[ Flash ] Délire panoptique
La vérification par des moyens imposés par l'Etat de l'âge des utilisateurs est illégale en droit européen et contraire au RGPD.
Et c’est reparti pour une grosse crise de délire paranoïaque. “Avec la Grèce, l’Espagne, Chypre, la Slovénie et le Danemark, nous pouvons imposer aux plateformes ”… Aux dernières nouvelles, l’Union européenne, c’est 27 pays, pas 6. Emmanuel Macron, une fois encore, parle d’une coalition des impuissants.
Emmanuel Macron ment. Ni le Digital Service Act (DSA) ni le Digital Markets Acts (DMA) ne permettent d’obliger les plateformes à vérifier l’âge des utilisateurs par des moyens imposés par l’Etat. Il n’existe aucune directive en la matière. Tout ce que le DSA impose est que les plateformes mettent en place des mesures “appropriées et proportionnées” pour assurer un niveau élevé de protection de la vie privée et de la sécurité des mineurs (article 28) dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Ce qu’essaient de faire passer cette bande d’incompétents est, de manière détournée, la vérification des identités de l’ensemble des utilisateurs, ce qui est illégal car équivalent à de la surveillance de masse généralisée.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a annulé en 2014 l’ensemble de la directive de conservation des données (Data Retention Directive 2006/24). Depuis 2020, la France a systématiquement été condamnée par la CJUE pour ses exigences de conservation des données. Autant dire que le marché pour des entreprises d’analyses de données telles que Palantir, Microsoft, Google et les autres est réduit à peau de chagrin.
Dans sa décision du 6 octobre 2020, la CJUE a arrêté que les régimes nationaux de collecte ou de conservation massive de données de télécommunications (Royaume Uni, France, Belgique) doivent respecter la législation européenne, même en matière de sécurité nationale. Elle a précisé qu’une loi nationale obligeant un fournisseur de communications à traiter des données de trafic ou de localisation de façon générale et indifférenciée est incompatible avec le droit de l’UE. Obliger les utilisateurs de plateformes à s’identifier par un moyen fourni par l’Etat à chaque utilisation est par conséquent illégal, puisque cela sera conservé.
Personne ne peut imposer la vérification de l’âge des mineurs car le RGPD stipule que l’ouverture de compte et l’utilisation des réseaux sociaux pour des mineurs de moins de 16 est la responsabilité des parents, et des seuls parents. Jusqu’à preuve du contraire, l’autorité parentale ne relève jamais de l’Etat, même quand elle est retirée aux parents par décision de justice et confiée à un tuteur. Et on connait la très sombre réalité de la protection de l’enfance.
En vertu du DSA et du RGPD, une plateforme doit protéger les mineurs et respecter l’âge minimal (par exemple 13, 15 ou 16 ans selon les pays) dit du '“consentement numérique”.
Elle peut donc utiliser une vérification d’âge “proportionnée”, comme :
une auto-déclaration (demander la date de naissance) ;
une analyse d’image (vérification faciale approximative, sans stocker les données biométriques) ;
ou une vérification via les parents qui confirment l’âge sans partager d’autres données.
Mais elle ne peut pas :
exiger la copie d’une pièce d’identité - donc la production d’une identité numérique;
conserver ces données plus longtemps que la durée de vérification ne le nécessite.
Nos “leaders” européens s’empêtrent dans leurs injonctions contradictoires, dans ce qui ne peut être que qualifié de psychose, tant leur perception de la réalité est distordue. Ils n’appréhendent pas les implications juridiques et techniques de ce qu’ils cherchent à imposer afin de contrôler ce qui ne saurait l’être - à part par la justice a posteriori - la liberté d’expression. Ils sont terrorisés par les moyens d’organisation que les réseaux sociaux procurent aux populations. Ils abhorrent toute forme d’intelligence collective qui met à mal leurs “narratifs”, comprendre leurs mensonges.
Nous avons déjà montré l’incompatibilité de la vérification de l’âge des mineurs avec le RGPD et l’autorité parentale. Nous avons eu il y a deux semaines un autre exemple avec ChatControl, une mesure hyper-liberticide visant à contrôler toutes les communications avant chiffrement directement sur les appareils: téléphones, tablettes, ordinateurs - au prétexte fallacieux de la lutte contre la pédophilie et le crime organisé. Ce qui importe pour ceux qui s’engagent dans des activités illégales, n’est pas tant qu’on lise leur correspondance, mais qu’on soit en mesure de la leur attribuer. Sans attribution, pas de poursuites pénales possibles.
