Du sabotage de Nordstream
Les motivations économiques et stratégiques des Etats Unis et de la Pologne en font les premiers responsables.
Traduction d'une présentation sur le contexte et l'état actuel des connaissances sur le sabotage de Nord Stream, donnée par Florian Warweg, rédacteur en chef du magazine indépendant allemand NachDenkSeiten. NachDenkSeiten avait notamment publié la traduction en allemand de l’interview en trois parties d’Oleg Nesterenko par L’Eclaireur.
Ce sabotage de Nordstream par des membres de l’Otan - USA et Norvège - devra être tiré au clair et les pays de l’UE - Pologne, Danemark, Suède - qui y auraient participé activement ou passivement lourdement sanctionnés, voire tout simplement exclus de l’UE.
Les motivations économiques des États-Unis.
Il y a encore quelques années, l'industrie américaine de GNL (gaz naturel liquéfié) était en difficulté. Le boom du fracking à la fin des années 2010 avait entraîné un énorme surplus de gaz naturel, faisant chuter le prix du marché spot au hub Henry à moins de 5 € par mégawattheure au début des années 2020. En comparaison, à la mi-décembre 2024, le prix du marché spot du gaz naturel en Europe varie entre 43 € et 50 € par mégawattheure.
A cause de cette chute des prix, l'industrie américaine du fracking, financée à hauteur de plusieurs milliards de dollars par le secteur financier, et par conséquent une part importante du système financier américain, se trouvait au bord de la faillite. Cette situation s'explique par un modèle d'investissement typiquement américain : un faible apport en fonds propres et un fort recours à l'endettement.
Pour éviter cet effondrement imminent, la seule solution était de s'étendre sur le marché européen, en ciblant particulièrement l'Allemagne, le plus grand importateur de gaz naturel de la région, avec une demande annuelle d’environ 100 milliards de mètres cubes. Cependant, avant le début de la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, le GNL américain coûtait environ sept fois plus cher que le gaz russe acheminé par gazoduc en Allemagne. Ce différentiel de prix rendait le gaz américain peu attractif pour l'Allemagne et son secteur industriel. Dans des conditions normales, une telle décision aurait été économiquement absurde.
Comme l’a souligné le journaliste Jens Berger, spécialiste des questions énergétiques, ce n’est qu’après l’escalade de la guerre en Ukraine et les sanctions européennes contre la Russie que le prix du gaz de schiste a atteint un niveau permettant aux entreprises énergétiques américaines de réaliser des bénéfices – un contraste frappant avec les pertes importantes des années précédentes.
Cependant, même cette amélioration restait économiquement fragile jusqu’à l’été 2022. La destruction des gazoducs Nord Stream a marqué un tournant, ouvrant la voie à une dépendance durable de l’Union européenne, et particulièrement de l’Allemagne, au gaz naturel américain. Cela a assuré des prix suffisamment élevés pour garantir la rentabilité des producteurs de gaz de schiste américains. Cette nouvelle dépendance énergétique du “partenaire” européen s'inscrit également dans la stratégie de domination mondiale des États-Unis. Selon une étude de l’Institut d’économie de l’énergie de l’Université de Cologne (EWI), les États-Unis devraient, d'ici 2030, dominer les exportations de gaz vers l’Allemagne, couvrant environ 40 % de ses besoins – une position autrefois occupée par la Russie avant le conflit ukrainien.
Ainsi, le discours sur la “réduction” de la dépendance énergétique de l’Union européenne, si souvent mise en avant par Washington, apparaît sous un jour nettement moins désintéressé.
Une possible implication des États-Unis dans le sabotage de Nord Stream.
Des indices nombreux suggèrent que les États-Unis pourraient avoir joué un rôle dans le sabotage des gazoducs Nord Stream. Le 8 février 2023, le célèbre journaliste d’investigation Seymour Hersh publiait un article percutant intitulé "How America Took Out the Nord Stream Pipeline". Cet article, que beaucoup d’entre vous connaissent probablement, s’appuie sur le témoignage d’un lanceur d’alerte pour décrire en détail comment les États-Unis et la Norvège auraient orchestré les explosions. Sans surprise, la CIA a rejeté ces affirmations, les qualifiant de “totalement et complètement fausses”. Cependant, la reprise sans recul de ce récit par les médias grand public en Allemagne pose une autre question.
