Reconnaissance de la Palestine : la diplomatie réduite au symbole
La France est le 154e pays à reconnaitre l'Etat palestinien. Et ? Et bien, rien.
Emmanuel Macron, pardon la France, reconnait l’Etat de Palestine. Qu’est-ce que cela va changer ? A ce stade rien. Parce que, au-delà de se payer une tribune (devant les sièges vides des délégations américaine et israélienne), un petit bain de foule et quelques selfies à l’ONU, Emmanuel Macron n’a manifestement pas de plan. Libérer les otages encore retenus à Gaza ? Nada. Si plan il y a, il émane d’autres pays, les Etats-Unis, le Qatar et l’Egypte notamment. Emmanuel Macron, pardon la France, elle reste dans le sillage de potentielles initiatives : elle a conditionné l’ouverture d’une ambassade à la libération des otages et a appelé à mettre en œuvre ce plan “immédiatement”. Sachant que personne ne sait combien il reste d’otages exactement et combien seraient libérés. 48 ? 33 ? 8 ?
Des sanctions contre Israël ? Là aussi, il n’en est dans cette déclaration onuesque pas question. Et quand il en a été, c’était au conditionnel, fonction de la réponse d’Israël, de la poursuite ou non de la guerre, de la libération des otages, etc, etc. Moyennant quoi, si Emmanuel Macron, pardon la France, prononçait des sanctions, ce serait planqué derrière l’Union européenne.
Laquelle est embourbée dans son fonctionnement. Bruxelles a bien proposé de mettre en place des droits de douane sur certains produits israéliens, de sanctionner des ministres et des membres du Hamas, de suspendre des projets de coopération… elle ne peut rien tant que le Conseil de l’UE, et donc les Etats-membres n’ont rien approuvé. Ce n’est pas demain la veille. L’Allemagne ne reconnait toujours pas l’Etat palestinien et dit s’inquiéter de la montée de l’antisémitisme en France. Quand en Italie, la décision de Giorgia Meloni de ne pas reconnaitre la Palestine s’est soldée par des heurts violents à Milan.
Ce qui se paie là et risque de se payer encore plus fort, ce n’est pas la volonté de négocier une paix perçue comme un soutien à l’un ou l’autre camp, mais le prix de l’inaction politique depuis des dizaines d’années et l’’impunité dont bénéficie l’Etat hébreu. Ecouter ce que disait à L’Eclaireur Eric Denécé en octobre 2024 :
"Israël est en train de créer des générations de terroristes qui n'auront de cesse de vouloir se venger"
Il y a la riposte démesurée d’Israël à l’attaque du Hamas. Et il y a l’absence de réaction, et en premier des Occidentaux, incapables de faire appliquer le droit international et dont l’épisode de l’incursion de chars israéliens dans le périmètre des Casques bleus au Liban est la dernière illustration.
Une reconnaissance sans rien d’autre derrière relève rien de plus que du symbole, certes fort, mais du simple symbole, qui n’arrêtera en rien le génocide en cours – désormais reconnu par l’ONU. Rien qui puisse arrêter la marche d’Israël dans sa guerre à Gaza et son annexion rampante de la Cisjordanie.
La reconnaissance de l’Etat palestinien par la France se pose donc là. Comme un message politique. Mais aussi comme un détail au vu de l’urgence, qui est d’abord de mettre un terme au génocide. Un détail parce que sur l’échiquier diplomatique au Moyen Orient, la voix de la France est inaudible. Tout le monde sait que ce sont les Etats-Unis qui mènent le jeu et peuvent infléchir le cours des événements – ce sont eux par exemple qui bloquent le processus d’adhésion de la Palestine comme Etat-membre à l’ONU. L’Etat palestinien y a actuellement le statut d’observateur non membre, sans pouvoir de vote donc.
Un détail parce que la reconnaissance par la France de l’Etat palestinien, si elle fait les gros titres des journaux français, fait doucement rire la presse étrangère – mais on commence à en avoir l’habitude. Elle arrive surtout bien après beaucoup d’autres. Faut-il rappeler que de nombreux pays, comme l’Algérie, le Bangladesh ou Bahrein ou les pays européens de l’ancien bloc de l’Est comme la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Bulgarie ou la Roumanie, ou encore l’Inde, la Chine ou la Russie, ont reconnu la Palestine dès 1988 ? Que la Suède a emboité le pas en 2014, puis la Norvège, l’Irlande, l’Espagne en 2024 ?
Aujourd’hui, 154 pays ont reconnu la Palestine. Sans que cela ne fasse quoi que ce soit. Aucune sanction, ni changement dans l’aide militaire n’est venue accompagner ces reconnaissances successives.
Rappelons qu’en 2024, Israël a commandé pour 27 millions d’euros d’armes militaires à la France, sans que l’on sache combien ont été effectivement livrées. Que l’Allemagne a approuvé des licences d’exportation de systèmes d’armes, munitions, radars et pièce spire véhicules blindés vers Israël depuis octobre 2023 jusqu’à mai 2025. Quant aux droits des Palestiniens, – autodétermination, protections, accès à l’eau, à l’alimentation, au logement, liberté de mouvement, etc – ils se réduisent désormais à peau de chagrin.
Sur le terrain, la Cisjordanie est toujours en partie sous occupation militaire israélienne. Gaza est sous blocus depuis 2007, et gouvernée par le Hamas. Lequel mouvement n’est pas reconnu comme légitime par l’OLP ni la communauté internationale. Quant à l’Autorité palestinienne, censée représenter l'État reconnu, elle ne contrôle ni ses frontières ni son espace aérien, ni même l’unité nationale palestinienne.
Concomitamment à la France, et de manière coordonnée, dans aucune arrière-pensée de politique intérieure, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ont eux aussi reconnu l’Etat palestinien à l’ONU. Dans tous ces pays, le vote musulman représente un électorat croissant et de plus en plus influent. Ce n’est pas le cas ni en Allemagne, ni en Italie…
Merci pour cet article.
Je pense que Macron a reconnu l’Etat de Palestine pour redorer son blason, sa « cote » de popularité étant en chute libre mais à mon goût encore bien trop haute ! Mais bon, les sondeurs valorisent ceux qu’ils servent.
S’il s’inquiétait réellement pour les Palestiniens, la France prendrait des sanctions contre Israël en arrêtant notamment de lui livrer des armes, des munitions et autres.
Pedro Sanchez a annoncé que l’Espagne allait imposer diverses sanctions à Netanyahu.
Macron, comme à son habitude, s’est mis en scène hier dans l’avion et puis a joué une énième comédie lors de son discours et il est fier de lui !!
On sait qu’il ne faut rien en attendre ; il n’est pas à la hauteur et se contrefout des Palestiniens !!