[ Edito ] Bientôt le dépôt de bilan ou le défaut de paiement
La politique économique désastreuse d'Emmanuel Macron n'a d'égale que la politique monétaire délirante de la BCE. La Covid et la guerre en Ukraine n'exonèrent de rien.
“L’inflation, c’est subventionner des dépenses qui ne rapportent rien avec de l’argent qui n’existe pas” disait l’économiste Jacques Rueff. Voilà à quoi se résument en une phrase lapidaire les politiques mises en œuvre au sein de la zone euro depuis la crise de 2007.
Crise de 2007 que l’on doit au seul système financier. Quand on ne s’attache qu’à corriger l’erreur plutôt que de réformer et restructurer le système maître qui l’a générée, l’erreur immanquablement se reproduit. Il aurait fallu comme l’assénait Keynes, “euthanasier les rentiers”. Or, dans les faits, depuis 2007, rien n’a été accompli, rien n’a réellement changé.
C’est le résultat des actions de décideurs politiques qui confondent capitalisation boursière et création de valeur ajoutée, qui ne comprennent pas qu’épargne n’est pas investissement. Et qui ont donc laissé l’appareil productif de la France dans tous les secteurs - agriculture et industrie - se dégrader. Investisseur en bourse, cet oxymore ...
La Banque centrale européenne (BCE) a rompu cette semaine, comme prévu, sa politique de taux d’intérêts négatifs. Manière d’essayer de contrôler une inflation qui résulte d’une politique monétaire aussi absurde que les politiques économiques menée en Europe sous l’égide de la Commission européenne et complaisamment mises en œuvre par les gouvernements.
Ne vous y trompez pas : les ménages sont le cadet des soucis de la BCE, de la Commission et des gouvernements. Ils n’ont de préoccupation que de maintenir à flot un système financier et bancaire à bout de souffle. En 2007-2008, il aurait fallu nationaliser une bonne partie des banques de détail, plutôt que de les “sauver” avec l’argent du contribuable. Non seulement cela aurait coûté moins cher mais les banques seraient en meilleur état et contribueraient à financer l’activité, à l’investissement, ce qu’elles font trop peu aujourd’hui. Sans compter que le recours à la planche à billets aurait été bien moindre puisqu’en face de la dette publique rachetée par la BCE, il y aurait eu des actifs bien réels.
La grosse majorité des bénéfices des banques provient de leurs activités de marché, non pas de la gestion des dépôts et des prêts qu’elles accordent à leurs clients. Toujours cette satanée et impérative séparation des activités de détail et de banque d’investissement qui n’est réelle que sur le papier.
L’accord de Bâle III et les “stress tests” n’y ont rien changé, puisque contre des réformettes qui ont amélioré que très marginalement la solidité et les fonds propres des institutions financières, les banques ont reçu le flot “d’argent magique” de la BCE, dont l’acmé a été atteint avec la politique de taux négatif.
Car, contrairement à ce que dit Emmanuel Macron, l’argent magique existe bien. Pour les banques. Trop grosses pour faire faillite. Sur un marché, toutes les liquidités sont systématiquement utilisées. Tous les fonds seront d’une manière ou d’une autre placés pour trouver rémunération. Quand ces fonds sont abondants et issus de planches à billets tournant à toute berzingue, la rémunération du capital se fait forcément au dépens de celle du travail.
En clair, les inégalités s’accroissent, l’infime minorité qui a accès à ces liquidités s’enrichit très vite alors que la multitude est lentement mais sûrement déclassée. Comme on a pu le constater lors des deux ans de “crise” - fabriquée de toutes pièces - de la Covid, où les plus riches ont vu la valeur nominale de leur fortune s’accroître comme jamais.
Avec les absurdes et inefficaces sanctions contre la Russie, l’Occident a accompli l’exploit de transformer un conflit strictement régional en une crise économique et alimentaire mondiale. L’Europe a joué à la roulette russe avec un barillet dont toutes les chambres étaient chargées, histoire de bien s’assurer de se faire sauter le caisson. Ces sanctions ont détruit non seulement des équilibres financiers ténus, mais également des lignes d’approvisionnement critiques déjà mise à mal par la Covid, qui vit également son lot de restrictions nocives et sans fondement.
