[ Pollution de l'air ] Une lutte à tâtons
Il y a la lutte contre la pollution de l'air, pleine de bonnes intentions. Et il y a le revers de la médaille, de mécanismes qui ne sont souvent pas appréhendés dans leur globalité (2e partie).
Première partie : [ Pollution de l'air ] France condamnée, Français enfumés
Fait-on une nouvelle fois fausse route ? Pendant longtemps, on a accusé les oxydes d’azote, et notamment le dioxyde d’azote émis par le trafic routier, de tous les maux. Et en premier d’être le polluant numéro un. Avant de se rendre compte que les particules fines – les PM 10 et PM2,5 1 – issues de la combustion de bois et non pas causées par la voiture, avaient toute leur part.
Alors qu’en matière de qualité de l’air et de respect de la réglementation, la France ne parvient toujours pas à rester dans les clous comme nous l’avons vu dans une première partie, de plus en plus réclament, à l’instar du maire de Grenoble, pour que les valeurs européennes s’alignent sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Des recommandations d’exposition de l’OMS aussi délirantes qu’inapplicables. Pour le dioxyde d’azote, les valeurs limites annuelles de concentration ont été divisées par quatre, de 40 à 10 microgrammes par mètre cube d'air. Pour les PM2,5 par deux, de de 10 à 5 µg/m3. Et pour les PM10, le niveau maximal de concentration est passé de 50 à 45 µg/m3.
Début 2021, la Commission européenne s’est engagée dans un processus de révision à la baisse de ses seuils réglementaires, qui rejoindraient alors les valeurs de l’OMS. Pour les PM2,5, de loin le polluant le plus nocif pour la santé, cela reviendrait en Europe à diviser par quatre la valeur maximale d’exposition.
Mission impossible ? En juin, une étude du Massachusetts Institute of Technology – qui n’a curieusement pas beaucoup trouvé d’écho – révélait que les sources naturelles de pollution de l'air dépassent à elles seules les nouveaux seuils de la qualité de l'air, et notamment de PM2,5, dans de nombreuses régions.
Bref, même sans activités et émissions humaines, la pollution naturelle est déjà de trop au regard des critères de l’OMS. La faute aux poussières diverses, au sable, au sel marin, aux matières organiques végétales volatiles et à tout ce qui est en suspension dans l’air, et raisons pour lesquelles la plupart des espèces possèdent des muqueuses…
« L’élimination des émissions de combustions fossiles améliorerait la qualité de l’air dans le monde, convient Colette Head, auteur principale de l’étude. Mais si cela aiderait certaines régions à se conformer aux directives de l’OMS, pour de nombreuses autres régions, des contributions élevées de sources naturelles entraveraient leur capacité à répondre à cet objectif ».
D’après cette étude, plus de la moitié de la population mondiale serait toujours exposée à des concentrations de PM2,5 qui dépassent les nouvelles directives de l’OMS. Et ce même en l’absence de toute émission d’origine anthropique.
En février dernier, Grenoble à cœur ne disait pas autre chose dans nos colonnes. Pour ce collectif d’habitants qui depuis 2018 étudie à la loupe les effets des “mesures anti-pollution”, respirer un air “pur” relève du fantasme, voire de la névrose. Le collectif a transposé ces nouvelles valeurs aux Alpes. Ainsi, pour respirer un air pur, il faudrait aller habiter à Tignes - sous réserve d’aucune augmentation de l’activité humaine.
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Bref, on est en plein dans le dogme, dans l’idéologie, avec des seuils qui, si transposés dans la réglementation européenne, ont toutes les chances d’être complètement hors-sol.
Alors simple acte politique ? Reste que s’il s’agit là d’une manière d’orienter l’action publique, c’est un peu à l’aveugle… Car derrière ces PM2,5, ce n’est pas seulement la taille des particules qui importe – même si on sait que plus ces poussières sont fines, plus elles ont la capacité de s’insinuer dans l’appareil respiratoire – que leur composante. Quid de la nature chimique de ces particules ? De leur origine ?
« La qualité de l’air dans l’agglomération grenobloise ne sera jamais celle d’une zone rurale située en altitude », convenait en avril dernier dans Actu.fr Christophe Ferrari, le président de la Métropole. « Nous sommes une métropole, en grande partie urbaine, et nous serons dans un niveau intermédiaire. Il faut être réaliste sur ce point et il est inutile d’aller chercher des niveaux qui resteront inatteignables ».
Sans parler de l’effet boomerang. La question du lien entre pollution et climat se pose. Mais pas comme on le croit. Si le réchauffement climatique s’annonce « pire que prévu », comme le souligne un article du CNRS, c’est notamment parce que les émissions de particules fines sont… à la baisse.
Car, en empêchant les rayons du soleil d’atteindre la surface de la Terre, les aérosols disposent d’un puissant effet refroidissant. « On n’imaginait pas qu’ils avaient une telle incidence sur le climat français », souligne Julien Boé, chercheur en climatologie. « On observe que, jusque dans les années 1980, l’effet des aérosols a masqué le réchauffement climatique, au point qu’il n’apparaît quasiment pas dans les instruments ».
Avec les mesures de régulation et les progrès technologiques, la pollution a drastiquement diminué. Mais les températures se sont, elles, envolées, alimentant une autre pollution : celle à l’ozone …
Les PM1 et les particules ultra-fines échappent encore à toute réglementation.