Quoi qu’il en soit, qu’ils soient directement impliqués ou non, les États-Unis restent les principaux bénéficiaires économiques de cet incident. Les déclarations d’Antony Blinken, alors secrétaire d’État américain, quelques jours après l’attaque, prennent un sens particulier dans ce contexte. Lors d’une conférence de presse le 30 septembre 2022, Blinken qualifiait la destruction de Nord Stream de “formidable opportunité” pour les États-Unis :
“Nous sommes désormais le principal fournisseur de GNL en Europe… C’est une formidable opportunité pour éliminer une fois pour toutes la dépendance à l’énergie russe… Cela offre des opportunités stratégiques considérables pour les années à venir.”
Aujourd’hui, environ vingt méthaniers quittent chaque semaine les États-Unis à destination de l’Europe, chacun transportant 1,4 térawattheure de gaz naturel liquéfié (GNL). Le coût du gaz naturel aux États-Unis est d’environ 9 € par mégawattheure, auxquels s’ajoutent 10 à 15 € pour la liquéfaction et le transport. Ce même gaz est vendu en Europe entre 40 et 50 € par mégawattheure, générant des bénéfices hebdomadaires d’environ 1 milliard d’euros pour l’industrie américaine du gaz. Après des années de pertes, cette situation marque un tournant spectaculaire, transformant ce marché en une véritable mine d’or grâce aux acheteurs européens, en particulier allemands. En outre, cette dynamique offre à l’industrie américaine un avantage concurrentiel inédit par rapport aux entreprises européennes.
Le rôle méconnu de la Pologne dans l’affaire Nord Stream.
La décision de construire Nord Stream 1 remonte à 2005, en pleine campagne électorale en Pologne, et a été exploitée politiquement, notamment par le parti conservateur de droite Droit et Justice (PiS). Le camp nationaliste et catholique au pouvoir dénonçait le projet germano-russe comme une “menace existentielle”. Les frères Kaczyński ont même parlé d’un “pacte Schröder-Poutine”, en référence au “pacte Hitler-Staline” de 1939.
Cependant, l’opposition polonaise semblait davantage motivée par des intérêts financiers que par des préoccupations sécuritaires. Varsovie craignait de perdre les millions de dollars de frais de transit que lui versait chaque année Moscou. Bien que la Pologne cherchât à réduire sa dépendance au gaz russe pour sa propre consommation, elle bénéficiait des revenus générés par le transit de gaz russe sur son territoire. Ainsi, elle a cherché à bloquer le projet Nord Stream en mer Baltique tout en soutenant l’expansion du gazoduc terrestre Yamal, également alimenté par le gaz russe, avec un second tronçon passant par la Pologne.
Un autre facteur déterminant réside dans les plans économiques de Varsovie, comme l’expliquait un article du Taz publié en février 2022 intitulé “La Pologne espère un marché du gaz lucratif” :
“La Pologne, en collaboration avec les États-Unis, souhaite réorganiser le marché du gaz en Europe centrale et prendre la place de l’Allemagne comme plaque tournante des transferts. Pour cela, la Pologne a acquis d’importants champs gaziers en Norvège, construit le gazoduc Baltic Pipe à travers la mer Baltique et érigé d’immenses réservoirs sur la côte baltique pour regazéifier le GNL américain avant son exportation. Cependant, ce projet ne devient rentable que si Nord Stream 2 ne fonctionne pas et si aucun gaz à bas coût n’est disponible en Europe.”
Ces importants investissements polonais dans les infrastructures gazières, soutenus de manière explicite par les États-Unis, n’étaient viables économiquement que si Nord Stream 2 restait hors service. De plus, ces projets n’auraient généré des bénéfices significatifs que si Nord Stream 1 cessait également ses activités.
Le timing est parlant : le 27 septembre 2022, soit un jour seulement après le sabotage de Nord Stream, des représentants de la Pologne, du Danemark et de la Norvège ont inauguré le Baltic Pipe, conçu comme une alternative directe au gaz russe. Lors de la cérémonie, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a déclaré :
“Ce gazoduc marque la fin de l’ère de la dépendance au gaz russe. C’est aussi un gazoduc de sécurité, de souveraineté et de liberté, non seulement pour la Pologne mais également pour de nombreuses autres nations à l’avenir.”