L’inflation actuelle n’est pas causée par les salaires. Elle est causée principalement par le prix des matières premières contre laquelle nous n’avons que peu de couverture et l’argent magique des banques centrales. Elle prédate de la Covid et de la guerre en Ukraine.
Elle est causée en Europe par le sous-investissement en matière énergétique, elle-même conséquence directe de la “libéralisation” de marchés tel que celui de l’électricité. Aucune entreprise privée ne planifie d’investissements à 30 ans. Même les compagnies pétrolières ont divisé par deux en 20 ans leurs investissements d’exploration. Plutôt que d’investir à long terme, on préfère distribuer des dividendes. C’est meilleur pour le cours en bourse.
L’inflation est également causée par le sacrifice des agricultures européennes, en premier chef la française, au nom de la mondialisation et du libre échange. Il est vrai qu’il est peu probable que des agriculteurs argentins ou canadiens viennent déverser des tombereaux de fumier devant les bureaux de la DG Trade (la direction de la Commission européenne pour le commerce qui multiplie en matière agricole les accords de libre échange bilatéraux tous azimuts depuis 2004, depuis que le volet agricole du round de Doha à l’OMC est en panne).
Sans compter une spéculation effrénée dans certains secteurs. Prenez par exemple les huiles alimentaires : la France est le premier producteur européen d’oléagineux et un très gros exportateur net. Pourquoi alors la pénurie et la flambée des prix, qui ne sont pas constatées chez nos voisins italiens ou espagnols ?
Ce sont les moins bien lotis, les plus pauvres qui en souffrent en premier chef. Qui roule en Aston Martin ou en Bentley se soucie peu du prix des carburants et de celui du paquet de pâtes.
La guerre en Ukraine a bon dos. Elle pouvait et devait être évitée : il aurait suffit d’obliger Zelensky à appliquer les accords de Minsk. Elle est le clou dans le cercueil d’un système néolibéral qui n’a pas pour principe, contrairement aux idées reçues, de réduire le rôle de l’État dans l’économie mais de s’assurer que d’énormes transferts soit opérés du secteur public vers le secteur privé au bénéfice d’une minorité. Voilà pourquoi la pression fiscale n’a cessé de croître en France. Voilà pourquoi à l’hôpital, plutôt que de former et de recruter du personnel soignant en nombre suffisant, on dépense des centaines de millions dans des prestations de conseil octroyées à McKinsey, Cap Gemini, Accenture et consorts.
Mais l’inflation actuelle n’est somme toute que le dernier ressort, l’ultime artifice pour maintenir la solvabilité d’un système financier qui roule sur la jante au point de n’avoir plus aucun rapport avec l’économie réelle.
Le poids de l’Etat dans une économie dans les faits dirigée centralement - l’apanage des régimes totalitaires - est tel que les politiques publiques consistent à subventionner des activités qui ne produisent aucune valeur ajoutée avec de l’argent qui n’existe pas, alors que le secteur public qui lui en produit, tant économique que sociale - éducation, hôpital, justice, police, armée, équipement etc - est à l’os. Toujours la même histoire : privatiser les profits et socialiser les coûts.
La récession est déjà là en termes réels puisque l’inflation excède de plus du double la croissance. Seuls Emmanuel Macron, Bruno Le Maire et le gouverneur de la Banque de France ne semblent pas la voir. Elle sera brutale. Pour une raison fort simple : nous ne produisons presque plus plus rien à part des services, et il est peu probable que le reste du monde continue de financer notre train de vie en échange de notre monnaie de singe.
D’autant que nous nous sommes arrogés le droit de spolier en gelant les actifs de la banque centrale russe. Qui, dans ces conditions, sera encore prêt à détenir plus d’euros que nécessaire pour financer sa balance des paiements ? Qui dans ces conditions, achètera encore notre dette et financera notre économie ?