[ Audiovisuel public ] Pathé Macronie, la voix de son maître
La manœuvre est aussi grossière que désespérée : depuis plusieurs mois, la Macronie s'emploie à placer ses pions dans l'audiovisuel public. Sans respecter le peu de règles d'éthique mises en place.

C’est le dernier épisode des relations incestueuses entre l’audiovisuel public et la Macronie : l’ex-porte parole du gouvernement Attal, Prisca Thevenot, s’en va siéger au conseil d’administration de Radio France, comme l’a révélé La Lettre.
On se rappelle l’attachement de l’ex-ministre chargée du bien-nommé Renouveau démocratique à la liberté et la pluralité de la presse: celle-ci se faisait fort de ne pas donner le micro, voire de le couper, aux journalistes dont les questions ne lui plaisaient pas. Off-Investigation a largement documenté ces entraves décomplexés à l’exercice du métier de journaliste, donc à la liberté d’informer et d’être informés.
Quelle ardeur Prisca Thevenot va t-elle mettre pour assurer “le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision”, une des missions dévolues à l’audiovisuel public. Rappelons que l’équité du temps de parole des candidats ou formations à une élection doit depuis 2017 être proportionnelle à leur représentativité et leur implication effective dans la campagne. Et que c’est aux médias d’estimer le temps imparti à chaque candidat en fonction des résultats aux précédentes élections et de la dynamique de campagne. Une absurdité absolue.
Dans cette partie de chaises musicales, l’ex-député Horizons Jérémie Patrier-Leitus, le prédécesseur de Prisca Thévenot à ce poste – un siège étant réservé à un représentant de l’assemblée nationale, un autre du Sénat – devient administrateur de France Media Monde, la société qui supervise les activités des radios et télévisions publiques détenues par l'État français et ayant une diffusion internationale.
Jérémie Patrier-Leitus a au moins pour lui d’avoir quelques atomes crochus avec le milieu de la presse. Fils de journaliste, il s’est impliqué dans les États généraux de l’information et a même été l’auteur d’une proposition de loi sur la confiance dans les médias. Pour l’anecdote, le texte – qui n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée nationale – entend notamment mettre en place un dispositif obligatoire d’enregistrement des journalistes auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), auquel sont déjà soumis les élus. Une absurdité de plus.
Un coup d’œil au site de la HATVP suffit à constater à quel point la transparence a ses limites et les considérations de certains élus : nulle trace de la déclaration d’intérêts de celui qui a été député de 2022 à 2024, le site mentionnant seulement “publication à venir”.
Nulle trace non plus sur le site de la HATVP d’Emmanuel Grégoire, l’ancien premier adjoint d'Anne Hidalgo qui fait son entrée au conseil d’administration de France Télévisions. Alors que ce poste est censé être attribué au président de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, soit à la députée socialiste Fatiha Keloua Hachi. En 2022, Aurore Bergé avait profité de semblable parachutage, faisant fi des quelques règles sensées garantir un minium d’étanchéité entre l’audiovisuel public et le pouvoir politique en place.
Une porosité que Radio France n’essaie même plus de cacher. Ainsi donc, Prisca Thevenot n’est-elle que le dernier avatar d’un pouvoir qui s’accroche désespérément à ses (derniers ?) privilèges. Avant elle, la HATVP avait en juillet dernier donné son feu vert à la nomination de Marie-Ange Badin au poste de secrétaire générale adjointe de la radio de service public.
Marie-Ange Badin a été conseillère politique et parlementaire d'Amélie Oudéa-Castéra après avoir officié auprès de Bérangère Couillard à l’écologie. Sybile Veil, la directrice générale de Radio France qui a fait ses études avec Emmanuel Macron et est mariée au petit-fils de Simone Veil et est donc l'ex-belle-fille d'Agnès Buzyn (vous suivez toujours ?) a juré au Canard enchainé ne pas être intervenue dans le recrutement.
A défaut de relever pénalement du trafic d’influence, toutes ces nominations en cascade révèlent pour le moins un pouvoir aux abois (dont fait partie une portion pas si congrue de la classe médiatique), prompt à verrouiller tout ce qui peut encore être verrouillable et s’aménager passe-droits et portes d’entrée dans un mépris total des règles et de l’éthique dont l’épisode Guillaume Meurice en a été une des plus flagrantes illustrations.
A la Maison ronde, tout le monde a encore en mémoire l’intrusion de Gabriel Attal au beau milieu de l'intervention de la candidate macroniste Valérie Hayer pendant la campagne des Européennes. On se souviens aussi que le premier ministre s’était tranquillement imposé pour un débat sur France Télévision face à Jordan Bardella alors qu’il n’avait rien à y faire. Sans que le service public n’y trouve à redire.
France Télévisions, la nouvelle boîte à cons
Si on ne devait poser qu'une seule question au terme du débat sur France 2 qui a vu s'oppposer Jordan Bardella à Gabriel Attal, ce serait celle-là : que faisait le premier ministre sur le plateau à débattre d'un programme qu'il ne porte pas aux élections européennes, éclipsant la tête de liste Renaissance Valérie Hayer ?