Cette déclaration illustre clairement l’opposition déterminée de la Pologne au projet Nord Stream.
Une conclusion intermédiaire : un jeu stratégique global.
Alors que les intérêts économiques et politiques de l’Allemagne et de la Russie étaient compréhensibles pour renforcer leur partenariat énergétique dès les années 2000 – notamment en établissant un gazoduc comme Nord Stream pour contourner des pays de transit jugés peu fiables – les États-Unis et la Pologne avaient des positions diamétralement opposées. Depuis des décennies, Washington et Varsovie observaient avec suspicion l’intensification de la coopération entre Berlin et Moscou et s’efforçaient de la contrecarrer par tous les moyens possibles.
Dans le passé, lorsque les menaces diplomatiques ne suffisaient pas, la violence était parfois utilisée. Un exemple frappant est l’explosion du gazoduc soviétique de Tcheliabinsk à l’été 1982, causée par une opération de la CIA impliquant un logiciel saboté. Cette attaque avait provoqué des perturbations des pompes, turbines et vannes, entraînant une explosion équivalente à une puissance de quatre kilotonnes. Quelques mois plus tôt, en février 1982, les États-Unis avaient menacé la République fédérale d’Allemagne de graves répercussions si elle ne mettait pas fin à l’accord industriel de 1981 avec l’Union soviétique pour la construction de gazoducs et la fourniture de gaz sibérien, un contrat d’une valeur de 16 milliards de marks par an.
Et aujourd’hui ? La différence est notable : à l’époque, le chancelier Helmut Schmidt avait tenu tête aux pressions américaines, déclarant :
“D’autres peuvent bavarder autant qu’ils veulent, l’accord reste en place.”
Bien que je ne cherche pas à idéaliser Helmut Schmidt, le contraste avec la réaction du chancelier actuel est saisissant.
Les motivations économiques et stratégiques des États-Unis et de la Pologne
Une justification essentielle avancée par le Congrès américain à l’époque pour s’opposer au contrat sur le gazoduc était révélatrice :
“Nos entreprises seront exclues du marché de l’Est.”
Ce même raisonnement éclaire les conséquences économiques et stratégiques du sabotage de Nord Stream et du régime de sanctions contre la Russie. Il apparaît clairement que le modèle économique du gaz de schiste américain et les investissements massifs de la Pologne dans les infrastructures de GNL avant l’attentat n’avaient de logique économique que si leurs initiateurs partaient du principe qu’ils prendraient rapidement le contrôle des marchés gaziers allemand et européen. Cela n’était réalisable qu’à condition que Washington et Varsovie réussissent à évincer la Russie en tant que principal exportateur établi.
Ce qui semblait autrefois être un rêve irréaliste des États-Unis et de la Pologne est devenu une réalité après les événements des 24 février et 26 septembre 2022.
Une clarification sur l'affaire Lynch et Nord Stream 2.
À la fin novembre, une révélation surprenante a émergé : Stephen P. Lynch, un investisseur américain de renom (comme l’a rapporté en exclusivité le Washington Post), a déposé une demande auprès du département du Trésor des États-Unis pour acquérir la dernière section de Nord Stream 2. Lynch a présenté cet achat comme une "opportunité unique en une génération" permettant aux États-Unis et à l’Europe de prendre le contrôle de l’approvisionnement énergétique européen pour le reste de l’ère des énergies fossiles.
En février 2024, Lynch avait déjà obtenu une licence du département du Trésor lui permettant de négocier avec des entreprises sanctionnées par les États-Unis dans le cadre de cette acquisition. Cette démarche s’inscrit dans le contexte des procédures de faillite en cours contre Nord Stream AG, la société suisse propriétaire de Nord Stream 2.
Selon la législation suisse sur les faillites, une échéance ferme est fixée à janvier 2025, après quoi le gazoduc sera liquidé et mis aux enchères. Lynch a également souligné dans son argumentation que, une fois la guerre terminée, la Russie, tout comme d’anciens clients européens, pourrait être tentée de relancer le pipeline, quel que soit son propriétaire.
