[Republication] Et soudain, le Soudan
Les Anglo-Saxons viennent encore de s'essayer au changement de régime, en utilisant comme proxy un homme visé par un mandat d'arrêt de la CPI pour crimes de guerre. Tout va bien se passer.
Nous republions en accès libre notre article du 18 avril 2023, dans lequel nous prédisions les massacres qui ont actuellement lieu dans le Darfour, et mettons en évidence qui en sont les responsables, outre Hemedti et ses Forces de réaction rapide (RSF) – auparavant connus comme les Janjawids.
Car les principaux financiers et fournisseurs d’armement lourd aux RSF sont les Emirats Arabes Unis, avec l’approbation de l’Occident.
C’est parce que les RSF, malgré l’aide étrangère qu’elles reçoivent, ne font pas le poids face à l’armée soudanaise, qu’elles s’en prennent aux populations sédentaires du Darfour.
Vous voulez comprendre ce qui se passe au Soudan ? Ne regardez cette vidéo de France 24 que pour prendre la mesure des approximations et de la désinformation à ce sujet. Il ne s’agit pas de deux hommes qui s’affrontent. A chaque fois que les médias personnifient, c’est pour occulter les faits.
Et pour les faits, voir cette vidéo. Sylvain Ferreira sait visiblement de quoi il retourne.
Cela dit, une remise en contexte s’impose.
France 24 ne mentionne pas — curieux hasard — que les “Forces de réaction rapide” (RSF) ne sont que le nouveau nom des Janjawids, ces tribus arabes nomades, ces “cavaliers du désert” que l’ex-président Omar el-Béchir avait utilisées, comme cela a toujours été le cas dans la région, pour “discipliner” les Fours, ethnie sédentaire du Darfour (en arabe, Dar signifie “maison”, d’où Darfour : “la maison, le territoire des Fours”).
Pas plus que le journaliste de France 24, qui n’a pas la première idée du sujet, ne précise que le chef des RSF, Mohamed Hamdane Dagalo, dit “Hemedti”, est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre commis au Darfour.
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Dès 2003, les Anglo-Saxons, Américains en tête, se sont mis à hurler au génocide au Darfour à des fins strictement politiques. Une très sale guerre, le Darfour, mais qui ne fut pas plus atroce que les autres conflits qui ensanglantent l’ensemble du bassin du lac Tchad depuis plus de quarante ans, l’une des régions les plus violentes du monde.
Aujourd’hui, les Anglo-Saxons, flanqués des catastrophiques Norvégiens et Émiratis, utilisent donc comme “proxy” un criminel de guerre. Business as usual. Après les nazis en Ukraine, on ne s’étonne plus de rien.
Le commandant des RSF, Mohamed Hamdane Daglo, est l’un des hommes les plus riches du Soudan. Il contrôle le commerce de l’or, soit 40 % des exportations soudanaises en valeur. Khartoum, en revanche, contrôle les oléoducs qui transportent le pétrole extrait au Soudan du Sud jusqu’aux terminaux pétroliers de Port-Soudan.
Les RSF furent le moyen de “réintégrer” les milices Janjawids dans l’appareil sécuritaire. Elles sont sous le commandement de l’armée lorsqu’elles sont en opération, mais dépendent sinon du redoutable service de renseignement soudanais, le NISS.
Pourquoi donc avoir réintégré, avec la bénédiction de la “communauté internationale”, des gens considérés comme des criminels de guerre, comme des génocidaires jusqu’en 2013 ?
Tout simplement parce que le Soudan et le NISS se sont rapidement avérés des alliés critiques dans la lutte contre Daech, notamment par leur capacité à retourner les djihadistes qui traversaient le pays pour se rendre en Syrie ou en Irak. Leur contribution en matière de renseignement fut et est toujours inestimable. D’autant que depuis le processus de Khartoum instauré en 2014, ce sont les RSF, les Janjawids, qui ont pour mission de lutter contre l’immigration clandestine en provenance de la corne de l’Afrique, terre de djihad s’il en est, en direction de l’Union européenne …
Vous voyez donc le danger immédiat que fait courir à l’ensemble de la région, et à l’Europe, la “petite sauterie” organisée par les Américains et leurs “alliés”, tant en matière de terrorisme que d’immigration clandestine.
