
A l’heure qu’il est, soit deux ans et demi après le début de la crise sanitaire, et alors que les contaminations reprennent, on ne sait toujours pas comment ce suivi, qui se matérialisait depuis le printemps 2020 par le dispositif du réseau de recherche universitaire Obépine – qui avait réussi à agréger autour de lui 200 stations d’épuration et autant de collectivités – se traduit dans les faits. Concrètement parlant. Tout simplement parce que nous n’avons jamais pu avoir la réponse à cette à priori (simple) question. Comme à beaucoup d’autres. Ce qui en soi est un début de réponse…
Contactée il y a plusieurs mois de cela, l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne Rhône Alpes avait botté en touche, les eaux usées n’étant selon elle pas de sa compétence. Et tant pis s’il s’agit aussi et surtout de santé publique. Contacté également, le CHU de Grenoble à qui sont adressés les résultats des analyses toujours conduites à la Métropole de Grenoble, et dont on peut raisonnablement penser que c’est donc à partir de là, faute d’ARS, qu’une réponse médicale ou logistique peut être mise en place pour anticiper un potentiel afflux, n’a jamais répondu à nos multiples sollicitations.
C’est peu dire que ça tâtonne. Pourtant, le procédé a fait ses preuves, en France et à l’étranger. A Marseille, les marins-pompiers ont tracé le chemin. En France, Véolia ou Suez suivent de près les travaux d’Obépine, tout comme l’Ifremer, qui fait partie intégrante du réseau. Lequel fait son chemin et développe sa technique en Guyane avec d’autres pathogènes, ou aux côtés de l’Institut Pasteur en Guinée, Cambodge, Tunisie ou Maroc.
Pire si l’on peut dire... Santé publique France n’hésitait pas, le 30 juin dernier, à dire rester en veille après la détection de poliovirus dans des échantillons d'eaux usées d'une station d'épuration à… Londres. Elle ne nous a pour autant jamais répondu sur le suivi du Sars-Cov2 dans les eaux usées françaises. Ni sur le fait que ses bulletins hebdomadaires n’intègrent pas ce type de données contrairement par exemple à l’Angleterre ou à l’Ecosse.
A lire également : Surveillance du virus dans les eaux usées : le grand siphonnage ?
Pourtant, on sait que le dispositif permet de prévoir, autour d’une semaine à l’avance, la présence et surtout la recrudescence du virus grâce à des prélèvements et des analyses des eaux usées. Cela peut être utile. « Lors des précédentes vagues, entre les prélèvements dans les eaux usées et les hospitalisations, on a pu voir le pic avec une avance de 6 jours », appuie un technicien du service assainissement à la Métropole de Grenoble, qui continue de suivre le virus dans le réseau des eaux usées de l’agglomération grenobloise.
Un suivi clairsemé. En Rhône-Alpes, Grenoble n’est et n’était pas la seule à traquer le virus. Lyon tout comme Saint-Etienne, Annecy, Chambéry ou Valence avaient embrayé. Aucune de ces villes n’a visiblement poursuivi le partenariat avec Obépine passé ce printemps.
Car le dispositif est quelque peu parti en vrille depuis que le ministère de la Santé a repris la main, à la suite du ministère de la Recherche, quand la Commission européenne a préconisé aux Etats membres d’étendre et d’institutionnaliser le réseau.
De fait, Bruxelles a alloué un peu plus de 3 millions d’euros pour que la France fasse avancer son projet baptisé Sum’Eau. Pour une action – “la mise en place de systèmes nationaux, de points de collecte locaux et d’infrastructures numériques pour la surveillance de la Covid 19 et de ses variantes dans les eaux usées” – censée courir de septembre 2021 à décembre 2023. Sauf que, depuis la fin de l’été 2021, pas grand-chose ne s’est passé en la matière.