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La Lettre confidentielle

[ Petites économies ] Casse dans les CAF

Au sein comme aux portes des caisses d'allocations familiales, la situation est explosive. Entre grandes réformes et petites économies, va-t-on vers un démantèlement à bas bruit des droits sociaux ?

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Patricia Cerinsek
oct. 03, 2022
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C'était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Par deux fois, en 2017 puis en 2022. Au travers de la “solidarité à la source”, l'idée est, sur le modèle du prélèvement pour l'impôt sur le revenu, de simplifier et automatiser le système d'allocation et de versement des prestations sociales pour 20 millions de Français. Et faire en sorte que personne ne passe entre les mailles du filet. Dans un sens comme dans l’autre.

Il faudra attendre un peu. Olivier Dussopt, le ministre du travail, du plein emploi (sic) et de l’insertion, s’en était fait l’écho cet été devant les sénateurs : au vu de la complexité du bidule, il faudra bien un an et demi voire deux ans pour que la réforme voit le jour.

Dans un certain sens, ça tombe bien. Dans les caisses d’allocations familiales, le nouveau dispositif n’est pas pour rassurer des agents échaudés par le précédent de la réforme du calcul des allocations logement. Où on avait vu le cabinet McKinsey remettre à plat, moyennant 4 millions d’euros, le système informatique pour un versement des prestations “au plus juste”. Fort bien au demeurant. Sauf que, entre deux pannes informatiques, il s’est davantage agi de faire des économies, autour de 1,2 milliard d’euros non sans, au passage, pénaliser les jeunes et fragiliser les plus précaires comme l’ont pointé deux études.

« L’Etat nous a dit “on fait des économies”. Mais ces économies viennent de ce que beaucoup de personnes renoncent à faire valoir leurs droits. Plus de la moitié des bénéficiaires ne touchent ainsi pas la prime d’activité », résume Thierry Faivre, le secrétaire national en charge de la branche Famille et des cadres du SNFOCOS (Force ouvrière).

Un tiers des foyers qui le pourrait ne touche pas non plus le RSA, comme le relève la Drees, dans ce qui ressemble indirectement à un démantèlement à bas bruit des droits sociaux.

Pendant six mois, de janvier à juin 2017, la CAF a étudié 1 200 dossiers. Entre 10 et 14 % de potentiels bénéficiaires ne faisaient pas valoir leurs droits. Quand la fraude concernait elle 1 % des dossiers. Chaque année, plus de 10 milliards d'euros d'aides sociales ne seraient ainsi pas réclamés.

C’est le paradoxe. En France, les prestations s’empilent : on compte pas moins de 17 prestations financières. L’Hexagone est même sacré champion incontesté des prestations sociales en Europe. Rien que pour le département de l’Isère, l’action sociale c’est 1,48 milliard d’euros. Sauf que les Français ne sont pas forcément plus nombreux à en bénéficier. Et certains en bénéficient juste plus que d’autres. La ministre de la Santé Agnès Buzyn qualifiait elle-même en 2018 le dispositif de « maquis injuste et illisible ».

Les CAF dernier rempart de la paix sociale

Est-ce que cela s’est arrangé depuis ? Pas vraiment. Au contraire même. La simplification et surtout la dématérialisation prônée par le gouvernement comme solution à tous les maux, et qui promet de s’accentuer au détriment d’un accompagnement renforcé, laisse toujours en plan personnes âgées ou peu coutumières des outils informatiques, mais aussi étrangers ou illettrés perdus dans le dédale des informations à fournir ou des documents à scanner (combien ont un scanner ?) et des dates et délais à respecter.

D’autant que la réponse a souvent laissé à désirer. « On a embauché à l’accueil des CDD formés en deux jours pour expliquer aux gens comment entrer dans caf.fr mais pas sur les dossiers », se désole Thierry Faivre.

Même malaise grandissant dans les caisses de retraite dépendant de la Carsat où les délais s’allongent : jusqu’à six mois de retard dans le versement des pensions dans le Pays de la Loire raconte Médiacités où, là aussi, le nouveau logiciel informatique vient un peu plus enrayer la machine.

Sans parler de décisions et choix, fort respectables en temps d’abondance mais qui en temps de pénurie laissent comme un goût amer. En juillet, une étude de la caisse nationale des affaires familiales pointait le manque de personnels dans les crèches. De fait, 10 000 professionnels manquent à l’appel. Conséquences très directes : plus de 9 500 places n’ont pas pu être attribuées. Sans parler des réductions des amplitudes horaires d’ouverture des structures. Alors que décrocher une place relève pour beaucoup du parcours du combattant, le gouvernement décide d’en faire bénéficier, gratuitement et en priorité, les familles ukrainiennes déplacées en France. Pour quel motif puisque ces personnes ont vocation à rentrer en Ukraine.

En attendant, dans les caisses d’allocations familiales où les agents sont priés de faire plus (plus de prestations, nouvelles reformes à assimiler entre celle des APL, la déconjugalisation de l’AAH et le futur versement à la source) avec moins (moins de personnels), la situation devient explosive.

« Les CAF ont toujours été le rempart de la paix sociale, c’est le dernier rempart vers rien. On a beau ouvrir toutes les prestations du monde, si on ne peut pas ouvrir ses droits, les gens pètent les plombs », souligne Thierry Faivre. « Soit les gens abandonnent, soit ils font un scandale. Dans le Sud ou dans les Alpes, c’est comme cela que ça marche. Mais derrière, ça peut flamber très rapidement ».

Depuis des années, les agressions se multiplient aux guichets comme on l’a encore vu cet été à Amiens. Des agences ferment leurs portes. Momentanément pour tenter de rattraper leur retard dans le traitement des dossiers comme dans la Drôme en juin dernier. D’autres ne reçoivent que sur rendez-vous comme à Vénissieux depuis 2019.

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