Et tout cela pourquoi ? Parce que la Russie va établir une base navale à Port Soudan, selon un accord signé le 13 novembre 2022 avec la junte au pouvoir à Khartoum (il avait originellement été négocié du temps d'Omar al Bachir)…
Vous imaginez la marine de guerre russe disposant d’une base en mer Rouge, donc de la capacité de protéger le trafic pétrolier — le sien comme celui de ses alliés iraniens, chinois, indiens, etc. ? Vous voyez la perte de contrôle de l’US Navy et l’impossibilité d’imposer des sanctions en arraisonnant des navires dans la mer Rouge ? Vous imaginez la flotte russe pouvant sécuriser ses voies commerciales dans l’océan Indien et garantir son débouché via le canal de Suez ?
Il s’agit donc d’empêcher la Russie, par tous les moyens, de construire cette base — quitte à provoquer une nouvelle catastrophe humanitaire dans un pays que l’on s’ingénie déjà à affamer depuis des années. Quitte à favoriser la résurgence du djihadisme. De la même manière que les Américains ont provoqué une catastrophe humanitaire en poussant à l’indépendance du Soudan du Sud, pays fantoche ravagé depuis 2010 par des conflits interethniques plus meurtriers encore que celui qui l’opposa, vingt-cinq ans durant, à Khartoum. Parce qu’on y exploite du pétrole. Et que les Russes viennent, selon Bloomberg, de couler l’accord pétrolier américano-saoudien qui faisait contrepoids à l’OPEP…
Ajoutons à cela que le tout-puissant service de renseignement soudanais coopère étroitement, depuis de nombreuses années, avec la Chine, qui possède des intérêts miniers et pétroliers au Soudan, et vous constaterez qu’il s’agit du dernier épisode de l’éviction des États-Unis du Moyen-Orient — éviction amorcée concomitamment à l’élection de Joe Biden.
La myopie et l’ignorance des Anglo-Saxons sont telles qu’ils ont, pour accomplir ce coup d’État, misé sur le mauvais cheval. Contrairement à l’armée soudanaise — un bloc cohérent, bien armé, bien commandé, capable de mener des opérations combinées —, les RSF ne sont qu’une collection de milices tribales issues des confins, qui ne s’entendent pas forcément entre elles. Ayant éliminé — au sens littéral du terme — tous ses rivaux, Mohamed Hamdane Daglo s’est attiré certaines inimitiés dont Khartoum pourra aisément acheter la loyauté. Par exemple, en promettant une part des richesses qui pourront lui être confisquées. Redistribution de mines d’or en perspective…
Les RSF ne disposent pas d’armement lourd. Ce sont des technicals, c’est-à-dire des fantassins en pick-up. Les médias les présentent comme une force “redoutable”. Peut-être face à des civils désarmés. Mais les 100 000 hommes — chiffre fantaisiste, on est plus proche des 40 000, réservistes inclus — des RSF ne tiendront pas le choc face à l’armée régulière, qui, elle, dispose d’artillerie lourde et surtout d’une aviation aguerrie. Se faire courser dans le désert par des avions et des hélicoptères de combat est désagréable. Tout comme se faire pilonner dans les villes.
La preuve.

A moins bien sûr qu’une partie des armes destinées à l’Ukraine aient opportunément été détournées vers le Soudan. N’en a-t-on pas vu apparaître dans le bassin du lac Tchad ?
Quoi qu’il en soit, l’armée soudanaise a déjà pris le quartier général des RSF à Khartoum. Reste à savoir ce qu’il en est dans le reste du pays. Il faut garder à l’esprit que les RSF pourront difficilement se replier vers le Darfour, où l’accueil des populations risque d’être plutôt froid, et qu’elles ne bénéficient d’aucun soutien dans la région. Cela laisse présager le pire pour les populations civiles, qui seront très vraisemblablement massacrées.