Intérêt politique et spéculations.
Dans les cercles politiques de Washington, des rumeurs circulent sur l’intérêt potentiel de Donald Trump pour l’acquisition de Nord Stream 2. Certains y voient un possible outil de négociation avec Moscou. Lors d’une récente conférence de presse, j’ai interrogé Steffen Hebestreit, porte-parole du gouvernement allemand, sur la réaction prévue de Berlin face à cette initiative américaine. Sa réponse a été prudente :
“Je dois en savoir plus à ce sujet. J’ai lu des rapports à ce sujet, mais je n’ai pas d’informations actuelles, donc je dois en apprendre davantage.”
Il n’est pas surprenant que Hebestreit n’ait fourni aucune précision ultérieure.
L’enquête politique et médiatique sur l’affaire Nord Stream : une absence remarquée.
Cette situation met en lumière une absence frappante d’enquête politique et médiatique approfondie sur l’affaire Nord Stream. À l’exception des partis Die Linke, BSW et AfD, aucun autre parti au Bundestag n’a montré un réel intérêt pour éclaircir cet incident. Les questions pertinentes adressées au gouvernement fédéral, telles que les demandes d’accès aux enregistrements radar de la marine allemande, émanent uniquement de ces petits partis d’opposition. Ces requêtes restent généralement sans réponse, le gouvernement invoquant des "intérêts de sécurité" ou des "risques pour le bien-être de l’État". Même la CDU/CSU, principal groupe d’opposition, n’a posé aucune question sur Nord Stream à l’actuel gouvernement.
Bien que leur ministère de l’Environnement ait admis que les fuites des pipelines pourraient avoir généré des émissions équivalentes à 7,5 millions de tonnes de CO2, les Verts n’ont pas non plus manifesté de volonté d’enquêter sur l’incident.
Une déclaration révélatrice.
Un exemple édifiant de la position du gouvernement est la déclaration de Timon Gremmels, député SPD, lors d’une session du Bundestag consacrée à la destruction des pipelines Nord Stream. Le 28 septembre 2022, il a déclaré, au nom de la coalition gouvernementale :
“Il est totalement inutile de savoir si Nord Stream 1 et Nord Stream 2 fuient, comment ces fuites sont apparues, s’il s’agit d’attaques ou qui en est responsable, car aucun gaz n’a jamais circulé dans un pipeline, et aucun gaz n’a circulé dans l’autre depuis des semaines. Cela est totalement sans importance.”
Cette déclaration, qui banalise une possible attaque terroriste contre une infrastructure civile stratégique, est particulièrement frappante. À ce jour, cette attitude semble inchangée au sein de la coalition au pouvoir.
Cette déclaration – qualifiant la question de la responsabilité dans une attaque terroriste présumée contre une infrastructure civile de “inutile” – est remarquable. Et à ce jour, le gouvernement de coalition continue de maintenir cette position.
Le pouvoir judiciaire a adopté une attitude similaire. En octobre 2022, le bureau du procureur général russe a sollicité la coopération de l’Allemagne pour enquêter sur l'attaque contre Nord Stream. Ce qui peut être perçu comme une provocation diplomatique, le ministère allemand de la Justice a ignoré cette demande pendant trois mois avant de rejeter finalement la coopération. La raison invoquée était une “atteinte aux intérêts essentiels de la République fédérale”. Cette position demeure inchangée. La correspondance entre les autorités allemandes et russes concernant l’enquête sur Nord Stream est disponible dans le système de documents des Nations Unies. Il est à noter que le ministère allemand des Affaires étrangères aurait été “outré” par la publication de cette correspondance.
L’intérêt des médias pour ces attaques a été tout aussi décevant. Pendant des mois, les grands médias allemands ont montré un désintérêt total pour l’enquête sur l'attaque terroriste visant l’un des projets d’infrastructure civile les plus coûteux d’Europe. Cette situation a changé de manière significative le 8 février 2023, lorsque Seymour Hersh a publié un rapport d’investigation affirmant que des forces spéciales américaines, sur ordre direct du président Joe Biden, avaient orchestré les explosions. À partir de ce moment, une vague de réactions a suivi. D’abord, des tentatives ont été faites pour discréditer Hersh et ses recherches. Ensuite, des “enquêtes alternatives” ont été lancées. Aucune “théorie” n’était trop farfelue, tant qu’elle détournait l'attention des États-Unis en tant que potentiel responsable.
