Au moment de l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, certains avaient prévu qu'on allait arriver au chaos
Ne pas comprendre que l’aventure personnelle et le discours d’Emmanuel Macron cristallisent cette colère en haine sur sa seule personne car se disant ni de droite ni de gauche, est pure folie.
Les quatre jours de chaos provoqués par la dissolution de l’Assemblée nationale nous poussent à republier le billet du Groupe d’analyse métropolitain datant du 5 mai 2017, avant l’élection d’Emmanuel Macron. Dans le genre prémonitoire…
Nous sommes dans une crise de régime depuis l’élection, forme de coup d’Etat rampant, d’Emmanuel Macron en 2017. La France, qu’il a mise consciencieusement en faillite, continuera à s’enfoncer dans le chaos quelque soient le résultat des législatives.
La seule issue possible est qu’Emmanuel Macron démissionne et ne se représente pas. Et de procéder à un sérieux toilettage de la Constitution par referendum, toilettage qui devra prévoir la réduction significative des pouvoirs du président de la République, l’abrogation du 49-3 et son remplacement par un referendum d’initiative gouvernementale, la limitation à deux mandats parlementaires, la suppression du bloc de constitutionnalité, une réforme du conseil constitutionnel qui ne devra être composé que d’éminents juristes (avocats, magistrats et universitaires) n’ayant jamais détenu de mandat électif et désignés par vote du Parlement, et faire passer le contentieux du Conseil d’Etat et des tribunaux administratifs au ministère de la justice.
Il n’y a somme toute jamais eu d’état de droit en France, juste le droit de l’Etat. Il faut tenir responsables de leurs actes ceux qui sont à la tête des institutions, politiciens et hauts fonctionnaires. Rétablir l’indignité nationale, qui consiste à écarter de toute position de pouvoir ou d’influence ceux qui ont gravement failli sans pour autant avoir commis des infractions pénales, ceux qui ont gravement porté atteinte aux intérêts de la nation, à la liberté des Français et l’égalité entre eux.
Et si François Ruffin avait raison?
La lettre ouverte de François Ruffin publiée dans Le Monde fait couler beaucoup d’encre et couiner dans les cuchons. Les dominants persuadés de savoir mieux que les gens ce qui est bon pour les gens, trouvent cet “énergumène” et son discours dangereux. Les éternels idiots de l’extrême gauche et les insoumis par principe éructent en cœur l’Internationale et demandent du sang de bourgeois.
Au-delà de ce qui n’est des deux côtés que réaction de classe épidermique donc imbécile, les questions que soulève François Ruffin ne sont pas anodines. Mais alors pas du tout. Il le fait avec son vocabulaire de militant certes irritant et qui tend à rétrécir son propos. Ne tombons pas dans le piège qui consiste à réduire la substance de ce qu’il avance au vocabulaire qu’il utilise.
François Ruffin parle de haine d’Emmanuel Macron.
Qu’est-ce que la haine si ce n’est de la colère inextinguible cristallisée uniquement sur un individu ou un groupe d’individus ? Ne pas voir la réelle colère de trop nombreux Français devant ses fils et filles à papa diplômés d’écoles de commerce ou de Science Po revenant de leur stage aux States se disant entrepreneurs et s’auto-glorifiant en rédempteurs-sauveurs-dépositaires (C) (TM) (SM) de la démocratie et du progrès satisfaisant leur tropisme “Steve Jobesque” et leurs parents, c’est être borgne des deux yeux (notre description caricaturale n’est qu’une figure de style. Ils sont tellement franchouillards, tellement Monsieur Prud’homme, en fait).
Ne pas observer la colère et l’incompréhension de trop nombreux Français qui ont l’impression, à tort ou à raison, que leur vie leur échappe et que ce sont les dominants – les marcheurs sont perçus comme tels – qui ont toutes les cartes en main, c’est de l’autisme.
Ne pas comprendre que l’aventure personnelle et le discours d’Emmanuel Macron cristallisent cette colère en haine sur sa seule personne car se disant ni de droite ni de gauche, est pure folie. Quand ce fut Sarkozy, on avait la droite à détester. Quand ce fut Hollande, on avait la gauche à détester. Là, on n’a que Emmanuel Macron à détester.
Quand Emmanuel Macron parle de liberté sans jamais parler d’égalité, il ne propose qu’une seule forme de liberté, qui ne bénéficiera quoiqu’il en dise qu’aux 16 % de Français titulaires d’un diplôme Bac +5. Et encore pas tous, car il faut le filet de sécurité qui fait à la fois qu’on vous autorise à prendre des risques et que vous ayez les moyens de les prendre. La “liberté” n’est pas uniforme. Ce qu’entend Emmanuel Macron par liberté, c’est renoncer à encadrer certains aspects de la vie en société, de laisser libre cours aux instincts de ceux qui en “ont les moyens” parce que réputés comme étant capables d’être socialement plus performants que les autres.
Entre faire sauter les fourches caudines et autres barrières à l’entrée verrouillant la société française et laisser faire ceux qui disposent déjà d’un capital – social, éducatif, culturel, familial, financier – parce qu’on croit qu’ils seraient en quelque sorte prédestinés à diriger ou à mener – il y a un univers. Ce saut quantique présente des risques considérables de finir en big bang, en trou noir.
Le refus d’Emmanuel Macron, par exemple, de reconnaître que réformer le code du travail par ordonnance est une monumentale absurdité est très inquiétant. Ce serait non seulement illégal en l’état actuel de la loi, mais une fausse solution au point que la presse qui lui est favorable commence à s’en émouvoir, avec des mots forts et catégoriques.
L’ensilage de la société française est tel que l’on ne prend pas la mesure de la détestation d’une bonne partie de la population pour les 24 % de “nouveaux” ou “wannabees” bourgeois “start-upers” innovants et durables qui ont voté pour Emmanuel Macron au premier tour. Et cette détestation se concentre sur un seul homme. Elle s’incarne.
Emmanuel Macron se comporte déjà comme s’il avait été plébiscité. Son ton d’instituteur, curieux écho à celui de curé de François Hollande ou de copain de comptoir de Nicolas Sarkozy, n’augure pas bien.
Il nous faut faire très attention : si le parlement ne prend pas l’ascendant dès le 18 juin et fait séance tenante en sorte que Emmanuel Macron soit cadré et confiné à son simple rôle de chef de l’exécutif comme le prévoit notre Constitution, qu’il ne se mêle pas directement du travail législatif et du gouvernement du pays, ce sera le chaos. Ça ne durera pas cent jours et dès septembre, une partie de la France sera dans la rue.
Le Rassemblement National le sait. Que sa candidate passe pour une fumiste et une poissonnière déchaînée lui importe peu puisque le chaos n’a pas encore aujourd’hui atteint la masse critique susceptible de la porter au pouvoir, et dans trois mois, nombreux seront ceux qui ne lui en tiendront plus rigueur. Alors dans cinq ans…