L'IVG dans la Constitution ? Le mauvais coup politique d'Emmanuel Macron
Inscrire dans la Constitution le droit à l'avortement n'apporte aucune garantie juridique supplémentaire. Mais sert manifestement les ambitions européennes du chef de l'Etat.
C’est ce qu’on appelle un bon gros coup politique. L’inscription dans la Constitution française de la liberté d’avoir recours à l’IVG n’est rien d’autre.
Sa mention dans la loi fondamentale – si le processus va au bout d’ici mars 2024 comme annoncé, attention gros symbole en vue avec la journée internationale des droits des femmes – ne changera en rien les conditions d’accès à l’avortement en France. Ce n’est du reste pas le but. Mais n’en déplaise à la ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, elle ne sanctuarisera en rien un droit consacré dans la loi depuis 1975. La loi Veil.
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D’abord ce qu’une loi constitutionnelle a fait une autre loi constitutionnelle peut le défaire. Les règles constitutionnelles ont beau être les règles suprêmes, elles peuvent être changées. Sans compter que le Conseil constitutionnel, c’est beaucoup de jurisprudence. Donc difficilement prévisible.
Ensuite, il ne s’agit pas avec ce texte qui sera soumis au parlement début 2024, de consacrer un droit à l’avortement mais d’inscrire dans l’article 34 de la Constitution le fait que… c’est le législateur qui fixe les règles relatives à cette liberté. Il suffit de lire le texte communiqué à l’AFP et relayé par Le Monde qui sera examiné par les députés et sénateurs :
“La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse”.
L’inscription dans la Constitution n’apportera donc rien de plus sur le plan juridique. Texte à portée aussi symbolique que politique ? Tout le répertoire des arguments fallacieux pour pousser à la roue y passe : la menace d’un recul de ce droit en France au motif que la Cour suprême américaine a laissé les Etats américains libres d’interdire l’IVG, ouvrant la porte à toutes les interprétations politiques alors qu’il s’agit d’une décision en droit : celle de garantir l’avortement par la loi, comme en France finalement. Lire ou relire notre analyse à ce sujet.
Autre argument : celui d’un un droit menacé sur le continent européen au motif que la Pologne a durci ses conditions d’accès. C’est oublier que l’Irlande a assoupli sa législation. Que l’Espagne a renforcé l’accès à l’IVG. Même chose pour la France et pas plus tard qu’en 2022 avec le rallongement du délai à 14 semaines. Par-delà l’UE, c’est oublier aussi que plus de 60 pays dans le monde ont assoupli leurs lois sur l’avortement ces trente dernière année. Depuis la fin des années quatre-vingt dix, la tendance est donc à la dépénalisation de l’avortement.
Autre argument aussi fallacieux que politique : arguer de la réforme de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – qui inclurait le droit à l’avortement comme défendu par Macron – pour pousser à la constitutionnalisation en France du droit à l’avortement, comme si l’un allait, ou ne pouvait pas ne pas aller, sans l’autre.
“L’introduire dans la Constitution française n’a aucune incidence juridique sur la rédaction de la charte des droits fondamentaux de l’union”, souligne Anne Levade, ancienne présidente de l'Association française de droit constitutionnel et professeure à l’Université Panthéon Sorbonne 1 sur Quid Juris. “Le projet de réformer la charte est un projet très beau et très noble mais très difficilement réalisable. Il faut l’unanimité. C’est un moyen de faire pression sur les États qui reculent comme la Pologne mais on ne révise pas les traités dont la charte fait partie sans l’unanimité”.
C’est pourtant ce signal fort au monde qu’Emmanuel Macron entend envoyer, quitte avec cette inscription dans la Constitution à relancer le débat en France – qui n’en demandait pas tant – de fond : pour ou contre l’IVG. Ce que justement le chef de l’Etat voulait éviter en passant par la voie parlementaire et non la voie référendaire…
“Les libertés reconnues aux femmes que l’on pensait en quelque sorte impossibles de faire reculer, sont remises en cause”, a souligné le chef de l’Etat lors du 75e anniversaire de la Déclaration des droits de l’Homme. “C’est pourquoi la France se félicite de montrer l’exemple”.
Quel est l’objectif de la manœuvre au final ? Se poser comme un rempart à l’extrême-droite, autre éminent chiffon rouge, en arguant du risque que ce droit soit détricoté si le RN arrivait au pouvoir en France, le parti ayant certes quelque peu virevolté dans ses positions sur la constitutionnalisation de l’IVG mais se défend de toucher à la loi Veil ?
Ou utiliser l’Etat à des fins d’ambitions personnelles, et européennes, quelques jours après le hautement improbable scénario de la réforme des traités européens ?
Il y a cinq ans, le parti présidentiel se montrait nettement moins emballé à l’idée de constitutionnaliser le droit à l’avortement. L’idée, proposée par les socialistes et les Insoumis, avait été fraichement accueillie par le gouvernement et les députés LREM. Dont Yaël Braun-Pivet.
A propos, les grippés, vont-ils mieux? Je le pense puisque les articles ré-apparaissent! Bon courage!
Comme vous le dites si bien c'est encore un coup médiatique! Inscrire quelque chose dans la constitution alors qu'on la transgresse tous les jours c'est nous prendre pour des abrutis. Par contre, vue la situation démographique de notre pays et ses conséquences désastreuses sur notre économie, il aurait été astucieux de prévoir un statut de la femme au foyer, une retraite proportionnelle au nombre d'enfants et un encouragement à procréer (à condition que ce ne soit pas les immigrés qui en profitent!)