Cela fait bien longtemps que les producteurs et consommateurs de pédopornographie n’échangent plus de fichiers mais des archives chiffrées, et que cela se passe essentiellement sur le dark web, non pas sur des messageries à partir de téléphones portables. Cela fait bien longtemps que le vrai, le très grand crime organisé n’utilise plus de services de communication cryptée “off-the-shelf” type Encrochat mais a développé ses propres infrastructures de communications sécurisées parce qu’il a les moyens de payer à prix d’or des petits génies de l’informatique et de localiser des serveurs situés dans des Etats peu regardant.
ChatControl n’a pas été voté au Parlement européen alors que c’était la priorité absolue de la présidence tournante danoise. Pourquoi? Parce qu’incompatible avec le RGPD et l’identité numérique, parce que prévoyant également, à la demande des zinzins d’Europol, que tous les systèmes et appareils disposent de backdoors, de portes dérobées, permettant aux services de police de déchiffrer sur l’appareil ou à distance des données chiffrées!
Et c’est sans compter les législations et les cours constitutionnelles nationales - tout le monde ne dispose pas en Europe d’un Conseil constitutionnel faisant de la politique, pas du droit. La Cour constitutionnelle allemande a rendu un arrêt en août dernier qui interdit formellement l’utilisation de tout moyen de surveillance intrusif, sauf sur réquisition judiciaire pour des crimes et délits passibles de plus de 3 ans de prison, et qui renforce de manière significative la protection de la vie privée en matière numérique. ChatControl est donc une impossibilité constitutionnelle en Allemagne, donc en Europe.
Une identité numérique est bien plus facile à usurper ou à contrefaire qu’une identité matérielle. Rajoutons y donc d’énormes vulnérabilités! A partir du moment où il y a une backdoor, n’importe qui la connaît peut l’emprunter. A partir du moment où le secret de la correspondance - qui est un droit fondamental garanti par la Déclaration universelle des droits de l’Homme - n’est plus garanti par un chiffrement dur, il n’y a plus de sécurité des communications électroniques.
ChatControl reviendrait à détruire l’ensemble des industries numériques européennes dont plus personne dans le monde n’achèterait les produits et services, car présentant d’énormes failles de sécurité imposées par la réglementation.
En clair, l’identité numérique est incompatible juridiquement avec le RGPD; ChatControl est incompatible juridiquement avec le RGPD et techniquement avec l’identité numérique. Voilà ce que nos génies élitaires sont en train de concocter, une nouvelle usine à gaz inapplicable, inopérante, qui rajoutera une couche de ruine sur l’ensemble du continent. Tenez, comme le DSA.
Thomas Fazi et l’auteur de ces lignes concluent leur rapport sur les Twitter Files France ainsi:
“Les élites européennes se trouvent prises au piège : d’une part, d’une idéologie mondialiste rigide, erronée et obsolète qui place l’Europe au centre du monde ; d’autre part, d’une dépendance désuète, datant de l’époque de la Guerre froide, au contrôle de l’opinion publique par les médias de masse, et d’une tentative obstinée reproduire ce modèle avec les médias numériques. La télévision, que les élites considèrent comme leur domaine privé, n’a quasiment plus d’audience.
L’élite française, imprégnée d’arrogance technocratique, s’accroche à la croyance que ses paroles sont performatives. Étrangère au vécu des citoyens ordinaires, elle privilégie les modèles abstraits aux vérités tangibles. En étendant le contrôle de l’État à tous les aspects de la vie sociale – par la réglementation, le maintien de l’ordre et l’application de la loi –, elles s’efforcent de plier la société à leurs propres besoins. Tel un chef de classe malveillant, l’establishment cherche à démanteler les contre-pouvoirs – les opposants politiques, la justice impartiale, le journalisme indépendant, les mouvements populaires – pour se protéger de toute responsabilité pour le désordre qu’il a semé (…)
De par leur nature même, les bureaucraties cherchent à se préserver et à croître, tandis que les élites s’accrochent à leurs privilèges. Cela laisse présager une escalade de la répression institutionnelle et judiciaire de la liberté d’expression dans un avenir très proche. Les perspectives pour la liberté d’expression sont sombres. Pourtant, ces élites dirigeantes obsolètes et les institutions qu’elles dirigent pourraient ne pas faire le poids face à la force tellurique du progrès technique.
En attendant, il serait bon de tenir compte de l’avertissement de Primo Levi : « Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être véritablement dangereux ; bien plus dangereux sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires qui croient et obéissent sans poser de questions. » En France, les fonctionnaires sont légions.



