[ Macron et les RER ] Embouteillage présidentiel
Au train où vont les choses, les RER métropolitains devraient prendre, au propre comme au figuré, la même voie que les TER.
Dans un sens, Emmanuel Macron aura réussi son coup. Sans s’étaler sur la méthode, le plan com’ de l’annonce de dix RER métropolitains, on se sait où, ni quand et encore moins comment, a été relayé par à peu près tous les médias. Commenté par à peu près tous les édiles.
Soixante-douze heures après, la vague est retombée et au final on n’en sait guère plus de la volonté et de la capacité des pouvoirs publics à (re)mettre sur les rails des projets qui ont comme des airs de grands éléphants blancs.
Voilà des années qu’Etat et collectivités, tout en tentant de poser quelques jalons – une voie supplémentaire en gare de Lyon, une halte ferroviaire au sud de Grenoble – se renvoient la balle du financement, exorbitant, de telles infrastructures. Pour résumer, chacun attend de l’autre qu’il signe le chèque en premier. On en était là il y a cinq ans, et on en est toujours là.
Car le dossier, celui au-delà de RER aussi hypothétiques que politiques, des infrastructures ferroviaires et, derrière, de la politique de la France en la matière, est juste devenu titanesque. Impossible de pousser à un tel maillage de RER – le chef de l’Etat a parlé de 10 RER mais une dizaine d’autres sont dans les cartons – sans y raccrocher pléthores de wagons.
Les TER (sous-dimensionnés et sous-financés), le fret (quasi-inexistant), sans parler pour la région qui nous intéresse, du Lyon-Turin, qui ne démarre pas faute de volonté manifeste de l’Etat de se positionner sur le financement des accès à la ligne transalpine, ligne qui serait pourtant le prolongement assez logique du RER de Lyon. Sans parler du Léman Express, le RER genevois, lancé tambour battant en 2020 et déjà saturé… Sans parler, in fine, des fondations de tels projets et infrastructures : les moyens humains et matériels.
Le train c’est bien. Qui peut dire le contraire, surtout en cette période où il est salutaire d’apporter un contrepoint à la mise en place de mesures aussi impopulaires qu’arbitraires (là on pense aux zones faibles émissions) ? Mais que croire de la parole élyséenne quand le chef de l’Etat grille tout son gouvernement sur le sujet, et son ministre des Transports au premier chef.
Pris au dépourvu, Clément Beaune a sorti la calculette. Dix RER, c’est à la louche 30 milliards d’euros. Peu importe que l’Etat français soit endetté de manière abyssale, que la SNCF soit toute aussi au fond du trou, que les collectivités qui devront mettre la main à la poche, sont presque toutes aussi exsangues. Peu importe surtout que le chef de l’Etat s’assoit sur les derniers arbitrages rendus quand il n’est pas en complète contradiction avec.
Le 20 octobre, lors des discussions sur le projet de budget 2023, un amendement des socialistes visant à renforcer de 3 milliards d’euros le soutien au ferroviaire était rejeté. Quelques jours avant, le 7 octobre, dans une lettre de cadrage envoyée au comité d’orientation des infrastructures (COI), Clément Beaune enjoignait de ne pas dépasser, pour la liste des projets prioritaires, 17,5 milliards d’euros sur cinq ans. Sachant que, rien que dans la région Auvergne Rhône-Alpes, le projet de RER à Lyon, c’est 7 milliards d’euros à lui tout seul. Grenoble, 1 milliard. Sans parler de Chambéry ou Saint-Etienne, sur les rangs aussi.
Du coup, la concurrence est sévère. “ Si le NFL (noeud ferroviaire lyonnais, RER de Lyon, ndlr) est une priorité au niveau national, le nœud ferroviaire
grenoblois doit l’être tout autant, sans quoi les investissements sur le nœud
ferroviaire lyonnais seront d’une bien moins grande efficacité”, soulignent dans un plaidoyer transmis au gouvernement et aux décideurs publics 150 acteurs publics et privés réunis à Grenoble le 2 décembre.
En attendant la décision du COI mi-décembre, et face tout à la fois au “défi climatique” et à la congestion des grandes agglomérations, il est manifestement urgent de beaucoup promettre. Sans beaucoup se retourner. Car les RER en régions, c’est à dire des trains plus cadencés, tous les quart d’heure, ça existe déjà aux heures de pointe. Dans le jargon cheminot, on parle du reste de TER cadencé. Et, surprise !, ça ne marche pas bien.
“ Aujourd’hui, on a un cadencement sur la région, mais qui nous pose de sacrés problèmes ”, confirme Bernard Tournier, secrétaire CGT Cheminots Alpes. “ Parce qu’on a fait ce cadencement sans les moyens qui allaient avec. De fil en aiguille, les trains ont été moins nombreux, pas à l’heure, pas assez grands”.
De fil en aiguille, et de retard en retard, il n’est pas rare que des trains soient supprimés, conduisant à saturer un peu plus ceux qui continuent de rouler et d’alimenter la grogne des usagers.
Sans moyens, matériels et humains en plus, la question est juste insoluble. Et ces moyens se posent à tous les niveaux de l’entreprise, des études préliminaires aux conducteurs. En 2021, la SNCF avait enregistré 1 200 démissions. D’après les chiffres de la CGT, au 30 septembre, en 9 mois donc, ce chiffre était déjà dépassé en 2022.
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