[ Humeur ] Liberté, je chérie ton nom (et c'est tout)
Déclaration lunaire de Stéphane Séjourné sur la liberté et l'indépendance de la presse. Après avoir tenté de tailler dedans à la hache au parlement européen...
On salue Stéphane Séjourné pour son sens aigu de l'à propos. Dans une déclaration à l'occasion de la 31e journée mondiale de la presse, le ministre des affaires étrangères a cru bon de saluer l'engagement de la France sur le front de la liberté et de l'indépendance des médias. Le jour où Reporters sans frontière dévoilait son classement qui n'est pas franchement glorieux pour la France, celle-ci pointant à la 21e place mondiale mais surtout dans les derniers du classement en Europe, sans qu'aucune amélioration tangible ne se profile.
Ce ne sont pas tant les atteintes à la liberté de la presse, et plus largement à la liberté d'expression qui se multiplient (voir la loi sur les dérives sectaires ou le délit d'outrage en ligne pour les développements les plus récents) qui inquiètent que les velléités de censure tous azimuts, au prétexte bien pratique de sécurité nationale. Voir ce qui s'est passé dans les coulisses du parlement européen en mars : alors que les députés travaillaient à la loi destinée à protéger les journalistes et à lutter contre les ingérences politiques dans les décisions éditoriales, la France a bataillé pour y introduire une possibilité d'exception "au nom de la sauvegarde de la sécurité nationale". En vain.
Les coups de boutoir dans une “liberté” très relative de la presse se multiplient. Voir le nombre de procédures baillons devant les tribunaux, dont L'Eclaireur a fait les frais, et dont la visée n'est pas tant d'obtenir condamnation que d'entraver le fonctionnement et d'épuiser les médias. Voir la loi anti-fake news votée en 2018 dont l’objet est d’abord, sous couvert de lutte contre les infos bidons, de contrôle par la peur. Un modèle du genre que cette loi dont on trouve du reste une déclinaison en Allemagne.
Passons outre l'écueil que représente la définition même d'une infox, ses limites temporelles (une vérité un jour ne l'est pas forcement demain, et vice-versa) et de ce qui est légitime pour poser ces limites. Passons outre que l’arsenal juridique existe déjà. Depuis la loi sur la presse du 29 juillet 1881, le délit de "fausses nouvelles" est puni de 45 000 € d'amende. En cas de diffamation d'un candidat à une élection, la loi prévoit même que le délai entre la comparution et la citation en procès est réduit à vingt-quatre heures.
Passons outre tous ces “détails” parce que, dans les faits, la loi anti fake news est totalement inopérante. Saisi en référé, le juge doit en effet se prononcer en 48 heures. Une gageure. Six ans après, on est d’ailleurs bien en peine de trouver des décisions de justice prises sur la base de ce texte de loi.
Le peu de recours introduits, et le résultat obtenu, donne une petite idée de la totale incongruité du dispositif, aussi inopérant que le Digital Service Act (DSA) de Thierry Breton qui, rappelons-le, ambitionne de mettre au pas les plates-formes numériques. En 2019, le premier référé introduit, pour un malheureux tweet, référé rejeté par le tribunal de grande instance de Paris, avait mis aux prises deux élus communistes et le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner…
C’est donc à l’aulne d’un tel bilan, aussi peu glorieux que peu probant, que Stéphane Séjourné a annoncé la création d'un “incubateur de médias en exil”. Sans visiblement se formaliser de la dépendance forcée des médias qui y seront incubés après avoir dédaigné depuis toujours faire un geste envers Julian Assange… Médias qui seront assurément tout aussi indépendants que la presse mainstream française maintenue à flot (pour combien de temps encore ?) à grands coups de subventions publiques. Le 14 mars, une aide supplémentaire de 2,4 millions d’euros pour 2023 et 2024 a été annoncée pour soutenir les abonnements à la presse papier, en chute libre.
C’est ainsi que ce petit monde – pas un hasard que l’on parle de milieu politico-médiatique – se maintient en place. Les premiers, au pouvoir, se moquant éperdument du peuple, dont le parlement est censé être le représentant. Les seconds, censés être des contre-pouvoirs, se moquant tout aussi éperdument de leurs lecteurs qui ne paient pas leurs salaires.
Grand merci pour cet article qui en dit long sur l'état pitoyable de la liberté de la presse et surtout en France comme il a été bien rappelé dans l'article. En un mot, il ne saurait y avoir une soi disant liberté de la presse quand les mass média des communications(MMC) sont à la fois sous la coupe des 9 milliardaires et l'Etat qui enfume à travers ses médias et journalistes pays par l'argent du contribuable. les populations qui sont les premières victimes de la pollution médiatico-politique. Sejourné comme Biden, c'est le bal des hypocrites, car tous les deux ont oublié Julian Assange croupit dans les geôles de Belmarch pour avoir dénoncé les crimes de l'impérialisme américain en Irak et en Afghanistan.
S'il y a un processus qui caractérise le monde d'après, cela pourrait bien être la mauvaise foi.