Meurtre d'une surveillante à Nogent: le problème c'est le couteau
Mais on va installer des portiques. Qui n'y pourront (en plus) pas grand-chose mais vont alimenter le marché de la sécurité privée.
Ecoutons François Bayrou après le meurtre d’une surveillante de collège à Nogent.
1 - "Nous voulons interdire la vente des armes blanches tout de suite" - “Pour faire simple aujourd'hui, seuls les poignards sont interdits, on va donc interdire tout couteau qui peut constituer une arme” - `Pour faire simple, le premier ministre fait en effet simple. Rappelons que la vente d’armes est d’ores et déjà interdite aux mineurs (voir le code de la sécurité intérieure), que ce soient les armes de catégories A, B, C ou D, dont font partie les poignards et les couteaux.
Que s’il s’agit de davantage contrôler la vente en ligne, façon contrôles sites pornographiques, l’annonce ne mange pas de pain.
Et que s’il s’agit d’élargir la gamme des couteaux interdits à la vente, ceux pas catégorisés comme armes blanches comme les couteaux de cuisine ou les couteaux de poche, on voit mal comment l’Etat pourrait empêcher un mineur d’emprunter le couteau de cuisine familial. Sans parler de la question de savoir comment procéder pour les fourchettes, ou même les couteaux, disponibles au self du collège ou du lycée. Et les crayons, c’est pointu donc dangereux un crayon. Sans parler des cailloux dans les cours d’école qui peuvent fort bien être convertis en potentiels outils de lapidation…
Interdire, comme interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans, est donc la seule réponse – outre la minute de silence d’Elisabeth Borne ? Non certes. Sauf que…
2 - "Il faut que nous allions un pas en avant encore, avec la détection des problèmes de santé mentale" - Bien. Mais sans plus de moyens pour la santé scolaire. Sans plus d’infirmières et de médecins scolaires, Tout ceci est connu et répété, et compilé dans un rapport rendu en 2023 par le député Renaissance Robin Reda. Sans plus de psychologues et surtout de pédopsychiatres qui n’en finissent pas de tirer la sonnette d’alarme.
En 2022, dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron, une professionnelle alertait en Isère : “il ne reste en France que 600 pédopsychiatres. Et la relève n’est pas là”. En 2024, la profession estimait que 1,6 million d’enfants et d’adolescents souffrait en France d’un trouble psychique caractérisé. Pas juste une baisse de moral. C’est 13 % des jeunes.
En novembre 2024, le Haut-Commissariat au plan renouvelait l’alerte “santé mentale”. Son président était François Bayrou.
Et ? En 2025, la santé mentale a été sacrée “grande cause nationale” – les moyens visiblement non. En février, deux adolescentes se suicidaient au centre hospitalier psychiatrique de l’Isère (source Le Postillon mai 2025) où une des réponses au manque de moyens et à la montée de l’insécurité a été d’installer des caméras et de faire appel à une société de sécurité privée.
Ce qui nous amène à notre point 3.
3 - François Bayrou s’est dit "favorable à ce qu'on expérimente les portiques comme ceux qu'on a dans les aéroports" - A chaque homicide, on y a droit. Comme en 2023 après le meurtre du professeur de lettres Dominique Bernard. Précisons que le meurtre de la surveillante à Nogent a eu lieu alors que les gendarmes procédaient à la vérification des sacs. Sachant qu’un portique ne vérifiera jamais ce qu’il a détecté et qu’il faudra bien songer à mettre des moyens humains (en permanence ? ) pour faire tout ce que la machine ne fait pas…
Rappelons que certains l’ont expérimenté grandeur nature. Les portiques de sécurité aux entrées des lycées étaient une de promesses de campagne de Laurent Wauquiez pour les élections régionales en 2015. La mesure a fait un semi-flop, remarquablement symbolisé par le refus du lycée de Moirans en Isère, pourtant érigé comme établissement expérimental, à installer de tels équipements, trop chers, pas efficaces et significativement anxiogènes – ce qui nous renvoie au point 2 et le malaise des adolescents. Résultat, si une majorité des lycées de la région Auvergne Rhône-Alpes sont dotés d'un système de sécurisation anti-intrusion, le portique a fait long feu. Il s’agit souvent de simples tourniquets, de ceux que l’on installe dans le métro. Qui ne détectent rien et sont tout ce qu’il y a de plus franchissables.
Mais peu importe. Le marché des portiques est lui en pleine croissance. Compter 100 000 euros par portique. Pour son installation. Car reste à le faire fonctionner, gérer les pannes et organiser qui va contrôler les détections… En sachant qu’un couteau en céramique ne fera pas biper le dispositif. Et qu’encore une fois, les couteaux (et les fourchettes) de la cantine sont autant d’armes potentielles…
Ou comment ne pas s’attaquer aux racines du problème. Le couteau, ou quelle qu’arme que ce soit, n’est pas le problème. La violence si, le processus “décivilisationnel”, dixit Emmanuel Macron. Or, de sa prévention – qui relève de tout un tas d’acteurs et au premier rang desquels la cellule parentale, celle qui doit donner l’éducation de base – et de sa résolution, il n’est pas question. Jusqu’au prochain “fait divers”.
Développer le 2eme point est primordial, augmenter l'aide psychologique, prévention sur le terrain...
N’importe quoi peut servir d’arme, après les couteaux les fourchettes, petite fourches. Que faire quand sous le nez des gendarmes un enfant vrille ?