[ Quoi qu'il en coûte ] Sortie de piste à Morzine et Val Thorens
Dans les Alpes, le "quoi qu'il en coûte" dérape. Sur un échantillon de six stations de ski, plus de 30 millions d'euros d'argent public ont été versés en trop, jugent les magistrats financiers.
Il n’y a pas que la neige qui est tombée à foison l’hiver dernier. L’argent public aussi. Pour limiter voire compenser les pertes liées à la fermeture des remontées mécaniques, l’Etat avait sorti le chéquier. Trop ?
Le dispositif coûts fixes, dit aussi “quoi qu’il en coûte”, est manifestement allé bien au-delà des espérances de certains exploitants, comme le montre un audit flash de la chambre régionale des comptes Auvergne Rhône-Alpes.
« Les coûts fixes ont été estimés d’un commun accord entre la profession et l’État comme représentant 70 % du montant du chiffre d’affaires des sociétés, soit 49 % du chiffre d’affaires moyen 2017-2019 pendant la période de fermeture des stations, de novembre 2020 à avril 2021 », soulignent les magistrats financiers.
« Ce taux a été défini pour toutes les sociétés du secteur, et sans plafond, alors même que la structure des coûts d’une petite et d’une grande entreprise ne sont pas les mêmes ».
Un taux allègrement dépassé. Pour son audit flash,, la chambre régionale des comptes a passé en revue six stations de ski, basées en Savoie et Haute-Savoie : La Plagne (filiale de la Compagnie des Alpes), Tignes (filiale de la Compagnie des Alpes), Val Thorens, Avoriaz-Morzine (filiale de la Sofival, elle-même actionnaire de la Compagnie des Alpes), Saint Sorlin d’Arves et La Toussuire
Au final, sur ces six stations, cinq ont bénéficié d’une aide couvrant de 81 % à 123 % de leurs charges d’exploitation. Contre les 70 % prévus donc. Pour deux d’entre elles, Val Thorens et Avoriaz-Morzine, « qui ont par ailleurs la meilleure solidité financière », note la CRC, cette manne a même permis de dégager un bénéfice.
En tout, cette compensation, qui s’est montée pour ces six stations à plus de 111 millions d’euros, a coûté à l’Etat 30,8 millions d’euros de trop.
« Le contribuable a été pratiquement actionnaire sans le vouloir de ces deux sociétés », souligne le président de la CRC Auvergne Rhône-Alpes Bertrand Lejeune sur RCF. « Ce “quoi qu’il en coûte” tel que le modèle a été construit a conduit à un effet d’aubaine ».
Ce modèle, ce n’est pas tout à fait celui qui avait été convenu initialement. Lors des pourparlers avec les représentants de la profession, en l’occurence Domaines skiables de France, il avait d’abord été prévu de plafonner la subvention à 3 millions d’euros. Insuffisant pour le monde du ski qui avait bataillé pour le déplafonnement des aides. Et l’avait obtenu, tout comme il avait obtenu le feu vert de la Commission européenne.
Mais il n’y a pas que l’Etat à s’être montré un peu trop généreux. En Savoie, le Département, qui décidément en pince beaucoup pour le ski, a lui aussi fait une faveur. Et annulé la redevance d’un peu moins d’un million d’euros payée par trois stations, La Plagne, Val Thorens et Tignes, au titre de la prise en charge partielle des navettes de transport et autres frais de mise en sécurité de la route nationale.
Sauf que, comme le rappelle la CRC, ces charges sont prises en compte dans le dispositif coûts fixes. A Val Thorens, on a d’ores et déjà dit être prêt à rembourser. Si l’État le réclame. Pour le reste, les 30 millions d’euros “en trop”, qui rappelons-le ne représentent qu’un échantillon, ils devraient rester cadeau…