Drôles d'alliances derrière le burqini à Grenoble
Plongée dans les relations troubles entre l'Alliance citoyenne et la municipalité grenobloise d'Eric Piolle.
Ce n’est pour l’Alliance citoyenne que la première étape. Permettre au burqini, version aquatique du foulard islamiste, de mettre un pied dans les piscines publiques de Grenoble est un avant-goût de ce que l’association aux manettes des opérations coup de poing dans la capitale du Dauphiné depuis 2019 entend impulser.
Elle ne s’en cache d’ailleurs pas. Derrière cette plongée dans les bassins qui depuis trois ans agite le microcosme grenoblois et qui avec la perspective d’une autorisation en bonne et due forme le 16 mai – l’autorisation y est soumise pour délibération aux élus grenoblois moyennant un changement du règlement municipal croquignolet – l’idée est bien d’aller plus loin.
« On est là pour défendre nos droits de citoyennes françaises », soulignait sur Place Gre’net en avril 2019 Taous Hammouti, l’une des meneuses de ce petit groupe de femmes. « Pour dire stop à l’islamophobie, à l’exclusion des femmes musulmanes des activités sportives, de la possibilité d’accompagner son enfant lors de sorties scolaires, d’aller voir un médecin sans être discriminée, etc. On touche pas à mon hijab ».
Une défense des valeurs émancipatrices à géométrie bien variable. En janvier 2015, quelques jours après les attentats de Charlie Hebdo, Taous Hammouti avait posté sur sa page Facebook ce message : « N’oubliez jamais que c’est Charlie qui a dégainé le premier. » Elle avait aussi lancé une pétition pour la libération de Tariq Ramadan et publiait régulièrement des articles de son frère, Hani Ramadan. Alors directeur du Centre islamique de Genève, Hani Ramandan disait soutenir la lapidation sans réserve.
« Accorder au port du burkini et du hijab une dimension libératrice et émancipatrice serait faire preuve de naïveté et d’aveuglement », dénoncent à Grenoble les conseillers municipaux d’opposition Olivier Six et Hosny Ben Redjeb.
« Il nous faut refuser le piège tendu qui ouvre la porte à d’autres renoncements, à des accommodements au service de l’intégrisme, et surtout à la désunion des élus républicains. Le changement du règlement des piscines conduirait à satisfaire les revendications d’un islam politique, c’est-à-dire d’une idéologie totalitaire et radicale ».
Si les deux conseilleurs municipaux d’opposition réclament, faute de retrait de la délibération, le vote à bulletin secret, c’est que la pression monte. Alors qu’ Alain Carignon, l’ancien maire de Grenoble aujourd’hui dans l’opposition appelle à une mobilisation le jour du vote afin d’exiger la tenue d’un référendum, au moins trois élues contre la délibération ont été convoquées dans le bureau d’Eric Piolle, révèle Le Parisien.
Avant, certains avaient claqué la porte. En janvier, Chloé Le Bret avait démissionné de son poste de conseillère municipale à l’égalité des droits, refusant de cautionner les atermoiements de la majorité municipale. Avant elle, l’adjoint aux sports d’Eric Piolle Sadok Bouzaïene avait lui aussi tourné les talons, et dénonce aujourd’hui une Alliance citoyenne qui « fait du buzz et de l’islam politique ».
Car le burqini est le cache-sexe de revendications et d’actions à venir, pour l’heure circonscrites à ce que certains voient comme un simple bout de tissu cachant (mal) une pudeur plus ou moins feinte (pudeur marqueur du reste d’une pression sociale et patriarcale certaine).
Au prétexte que c’est un non-débat, antienne reprise par Eric Piolle qui redoute d’abord les éclaboussures que génèrent ces actions coup de poing 1 – à Grenoble, la pétition pour réclamer le burqini dans les piscines avait recueilli 400 signatures, signatures du reste quelque peu forcées comme je l’avais relaté à l’époque sur Place Gre’net quand, à Lyon, 200 signatures avaient été collectées – le mouvement est enclenché.
