Quand censurer est jouer à la roulette russe
L'injonction à Rumble, plate-forme de vidéos en ligne accusée de relayer la parole russe, est un nouvel épisode du naufrage vers le totalitarisme. Dans un silence médiatique quasi-total.
En matière de liberté d’expression, certains déploient un zèle qui défie l’entendement. Sûrement enivré des vapeurs censoriales ambiantes, porté par l’air du temps entre deux tours de garrot à RT France, Sputnik, Odysee ou l’injonction à Rumble, Facebook, qui ne peut plus compter sur Twitter pour l’accompagner dans la servilité gouvernementale sans borne (sans jeu de mots), se sent pousser des ciseaux au bout des doigts.
Le 22 avril 2019 - oui, il y a plus de trois ans - le Groupe d’analyse métropolitain, par la plume de son porte-parole Pascal Clérotte, aujourd’hui auteur à L’Eclaireur, a eu le toupet de poster sur sa page FB l’article de Ouest-France illustré d’un portrait d’Emmanuel Macron et intitulé “ Sondage : la satisfaction des Français envers l’action”. Avec ce commentaire : “ quels ingrats ces Français ! On a un génie et ils sont pas contents”. Il y a trois jours, la sanction est tombée…
Bon, on passera vite sur la célérité de Facebook, sur sa capacité à déceler et apprécier l’ironie du propos pour se pencher sur sa réponse, qui pose le crime de lèse-majesté…
Car la publication, ou son commentaire - on ne sait pas trop - irait à l’encontre des standards sur les discours haineux (sic) et, tenez-vous bien, …. l’infériorité (re-sic). On serait Emmanuel Macron – salué pour son habilité toute en finesse à se grandir sans emprunter les talonnettes de Sarkozy – on embastillerait vite fait l’isolent commentateur.
Rumble, c’est cette plate-forme canadienne de vidéos en ligne qui n’interdit pas la controverse. Sur laquelle Russel Brand, l’humoriste anglais, et Glenn Greenwald, le journaliste américain auquel s’était adressé Edward Snowden, animent des podcasts exclusifs. Forcément éminemment suspect, à ranger dans la mouvance de l’ultra-droite complotiste à tendance sectaire. Donc, dans une logique toute jupitérienne qui ne s’embarrasse pas plus de principes fondamentaux que de liberté d’expression, après que l’UE ait interdit RT France et Sputnik de diffusion et voyant que la censure est inopérante, l’exécutif s’en prend à Rumble.
Après Odysee, mise au pas, et dans le droit fil de la sortie du commissaire européen Thierry Breton lors du rachat de Twitter par Elon Musk (“In Europe, the bird will fly with our rules”, mémorable de prétentieuse bêtise), le gouvernement français a sommé l’entreprise dirigée par Chris Pavlovski de supprimer toute source d’information russe afin de se conformer au règlement européen.
On allait voir ce qu’on allait voir. C’est à dire rien du tout. La charge a eu autant d’effet que celle de Bruno Le Maire sur l’économie russe. Rumble a poliment prié les autorités françaises d’aller censurer ailleurs. Et a choisi de tirer un trait sur la France, qui représente moins de 1 % de ses utilisateurs. Les moyens d’accéder à Rumble (via Tor ou le navigateur Brave, par exemple) se sont vite propagés sur les réseaux sociaux, faisant au passage la publicité de la plateforme. On applaudit l’effet Streisand.