[ Edito ] Même plus de droit de l'Etat
Alors l'état de droit n'y pensez pas !


L’épisode du week-end dernier au Stade de France montre une fois encore le délitement des fonctions régaliennes en France, qui s’est accéléré depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017.
Des centaines individus ont réussi à s’introduire en escaladant les clôtures d’un stade qui, il y a 5 ans, a fait l’objet de l’attaque terroriste complexe la plus meurtrière de l’histoire de France.
Et Gérald Darmamin, ministre de l’intérieur, et sa collègue Amélie Ouéda-Castéra, ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympique (accessoirement nièce d’Alain Duhamel et femme de Frédéric Ouéda, le patron de la Société Générale…), dirigent doctement de la passerelle d’observation les opérations de sécurité. Réalisant que l’affaire dont ils avaient la charge tournait en eau de boudin, ils ont tenté de se défausser incontinent sur les supporters anglais, qui ont bon dos. Perfide Albion!
Il en fut bien sûr tout autrement: cet innommable fiasco d’une dangerosité grave ne peut être imputé qu’aux autorités françaises. D’autant que de nombreux supporters anglais comme espagnols se sont faits dépouiller à la sortie du stade par des individus bien de chez nous, ne provoquant aucune intervention des forces de l’ordre. Peut-être parce que les effectifs de police avaient été concentrés sur Roland-Garros, grand-messe annuelle de la haute bourgeoisie parisienne…
Peut-on en France encore organiser une grande manifestation populaire sans qu’elle tournât à l’émeute ?
Raymond Aron disait qu’un Etat-nation se reconnaissait à deux caractéristiques : il est en paix à l’intérieur et il est respecté à l’extérieur.
Force est de constater que la France n’est ni en paix à l’intérieur ni respectée à l’extérieur. Ou plutôt, ceux qui dirigent la France sont incapables de préserver la paix civile autrement que par la gazeuse et le LBD et de maintenir la crédibilité et la valeur de la parole de la France dans le monde - ce qui est plus important que de maintenir son “rang” ou sa “place”.
N’épiloguons pas sur l’Ukraine. L’incapacité d’Emmanuel Macron à raison garder et à imposer à l’Europe de raison garder est patente. La déroute l’est aussi, sur tous les fronts.
Un Etat incapable d’assurer le bon déroulement d’un match de foot et la sécurité des spectateurs ne mérite pas les (très lourds) impôts qu’il collecte. Au delà des poncifs sur la “reconquête républicaine” et sur “la restauration de l’autorité de l’État”, le phénomène qui se déroule sous nos yeux est le résultat l’appropriation à ses propres bénéfices des moyens de l’Etat par la minorité que constitue la classe dirigeante et le “bloc élitaire” qui la soutient.
Résultat de quarante ans de politiques néolibérales que nous avons analysées aux USA sous l’angle de la légalisation de l’usage des drogues douces. Mêmes causes, même effets.
Il suffit de regarder la répartition des effectifs des forces de l’ordre en région parisienne - cela se vérifie également dans l’ensemble des grandes métropoles. De Paris intra muros à la petite couronne, ils sont divisés par deux. De la petite à la grande couronne, ils sont encore divisés par deux. De la grande couronne au reste de l’Ile-de-France, ils sont divisés par trois.
Rien à voir avec la densité de la population. La géographie des effectifs de police est éminemment censitaire. Ce sont les endroits où la richesse est la plus concentrée, et par voie de conséquence où vivent ceux qui la détiennent, qui sont les mieux protégés.
Ceux, la multitude, qui ne peuvent compter que sur la force publique pour assurer la sécurité de leur personne, de leurs proches et de leurs biens, peuvent de moins en moins le faire. Et de manière croissante, il est à craindre qu’ils en soient réduits à prendre les choses entre leur propres mains.
Pour rendre l’accès au centre plus difficile à ceux, moins riches, de la périphérie, on fait feu de tout bois. Non pas, comme au temps du baron-préfet Hausmann, en démolissant et en reconstruisant de grandes avenue sur lesquelles on pourra faire donner le canon sur la populace . Mais au motif du “climat” et de la lutte contre la pollution, on rend quasi impossible la circulation de la périphérie vers le centre des manants - en vieux français, ceux qui restent, qui demeurent, qui ne circulent pas. A moins d’emprunter les voies contraintes que sont les transports en commun, si possible sous terre…
On rétablit octroi et bascule. Les gens d’armes, aux seigneurs seulement.
La société française sombre dans le féodalisme.