Piscines, salles de sport, terrains de foot…
A Grenoble et à Lyon, l’association n’a pas seulement fait le forcing dans les piscines, elle a aussi investi les salles de remise en forme. Et obtenu de certaines d’entre elles, Keep cool et Welness notamment, qu’elles changent leur règlement intérieur et acceptent le hijab, consignant en 2020 leurs avancées dans une “carte-guide des femmes voilées”.
C’est aussi l’Alliance citoyenne qui est derrière le collectif des hidjabeuses, lequel milite pour que le voile soit autorisé sur les terrains de foot. On les a vu en février interpeller des députés du Rhône et investir en ce sens la place des Terreaux à Lyon.
Un mouvement soutenu par le maire de Grenoble à qui on ne peut reprocher… une certaine constance sur le sujet. Au prix d’un dogmatisme dont a “fait les frais” l’essayiste et philosophe Razika Adnani, auteur d’une lettre ouverte à Eric Piolle puis d’une entrevue qui a tourné court (à suivre sur L’Eclaireur notre entretien avec l’islamologue membre du conseil d'orientation de la Fondation de l'Islam de France).
Bref, l’Alliance citoyenne s’active, et notamment pour transplanter en France un communautarisme à l’américaine selon des méthodes que ne renierait pas Georges Soros. L’Open Society, la fondation du milliardaire américain, est du reste l’un des principaux financeurs de l’association – plus de 150 000 euros ont été accordés en huit ans – dans l’objectif d’aider à son développement national.
Reste que si l’association est née, et s’épanouit surtout à Grenoble, ce n’est peut-être pas le fruit du hasard. Mais le résultat de liens savamment tissés.
En 2019, on avait vu Enzo Lesourt, conseiller spécial du maire, aux côtés des militantes de l’Alliance citoyenne dans les vestiaires d’une piscine de Grenoble lors d’une opération burqini. Ce ne serait d’après Le Parisien pas le seul relais de l’association jusque dans les couloirs de la municipalité. Yann Mongaburu, ex-candidat d’Éric Piolle à la Métropole et délégué à l’Urbanisme en ferait partie.
De manière plus évidente, on retrouve Céline Deslattes, hier présidente du Planning familial, qui avait ouvertement soutenu les opération burqini, élue depuis 2020 conseillère municipale déléguée à la Grande précarité. Mais aussi Antoine Gonthier, aujourd’hui chargé de mission Interpellation citoyenne, hier ancien salarié de l’Alliance citoyenne.
Ou encore Emmanuel Bodinier, le président de l’association ECHO qui, en 2012, donnera naissance à l’Alliance citoyenne. Le militant est désormais candidat EELV sur la 3e circonscription de l’Isère, soutenu face à une autre candidat par Eric Piolle, relate Le Dauphiné Libéré (article mis à jour à le 12 mai à 23 h 30).
Coïncidence ? Tous sont passés par la case Sciences Po Grenoble, école qui a mis à pied un de ses enseignants au nom d’une prétendue islamophobie sans que les auteurs de ces accusations, pourtant épinglés dans un rapport de l'Inspection générale de l'Éducation, n’aient été sanctionnés. C’est aussi à Sciences Po qu’a été formé Elies Ben Azib, le directeur de l’Alliance citoyenne à Grenoble.
Entre une partie de la classe politique et l’association, les liens sont parfois à double sens. Pendant des années, Adrien Roux, le directeur de l’Alliance citoyenne, a ainsi été rémunéré pour dispenser via l’Institut Alinsky 2 des formations à des groupes locaux de La France Insoumise et aux élus municipaux des Verts comme le montrent des documents qui m’avaient été transmis et à l’époque, et alors révélés par Place Gre’net.
Le même Adrien Roux que l’on retrouvera dès 2015 (au moins) pour poser les fondations de la démocratie participative à Grenoble.
Témoignage d’une profonde collusion entre les partis de la majorité municipale et l’association comme le soulignait alors Alain Carignon, pour qui ces formations rémunérées s’apparentent à des financements publics détournés venus s’ajouter aux subventions publiques 3?