[ Feuilleton ] UNITED NONSENSE
Troisième épisode de la fiction de Louis-Hervé Oswald, en exclusivité pour L'Eclaireur.
Précédemment:
J’ai souvent eu l’impression durant ces années d’être une poupée entre les mains d’une petite fille capricieuse, qui un jour arrachait une touffe de cheveux, un autre un œil, un troisième un bras, et qui, une fois la mutilation accomplie, se plaisait à jouer au docteur. A chaque jour son diagnostic. Un vrai dictionnaire d’anatomie dont la litanie, déclamée avec aplomb et sérieux, sonnait aux oreilles de la petite comme une superbe sonate qu’elle venait elle-même de composer.
La poupée était alors déclarée malade : il fallait qu’elle se soigne, qu’elle consulte, qu’on l’ausculte, qu’on la diagnostique, qu’on la médicamente.
Mais la poupée avait la faculté précieuse qu’ont certains reptiles : la régénération. Aussitôt le bras, l’œil et la touffe de cheveux arrachés, ça se mettait incontinent à repousser. La petite fille, toute absorbée à contempler les membres dont elle venait de faire l’ablation, ne s’en rendit jamais compte avant qu’ils eussent finis de se régénérer complètement. Et là, mi-rageuse (mais je lui avais pourtant démis le bras !), mi-heureuse (chouette, plus d’yeux à énucléer !) de voir ces membres reconstitués, la petite fille reprenait méticuleusement son démembrement. Son jeu de carabin.
Les facultés de régénération de la poupée s’amenuisaient à chaque opération, et leur fréquence était grande. Son énergie vitale diminuait à chaque mutilation. Et les membres se reformaient, petit à petit, de manière invisible à l’œil nu, de moins en moins bien, tendant irrémédiablement vers la difformité.
Au bout du compte, la petite fille pris conscience que quelque chose clochait. Elle appréhenda, en fouillant au tréfonds de sa mémoire, que les membres ne repoussaient pas à l’identique. Elle déclara alors au monde que la poupée était rentrée en dégénérescence. Elle fut très fière de cette découverte.
La poupée tenta bien de se rebiffer, de faire comprendre à la petite fille qu’elle voulait bien être démembrée du moment qu’elle pouvait bien se régénérer. Rassemblant ses maigres forces, elle fit un jour repousser son bras comme un battoir, son œil comme une braise incandescente, sa touffe de cheveux comme autant d’épines. Et la petite fille qui, tout à son habitude ne remarqua rien, pris une claque, fut brûlée et piquée.
C’était fort dommage, car la poupée aimait vraiment la petite fille même si elle ne comprenait pas toujours ce besoin pressant qu’elle avait de démembrer et de diagnostiquer. C’était fort dommage, car la petite fille aimait sincèrement la poupée (elle ne s’en était jamais désintéressé et ne l’avait jamais enfouie au fond du coffre à jouet). Elle ne comprenait pas pourquoi elle ne pouvait pas se régénérer à l’identique, indéfiniment.
Etre riche ? J’en aurais profité pour tout perdre. Un petit raid, là, à la baisse, bien ficelé à la bourse, pour couper celles des nantis. Les riches étouffent de leur peur de ne plus l’être et les pauvres se nourrissent de l’espoir de ne pas le rester. Lieu commun. Flic je suis, faut s’attendre à quoi ? Le commun c’est mon turf, le bon, le gros, celui des pizza à “préparation fromagère”, 50% de fromage, 50% de corps gras, le tout bien salé et arrosé de soda bien sucré. Le sel ne va pas sans le sucre dans l’industrie. L’amer se goûte toujours seul et ne rapporte rien.
- Vous comprenez Per, la situation dans laquelle je suis ?
- Franchement, ça me dépasse un peu, Monsieur…
- Tatatata ! Willy je vous ai dit !
- Vous appeler par votre prénom ne m’éclaire pas plus…
Le chat de race castré me vise, interdit : j’ai utilisé sa syntaxe.