[ Quotas de filles ] L'équation à somme nulle
Elisabeth Borne veut instaurer des quotas de filles en mathématiques. Depuis vingt ans, les gouvernements successifs s’accordent à ne pas enrayer la dégringolade.
1995 - François Bayrou met fin aux séries C et D et met en place une série scientifique unique : la S. Au passage, le ministre de l’éducation, et agrégé de lettres, taille dans le nombre d’heures de mathématiques enseignées. Alors qu’un élève de terminale C suivait 8 à 9 heures de maths par semaine avant 1994, il n’en suit plus que 6 après.
Fin des années 90 - le nombre de candidats au Capes de mathématiques commence à décliner.
2000 - la France commence à dégringoler dans les classements Pisa. La dégringolade s’accentue en 2006, avec une place de 23e sur 57 pays.
2010-2011 - Le nombre de candidats au Capes chute drastiquement avec la réforme de la mastérisation (élévation du niveau requis pour passer le Capes). En 2014, 50 % des postes ne sont pas pourvus lors de la première session.
2019 - Jean-Michel Blanquer supprime la filière scientifique (ex-S) au profit d’un système de spécialités en classe de Terminale générale pour les élèves qui font le choix des maths (entre 3 et 9 heures). Les mathématiques sont sorties du tronc commun en classe de Première.
C’est à partir de cette date que le nombre d’élèves suivant un enseignement poussé en mathématiques baisse, notamment parmi les filles.
2022 - La France continue sa dégringolade au classement Pisa avec une chute historique : l’Hexagone se classe 23e sur 85 pays.
Pénurie record au Capes, avec 816 candidats admissibles pour 1 035 postes, soit moins d’admissibles que de postes. Une première en 25 ans.
Le mathématiques sont réintroduites dans le tronc commun pour les élèves de Première qui ne choisissaient pas l’enseignement de spécialité mathématiques, mais moyennant 1 h 30 d’enseignement par semaine… Notoirement insuffisant pour corriger les lacunes accumulées mais est-ce là le but ?
2024 - Plus de 200 postes de professeurs de mathématiques ne sont pas pourvus à la rentrée.
2025 - Pour la session 2025, le nombre de postes au Capes externe de mathématiques est réduit à 990 (- 50 par rapport à 2024), vraisemblablement pour limiter le pourcentage de postes vacants.
Elisabeth Borne annonce mettre en place des quotas de filles au collège (expérimentations de classes à horaires aménagés en maths et science) et dans les prépas scientifiques. Dans les maternelles, c’était un autre épisode. L’histoire ne dit pas si sur les bancs des facultés de médecine, occupées en masse par les filles, il ne va pas falloir instaurer des quotas de garçons…
Nous republions, en le proposant en accès libre et mis à jour (entre les promesses, les annonces et la réalité, il y a un pas…), notre article paru en 2022. Trente ans, dix ans, trois ans après, rien n’a changé. La France est bien partie pour continuer de rejoindre les tréfonds du classement.
Réforme du bac : échec et maths
Ecartées du tronc commun, les mathématiques pourraient faire leur retour au lycée à la rentrée 2022. Sans que le problème à la racine, la pénurie d'enseignants, n'ait été réglé.
Il aura fallu un mois au comité de consultation sur l’enseignement des mathématiques au lycée général pour rendre son rapport. Un petit mois pour conclure, le nez dans le compte à rebours du calendrier politique, que l’enseignement des mathématiques au lycée doit être renforcé… après avoir été sabré il y a trois ans avec la réforme du bac.
Petit retour en arrière. En 2019, les mathématiques quittent, dès la fin de la seconde, le tronc commun pour être enseignées soit en spécialité, soit en option en terminale. Bilan ? Une chute du nombre d’élèves étudiant les mathématiques, une grosse galère pour ceux qui les choisissent en option, le niveau étant sensiblement rehaussé, un décrochage marqué des filles et une offre totale de formation en mathématiques en baisse de 36 %, alors que la France n’en finit pas de briller au classement du bonnet d’âne européen.
Bref, la réforme engagée par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, dont l’objectif, rappelons-le, était de mettre fin au système des filières et à la prééminence des scientifiques, est quelque peu passée à côté.
Un comité d’experts à la réforme, puis la “contre-réforme”
« Nous avons voulu faire baisser la pression sur cette discipline et qu’elle ne soit plus une variable de sélection des élèves, mais un enseignement de choix », déclarait au journal Le Monde Charles Torossian, coauteur avec Cédric Villani, en 2018, des « 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques ».
Charles Torossian, on le retrouve dans le comité d’experts qui a planché sur la « réforme » de la réforme, aux côtés d’un autre inspecteur général, Jean-Charles Ringard, ancien copilote de… la réforme du lycée. Mais aussi, notamment, du neuropsychologue Stanislas Dehaene, président du Conseil scientifique de l’Éducation nationale, sous l’autorité, donc, de Jean-Michel Blanquer. Un comité d’experts présidé par Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille et… architecte de la réforme du bac et du lycée.
