[ Edito] Nationalisation d'EDF: faire l'affaire Alstom à l'envers
Deux mois avant le début de campagne présidentielle, Macron a imposé le plafonnement du prix de l'électricité. Pour des raisons électorales. Il s'agit maintenant de payer les actionnaires d'EDF.

Tout a été fait depuis 10 ans pour mettre EDF en difficulté. Dans le but expresse de dépecer le géant français de l’électricité. Emmanuel Macron a dû abandonner le projet Hercule face à la levée de bouclier des syndicats et de la majorité de la classe politique. Ce projet visait à scinder EDF en trois : EDF bleu regroupant les centrales nucléaires et le transport, EDF vert cotée en bourse pour développer l’argutie que sont les fumeuses “énergies renouvelables” et EDF Azur rassemblant les barrages hydroélectriques ayant vocation à être privatisés selon les ordres de Bruxelles.
Enfin, levée de bouclier des syndicats et de la majorité de la classe politique… Disons plutôt élection présidentielle qui approchait après qu’Emmanuel Macron et son gouvernement eurent proprement planté l’économie française en imposant des mesures contre la Covid aussi absurdes qu’inefficaces et inacceptables en matière de libertés individuelles. Il faut bien évidemment rajouter les toutes aussi absurdes sanctions contre la Russie, qui ont eu pour seul effet qu’aggraver la situation économique sans changer le cours du conflit.
Il s’agit d’être cohérent. L’augmentation du prix de l’électricité est due à deux facteurs : le système de fixation des prix imposé par l’Union européenne (donc l’Allemagne) et un sous-investissement chronique dans la capacité de production continue ces 30 dernières années.
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Plutôt que d’exiger la suppression du principe selon lequel le prix de l’électricité en Europe est indexé sur le prix du gaz et fixé par le plus haut prix ex works sorti d’une centrale à gaz de l’UE - donc la centrale la moins efficace - plutôt que d’imposer que les prix intérieurs soient déterminés par le coût de production réel de chaque pays, Emmanuel Macron a fait le choix de forcer EDF à plafonner le tarif réglementé, faisant ainsi peser in fine, comme toujours, la charge de cette mesure sur le contribuable.
En clair, les pertes occasionnées par cette énième mesure absurde seront socialisées. Les actionnaires d’EDF seront compensés par cette nationalisation qui intervient - hasard ? - juste après la réélection d’Emmanuel Macron. Même si la veste de Renaissance aux législatives et l’absence de majorité des macroniste obèrent leurs petits plans élaborés dans les coulisses. Toujours la même méthode Macron : utiliser à ses propres fins les moyens publics pour s’acheter des soutiens puissants en les faisant bénéficier de transferts financiers mirobolants du secteur public. C’est l’affaire Alstom. Ce sont les Uber files. Et combien d’autres dont nous ne sommes pas (encore) au fait ?

La nationalisation d’EDF coûtera huit milliards d’euros, nous dit-on. Huit milliards d’euros, c’est exactement ce qu’a coûté à notre électricien national le plafonnement des tarifs, comme l’ont souligné avec force les administrateurs indépendants lors du conseil d’administration extraordinaire du 14 janvier 2021. Encore un hasard ?
EDF est plombée de 80 milliards d’euros de dette et doit construire six EPR à 10 milliards d’euros l’unité. Le coût réel du rachat d’une entreprise n’est pas le prix payé pour l’ensemble de son capital mais l’intégralité de ce que l’on trouve à son bilan. Dans le long terme.
Quand Mme Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique qui officiait précédemment à l’industrie, affirme qu’il s’agit d’une opération stratégique et non pas financière, ne ricanez pas, esclaffez-vous de bon cœur, tout votre saoul. Avant de lui faire remarquer qu’elle ment une fois encore et vous prend pour des buses.
Nous n’avons plus de politique énergétique depuis trente ans. Forcément, c’est privatisé ! C’est de là que provient le sous-investissement, alors qu’une politique énergétique ne peut se dérouler que sur le très long terme, horizon auquel le secteur privé ne peut opérer. L’électrification de la France après la Seconde Guerre mondiale fut le résultat d’un effort national délivré par un service public national. La montée en charge du nucléaire français, itou.
Le slogan de l’électricité décarbonée est abscons, puisque près de 70% de l’électricité produite en France est nucléaire et 12% hydroélectrique. Quant aux renouvelables, aux énergies intermittentes, nous savons que la manière dont elles nous sont présentées est une escroquerie. Elles permettent de générer d’énormes marchés largement abondés par des fonds publics.
Encore d’énormes transferts du secteur public vers des intérêts privés étroits, essence du néolibéralisme. Pour une infrastructure de production qui ne permet pas de satisfaire les besoins et de se substituer aux autres formes de production électrique. C’est surtout vrai pour l’éolien. Le photovoltaïque résidentiel lui a du sens. Enfin, les renouvelables créent de nouvelles dépendances, encore moins renouvelables que les “énergies carbonées” puisque minérales, minéraux que nous ne possédons pas.
Le propre d’Emmanuel Macron et de sa bande est, outre d’avoir érigé le mensonge comme seul instrument de gouvernement, d’être dans l’incapacité totale de penser le long terme et d’agir selon les intérêts supérieurs de la nation, non pas en fonction de leur intérêts personnels immédiats. Emmanuel Macron ne vit que d’expédients et de malignité. Il n’est en fait pas capable de machiavélisme, car cela présuppose de penser le temps long et une certaine compréhension du monde et des sociétés humaines.
C’est ce que nous montrent les “Uber files”. Ministre de l’Économie, il faut tout de même être parfaitement idiot pour communiquer personnellement par SMS avec les dirigeants et le lobbyiste d’Uber. Il serait bon de demander à Emmanuel Macron si ses juristes ne lui ont pas expliqué le droit de la preuve et ce qu’est la forfaiture, et nos services spéciaux la notion d’ingérence.
“Ce qui fait la force de l’élite actuelle n’est pas son intelligence, mais son nihilisme. Les représentants de cette élite n’ont généralement aucun scrupule à trahir, à tuer le père, à retourner leur veste dans tous les sens, à se ridiculiser, à se contredire, à mentir et manipuler, ou se vautrer dans le déshonneur. Issus de la génération des enfants-rois, privés de surmoi, ils vivent dans l’auto-sublimation narcissique. Cette aptitude à se livrer aux pires mauvais coups sans le moindre scrupule ni mauvaise conscience pour parvenir à leurs fins est le secret de leur réussite. Rien ne les arrête. L’intelligence est une notion bien différente : une sensibilité au monde et à son évolution, à autrui comme à ses propres limites. Or, cette sensibilité est justement la chose qui leur manque le plus cruellement”, écrit l’essayiste et haut fonctionnaire Maxime Tandonnet dans cet excellent billet.
Et vous voudriez compter sur ces gens là, du sommet de l’Etat et des institutions françaises comme européennes, pour penser le temps long ?
Non, ils vont encore faire des “deals”, de la mauvaise petite cuisine comptable qui une fois de plus va résulter dans l’anéantissement du fleuron qu’est EDF, qu’ils s’ingénient à mettre à mal depuis des années. Dépossédant ainsi les Français de leur légitime héritage.
Souriez, c’est vous qui payez.
Et Macron se moque de vous.