[ Analyse ] L'Occident est responsable de la crise alimentaire mondiale
Faire d'un conflit local une crise alimentaire mondiale est criminel. Le reste du monde le sait. Ce que nous écrivions dès mars.
Alors que la Russie vient de nouveau de se joindre à l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes dont elle s’était retirée après l’attaque sur Sébastopol, les accusations de chantage sont inopérantes.


Soixante pour cent des exportations de céréales ukrainiennes passaient déjà par la terre avant la guerre. Et le problème ne sont pas ces 60 % mais les 40 % restant qui eux, à destination de pays pauvres, essentiellement Moyen-Orient et Afrique, ne peuvent qu’être transportés par la mer.
Plus il sera patent que l’Occident - USA, Otan, UE - a perdu la guerre militaire, économique et - ce qu’on dit moins - diplomatique qu’il a engagé en Ukraine contre la Russie depuis 2004, plus les accusations les plus farfelues et hystériques vont se multiplier dans la bouche de ceux qui ont causé la catastrophe.
Histoire de bien sérier qui est responsable de quoi et couper court à toute tentative d’exonération hypocrite, voilà ce que nous écrivions en mars dernier. Un mois après le début de la guerre en Ukraine.
Le 23 mars 2022
Nous l’avons affirmé il y a une semaine : les USA, les pays membres de l’Otan et de l’UE ont transformé en crise globale la crise régionale qu’est la guerre en Ukraine par des sanctions économiques aussi inefficaces que criminelles.
Depuis l’invasion de l’Ukraine, le prix du blé a augmenté de 21 %. Celui des engrais, nécessaires pour obtenir de bons rendements dans la culture des céréales, de 40 %.
La Russie et l’Ukraine fournissent 30 % de la production mondiale de blé, 17 % de la production de maïs, 32 % de la production d’orge et 75 % de la production de graines de tournesol, source d’huile critique dans bien des régions du monde. Rajoutez que la Russie est le premier producteur et exportateur mondial de l’ensemble des engrais de base.
Interdisez à la Russie d’exporter sa production de céréales et d’engrais. Elle a de toute manière décidé de n’exporter qu’à destination de pays “non-hostiles”.
Assurez-vous que l’Ukraine ne puisse pas non plus écouler sa production en faisant tout pour provoquer la Russie à rentrer en guerre.
Les exploitations en Ukraine ne pourrons pas semer donc moissonner. Les 3 à 4 millions d’Ukrainiens ayant fui dans l’UE, vague migratoire sciemment organisée, sont autant de bras en moins.
Finissez en beauté avec une couche de sanctions contre la Biélorussie, producteur important d’engrais potassés. Biélorussie où l’on a tenté sans succès de forcer un changement de régime en 2020. Pure coïncidence.
Vous obtiendrez l’ensemble du marché agricole mondial de 1 100 milliards de dollars (hors échanges intra-européens) portant essentiellement sur les végétaux, se contractant en volume mais explosant en valeur.
On parle de choc énergétique. La récession économique qu’il va provoquer sera brutale. Le choc alimentaire sera lui meurtrier.
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Dans les pays développés, cela ne va se traduire qu’en baisse du pouvoir d’achat et en augmentation exponentielle des bénéficiaires d’aides alimentaires. Ailleurs, cela va résulter en des morts. Par centaines de milliers. Peut-être par millions. De faim. Un famine durable, longue, car ce n’est pas que l’approvisionnement en céréales qui est touché. Les rendements agricoles le sont aussi.
Les fabricants d’engrais en Europe ont fortement diminué leur production à cause des prix de l’énergie et de la matière première fondamentale qu’est le gaz naturel, le méthane, en chimie organique . Les paysans réduisent les épandages du fait du prix des engrais, obérant les rendements et les récoltes futures.
La Chine, confrontée à sa pire récolte de blé depuis des décennies à cause d’importantes inondations, va acheter une part plus importante de la production mondiale. Quant à l’Inde, d’ordinaire exportatrice net, elle a déjà vu ses importations de céréales tripler.
La Tunisie, qui peinait déjà à financer ses importations alimentaires avant la guerre, est au bord de l’abîme. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient où les populations sont très sensibles au prix du blé, les manifestations et les émeutes vont vraisemblablement se multiplier.
Le directeur du Programme alimentaire mondial (PAM), David M. Beasley, cité par Devex, sonne l’alarme. La malnutrition a déjà augmenté de 18% du fait des absurdes et inefficaces - donc criminelles - restrictions durant les deux ans d’épidémie de Covid, qui ont mis à mal les chaînes d’approvisionnement.
“Nous prenons de la nourriture à ceux qui ont faim pour la donner à ceux qui meurent de faim”. L’augmentation actuelle des prix équivaut pour le PAM à cesser de nourrir 3,8 millions d’êtres humains. “Nous sommes confrontés à la pire crise alimentaires depuis 1945”, conclue t-il.