[ Edito ] Les déséquilibres de la mondialisation sont financiers, pas commerciaux
Les décisions de Donald Trump sont erratiques, il ne sait pas ce qu'il fait, nous dit-on. Pas si sûr. Pas dit non plus qu'il s'attaque au cœur du problème.
La logique derrière la politique que mène Donald Trump, et notamment son utilisation brutale des droits de douanes, est à trouver dans un livre blanc rédigé par l’économiste en chef de la Maison Blanche, Stephen Miran.
Notre confrère Michael Shellenberger en propose une explication de texte dans son article ci-dessous.
L’argument principal développé par Miran est que le système instauré après la Seconde Guerre mondiale, par lequel les États-Unis financent la sécurité de leurs alliés en Europe et en Asie tout en tolérant des barrières douanières plus lourdes sur leurs productions que celles appliquées en retour, a vécu. Cet édifice a compromis la sécurité nationale américaine, porté préjudice aux classes laborieuses et érodé la cohésion sociale indispensable à toute nation, écrit Shellenberger.
Il poursuit en citant Miran: “le statut de monnaie de réserve (du dollar, ndlr) engendre un paradoxe : il génère des déficits chroniques, à la fois budgétaire et commercial, qui, sur la durée, alimentent une dette publique et extérieure difficilement tenable. Cette dynamique fragilise à terme la stabilité et la primauté d’une économie débitrice de cette envergure disposant de la monnaie de réserve.”
La solution que propose Stephen Miran consiste à restructurer le système commercial international, dans le but de garantir la souveraineté nationale, le niveau de vie des Américains par réduction des déficits et de la dette, et accessoirement la stabilité mondiale. Il pose le constat juste que la mondialisation a cessé depuis longtemps d’être bénéfique.
Si on peut entendre ses arguments, Miran fait en revanche l’impasse sur le fait que les déséquilibres engendrés par la mondialisation sont à l’origine et principalement financiers, non pas commerciaux.
L’envolée des dettes et des déficits s’explique par trois facteurs : a) les USA en avaient la possibilité grâce au dollar ; b) cela procure une croissance économique rapide et sans effort, avec des bénéfices politiques importants (en France, par exemple, la dette est devenue l’unique levier de croissance, ce qui a conduit Emmanuel Macron à la faire exploser grâce à l’euro pour assurer sa réélection et aujourd’hui se maintenir au pouvoir) ; c) la délocalisation industrielle est une réponse facile, quoique trompeuse, à la loi des rendements décroissants. La mondialisation n’a jamais été centrée sur le commerce – l’histoire atteste de périodes d’échanges soutenus sans les déséquilibres actuels – mais sur la finance, sur les mouvements de capitaux.