Et la condition militaire (bordel) ?
Il faudra toujours un homme pour tirer un coup de fusil. Une armée est avant tout une organisation humaine. Et des hommes on prend soin. Témoignage d'un officier supérieur.
Un officier supérieur issu du rang, avec plus de trente de carrière en unité réellement combattante (au sein d’un régiment de légende parmi les premiers à toujours être envoyé au feu), nous fait part, sous couvert de l’anonymat, de ce dont personne ne parle : la protection sociale de nos soldats.
La condition militaire n’est pas une mince affaire. La manière dont la nation traite ceux qui la défendent et les conditions dans lesquelles ceux qui ont achevé de le faire retournent à la vie civile sont fondamentales. Non seulement pour des questions de recrutement, mais aussi parce que cela montre le prix – dans tous les sens du terme – que la nation accorde à la vie de ceux qui ont fait le choix d’engager la leur à son service.
C’est bien beau ces bidules technologiquement avancés si chers mais si en faible nombre qui ne servent pas à grand-chose, à part à engraisser les actionnaires d’une industrie de défense qui n’est plus au service de la défense nationale. C’est la leçon à tirer de la guerre en Ukraine et de ce qui se passe actuellement en mer Rouge, où les Houthis, des combattants en sandales mâchant du kat toute la sainte journée, tiennent en échec la marine de guerre américaine et celles de l’Otan. Il faudra toujours un homme pour tirer un coup de fusil.
Il s’agit dans ce témoignage d’une simple histoire de mutuelle, nous direz-vous. Ce n’est justement pas si simple, et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres (souvenez-vous de la catastrophe du logiciel Louvois). Vous allez pouvoir constater les ravages que cause l’absurdité bureaucratique et comptable. On découvre qu’une blessure subie à l’entraînement ou au combat est une condition préexistante qui non seulement surenchérit les cotisations mais obère également les remboursements. Dans les unités de combat, personne ne risque rien à part un retour de stylo. C’est d’ailleurs pour cela qu’on s’y engage.
« UNEO, bien plus qu’une mutuelle » ?
Unéo (la complémentaire santé des militaires, ndlr) est née en 2008 de la fusion des trois mutuelles de la défense : la caisse nationale du gendarme (CNG), la mutuelle nationale militaire (MNM) et la mutuelle de l’armée de l’Air (MAA). Elle est sensée assurer la protection sociale complémentaire (de la caisse militaire de sécurité sociale) du personnel militaire et civil des armées (90%). En 2016, elle rejoint le pôle de protection sociale sécurité-défense Unéopôle avec la mutuelle de la Police et la GMF des fonctionnaires.
Mais petit à petit, Unéo va devenir… une assurance également, au travers de son volet “prévoyance”. Le résultat ? Les militaires ayant souscrit un contrat à partir de 2011 voient leur contrat “référencé” plus avantageux que ceux l’ayant signé avant. Pour ces derniers, aucun avertissement ne leur est fait sur cet aspect inégal. Comment cela va-t-il finir par se savoir ? Par le décès des uns et des autres… parfois en même temps : la famille de l’un est mieux remboursée que celle du camarade d’à côté.
Le commandement va donc inciter les plus anciens à basculer leur contrat vers la nouvelle mouture pour être mieux protégés. C’est là que la machine administrative (infernale) se met en marche : la cellule médicale d’Unéo va envoyer aux intéressés un questionnaire médical où ils doivent indiquer d’éventuelles blessures et séquelles survenues en service. De bonne foi, nombre de ces soldats servant déjà depuis plusieurs décennies ont donc indiqué leurs vieilles pathologies. La réponse ? Unéo a non seulement majoré (augmenté) leur prime mais leur a demandé de signer un document leur faisant reconnaître qu’ils ne seraient plus couverts pour les accidents futurs survenant sur des parties du corps déjà touchées !
En gros, perdre le genou droit lors d’un grave accident à l’issue de cet avenant ne sera pas pris en compte si vous avez eu une entorse au même endroit dix ans plus tôt, avec quelques séances de kiné à la clef ! C’est, selon le jargon de la cellule, le “risque assurantiel” qui intervient… vous avez une fragilité antérieure qui peut être éventuellement à l’origine de la nouvelle invalidité. Double peine donc, payer plus et ne plus être totalement couvert… pour des hommes et femmes servant ce pays dans des conditions parfois extrêmement rugueuses (loin d’un bureau climatisé ou chauffé, derrière un clavier d’ordinateur), quand le premier migrant venu bénéficie désormais de la solidarité nationale !
Cerise sur le gâteau, si le ministère des Armées avait autorisé depuis 2018 les militaires à se tourner vers la concurrence, ce sera terminé le 1er janvier 2025. Unéo sera obligatoire pour tous ! Serait-ce sa mauvaise gestion qui inciterait le gouvernement à “sauver le soldat Unéo” en ne laissant pas le choix de la souscription à ses soldats ?
Ceci n'est pas vraiment nouveau. Lorsque j'ai décidé de souscrire un contrat auprès de la MNM à la naissance de notre ainée, il m'a été déclaré "que j'étais trop âgé pour y avoir droit!"(J'avais trente ans). J'ai donc souscrit un contrat auprès d'une complémentaire civile. Mais à l'époque, la CNMSS était gérée par des militaires auxquels elle apportait son soutien en cas de difficultés. Depuis que Sarkozy a regroupé cette branche, alors excédentaire, au régime général, cet avantage n'existe plus (sauf erreur de ma part). Mais ce n'est pas pour cela que le régime général est en équilibre! Après cette anecdote, une autre, récente: En formation en école de cadres, un parent ne dispose que d'une madeleine au café du matin et d'un sachet avec des pâtes précuites à midi sur le terrain. Plus de rations individuelles: elles ont été cédées à l'Ukraine! Imaginez des jeunes de 20 à 25 ans à qui on demande des efforts physiques, se nourrir avec de telles rations! A mon époque, les repas étaient copieux - surtout dans les Troupes Alpines - mais ce n'était pas la cuisine de SODEXHO! Enfin, l'équipement est tellement adapté que les instructeurs encouragent les élèves à en acheter un meilleur au foyer. Dernier point: Les engagés, soldés 1380€/mois doivent payer le lavage de leurs tenues (de combat) dans les machines mises à leur disposition dans les unités. A ce salaire dérisoire-là les vêtements techniques sont entretenus par les entreprises (ce qui était le cas à mon époque!) Est-il descend de traiter des jeunes futurs cadres ainsi? Poser la question c'est y répondre et tout cela concourt - ou non - au moral de la troupe.