[ Edito ] Le Maire, impasse et manque
Dans "The Economist", Bruno Le Maire affirme que la crise actuelle provoque des transferts de richesse de l'UE vers les pays pétroliers.

La France est double championne d’Europe. Du coût de production de l’électricité le plus bas et du prix de gros de l’électricité le plus élevé. Parce que le prix de gros de l’électricité dans l’Union européenne est fixé par le coût de production de la centrale à gaz la plus chère, donc la moins efficace.
Robin Brooks, économiste en chef à l’Institute of International Finance - l’association professionnelle globale du secteur financier - nous explique en mettant en parallèle deux éléments que le choc de recession en Europe va être brutal .


Le prix “spot” - au comptant - du gaz en Europe (courbe blanche) s’effondre et ne varie aujourd’hui qu’en fonction de la météo, puisque les infrastructures de stockage sont pleines. Ces variations de prix ne représentent donc que les spéculations quotidiennes des acteurs, et non pas l’état réel de l’offre et la demande.
Les prix à 3 ans du gaz (courbe orange) eux ont triplé en un an et ne baissent pas. Ce qui signifie que les acteurs du marché ne s’attendent à aucun changement dans l’équilibre de l’offre et de la demande à court-moyen terme. Les industriels planifient leurs opérations et leurs investissements en fonction de ces prix-là. Si vous vous demandiez pourquoi BASF, géant allemand de l’industrie chimique et énorme consommateur de gaz comme source d’énergie et comme matière première, va délocaliser une partie de sa production hors d’Europe, ne cherchez plus.
Robin Brooks poursuit en pointant que l’indice des conditions financières de Goldman Sacks (qui mesure l’efficacité des politiques monétaires quant à la stimulation de la croissance) décrit une situation aussi tendue dans la zone Euro qu’en 2011 au plus fort de la crise de la monnaie unique, plus tendue qu’aux USA et au Royaume Uni. Une récession profonde arrive en zone Euro.


Récession brutale et profonde, donc.
Pendant ce temps-là, Bruno Le Maire, le foudre de guerre qui devait mettre l’économie russe à genoux, assène doctement que la crise actuelle résulte en des transferts “massifs” de richesse de l’UE vers les pays producteurs d’hydrocarbures, facteur externe sur lequel ni lui si ses collègues européens n’ont de prise.


Notons tout d’abord que les pays producteurs d’hydrocarbures sont les propriétaires de leurs ressources. Quand les prix augmentent, ils gagnent plus d’argent. Rien de plus normal.
L’augmentation du prix des hydrocarbures s’est amorcée bien avant la guerre en Ukraine et les suicidaires sanctions européennes. Cette augmentation est due à des investissements d’exploration et de mise en exploitation de l’industrie pétrolière divisés par trois en 15 ans. Sans compter des capacités de raffinage insuffisantes.
Qu’est-ce que Bruno Le Maire ne comprend pas dans le mot “transition” ? Une transition est un passage souple, sans à-coup, sans rupture d’un état à un autre.
Avoir forcé tant l’industrie pétrolière que notre filière nucléaire à réduire la voilure sans l’existence d’alternatives viables est la cause du choc énergétique.
Imposer des dates fermes de “sorties” parfaitement irréalistes - comme celle de l’arrêt de la production de voitures à moteur à explosion - est suicidaire.
Il en va de l’énergie comme il en va de la politique économique : c’est le mix qui compte. Il s’agit de choisir la bonne énergie pour la bonne application, c’est à dire la forme d’énergie la plus efficace en terme de coût et d’impact environnemental selon les exigences de l’application. Tout comme il faut choisir le bon niveau et la bonne nature des dépenses publiques, les bons revenus ou produits à taxer au bon niveau et le bon taux d’intérêt pour stimuler une économie et une croissance saines.
Il n’y a strictement aucun intérêt à interdire les véhicules à moteur thermique alors que la marine marchande, elle, continue à brûler du fioul lourd très polluant et qui résulte … du raffinage du pétrole pour produire de l’essence, du diesel, du kérosène etc.
En revanche, l’application “marine marchande” est particulièrement bien adaptée à l’hydrogène. Car le poids et la taille des cellules à hydrogène importe beaucoup moins dans un bateau que dans un avion. Ensuite, les quantités de carburants nécessaires sont telles que la filière sera rapidement financée avec des investissements de distribution moindres (nettement moins de point d’avitaillement en fioul lourd que de stations essence). Et puis, l’impact environnemental sera maximum pour cette application.
Mais ceci est visiblement trop compliqué à comprendre pour les poulets sans tête qui nous gouvernent, dont l’horizon ne dépasse pas leur prochaine apparition sur une chaîne info.