L’avantage, c’est qu’ils connaissent bien le sujet. L’inconvénient, c’est qu’ils… connaissent bien le sujet. Comme le souligne le syndicat SUD Éducation, pour qui les objectifs fixés par ce rapport révèlent les limites de l’exercice : « Le choix des membres de cette commission est tout autant significatif de la volonté de Blanquer de ne rien changer. »
De fait, on ne peut pas dire que les propositions de ce comité d’experts soient particulièrement audacieuses. Ni qu’elles opèrent un virage à 180 degrés. Par contre, l’usine à gaz perdure, elle.
« La principale de ces propositions consiste en un développement de la culture mathématique de tous les élèves par la reconsidération de l’actuel enseignement scientifique dispensé en classe de première », souligne le rapport.
« Elle supposerait une requalification de cet enseignement en "enseignement scientifique et mathématique", une articulation renforcée entre les différents contenus disciplinaires dans cet enseignement intégré (associant les sciences de la vie et de la Terre, la physique-chimie et les mathématiques), ainsi qu’une augmentation de la quotité horaire dévolue à cet enseignement pour y augmenter de manière significative la part de l’enseignement mathématique ».
Concrètement, si les conclusions du rapport sont suivies, les mathématiques feraient leur retour dès la rentrée 2022, avec 1 h 30 à 2 heures supplémentaires dans le tronc commun en 1ère (c’est finalement 1 h 30, article mis à jour). Mais uniquement pour les élèves qui ne choisiront pas l’enseignement de spécialité mathématiques.
Dans les rangs des enseignants, on dénonce un bricolage à la hâte pour tenter de rattraper sans vraiment la corriger une réforme du bac jugée désastreuse. « On ne pourra renforcer la culture mathématique de l’ensemble des élèves qu’en la sortant d’un '“enseignement scientifique” fourre-tout et en la faisant enseigner par des professeurs de mathématiques », enfonce Sud Education.
« Les mesures annoncées sont marginales et ne permettront pas, dans l’hypothèse où elles seraient mises en œuvre à la rentrée 2022, de résoudre les problèmes sévères engendrés par la structure actuelle du cycle terminal du lycée général », dénonce de son côté un collectif de 25 sociétés savantes.
Et notamment le déséquilibre dans les enseignements, qui a sûrement une grande part quant à la place dans les tréfonds du classement de la France. Sur les 18 heures de tronc commun, seules quatre sont dévolues aux disciplines scientifiques.
Reste surtout à remonter aux racines du problème. Et, manifestement, à ne pas (parvenir ) les traiter. Car en dix ans, le nombre de candidats aux épreuves écrites du Capes (externe) de mathématiques a fondu de près de 30 %.
« La France fait face à des difficultés croissantes de recrutement des enseignants en mathématiques, le vivier de candidats étant trop étroit du fait du manque d'étudiants. En conséquence, de plus en plus de postes demeurent non pourvus à l'issue des concours, faute d'un nombre suffisant de candidats. Il est donc indispensable de renforcer l'attractivité de la profession », déplorait dans son rapport Gérard Longuet. L’ancien ministre se disait également très préoccupé également par le niveau des candidats, et des admis au concours, de plus en plus bas.
Pour y remédier le gouvernement entend miser sur les mesures de revalorisation budgétaire. Et a annoncé consacrer 700 millions d’euros à la revalorisation en 2022. Un chiffre en fait plus proche de… 400 millions. De fait, sur cette enveloppe, 100 millions d’euros sont prévus pour permettre la montée en puissance des mesures déjà décidées et 200 millions d’euros pour la protection sociale complémentaire des agents du ministère. Reste donc 400 millions pour mettre en œuvre les nouveaux engagements. Bref pas gagné pour améliorer l’attractivité de la profession…
Trois ans plus tard, il s’avère que seuls 245 millions d’euros ont été alloués à la revalorisation annoncée en 2022, loin des 400 millions promis et encore plus loin des 700 millions annoncés. Si le salaire d’un enseignant débutant est passé de 1 800 € nets par mois avant 2022 à environ 2 000 € (après prime d’attractivité), il reste loin des niveaux proposés en Allemagne (3 000 €). Quant aux enseignants en fin de carrière, ils n’ont bénéficié d’aucune revalorisation significative. Faut-il y voir une cause à effet : en 2024, 209 postes au Capes de mathématiques restaient vacants…
Ce bordel c'est comme par hasard dû a notre actuel PM.... Mais j'ai rien dit hein:(! 😂
Homme héterosexuel, j'ai renoncé à continuer mes études de mathématiques à l'université parce qu'il n'y avait guère des étudiantes dans ce sujet. J'ai choisi les langues, où il y en avait beaucoup.