Vous connaissez probablement la théorie du yacht Andromeda, relayée par Tagesschau et Die Zeit comme un exemple de “journalisme d’investigation”. Cette version a dû être rapidement révisée après sa publication, car des lecteurs ont fait remarquer que l’itinéraire décrit, passant par le Bodden près de Wieck am Darß, était physiquement impossible à cause du tirant d’eau de 2,3 mètres du bateau et de la profondeur maximale de 2 mètres dans la zone. Pourtant, la “théorie Andromeda”, incluant des “résidus d’explosifs retrouvés sur la table du yacht”, reste l’un des récits dominants dans les médias traditionnels. On prétend même que les conclusions du procureur général fédéral appuient cette version.
L’explication la plus absurde est venue de la Süddeutsche Zeitung en mars 2023. Citant des “ services de renseignement nordiques”, le journal a allégué qu’un oligarque ukrainien avait organisé et financé l’acte terroriste comme un “cadeau d’anniversaire” pour lui-même le 26 septembre. Il convient de souligner que le seul oligarque ukrainien connu avec un anniversaire à cette date est l’ancien président ukrainien Petro Porochenko. Peu après, des sources de renseignement nordiques ont de nouveau accusé la Russie, affirmant la présence de “navires de guerre russes” près de la scène du crime. Ce récit a été publié sous le titre : “Les traces de l’attaque mènent à la Russie”.
Lorsque Seymour Hersh a publié un autre rapport fin septembre 2023, basé sur des sources de la CIA, affirmant que le chancelier Olaf Scholz était “pleinement informé” des plans secrets américains pour détruire le gazoduc, la presse allemande est revenue au silence.
En réponse à mes questions lors d’une conférence de presse fédérale, j’ai systématiquement reçu la réponse standard selon laquelle le gouvernement fédéral n’était pas responsable et que je devais contacter le procureur général, responsable de l’enquête. Cette réponse a été donnée quelle que soit la question, même celles qui relèvent clairement du gouvernement fédéral, comme celle de savoir si le gouvernement soutenait la proposition de la Chine de mener une enquête internationale sur l’incident Nord Stream sous l’égide de l’ONU. Si l’on mentionne le rôle potentiel des États-Unis et que l’on demande simplement si le gouvernement dispose d’informations excluant leur implication, la réponse est un rejet de l’allégation avec “dégoût et indignation”.
Pendant ce temps, d’autres journalistes se sont étonnamment abstenus de poser des questions sur Nord Stream, bien qu’ils abordent des sujets critiques comme le conflit à Gaza.
Conclusion.
Le traitement de l'attaque contre Nord Stream met en évidence un aspect préoccupant du paysage médiatique en Allemagne. ARD, ZDF, Die Zeit, Süddeutsche Zeitung, Der Spiegel – bref, l'ensemble des grands médias allemands – s'est laissé manipuler pour diffuser des "informations" provenant des services de renseignement et d'autres entités gouvernementales, sans aucune remise en question critique. Pire encore, ces médias ont eu l'audace de présenter ces fuites manifestement non vérifiées, issues de "cercles d'investigation" (comme l'exemple de "Wieck am Darß" mentionné plus haut), comme leurs propres "enquêtes exclusives".
Il semble que les services de renseignement et les instances gouvernementales, agissant selon leurs propres objectifs et utilisant les journalistes à cette fin, aient échappé à la vigilance des rédactions, habituellement soucieuses de leur réputation à Berlin, Hambourg ou Munich. Cependant, il est légitime de se demander si ce phénomène relève simplement de la naïveté ou si une part significative des médias a consciemment accepté d'être instrumentalisée.
Excellente analyse de l'affaire Nord Stream bien étoffée,d'un argumentaire très soutenu et somme toute d'une archéologie de cette opération de sabotage bien meditee et délibérée.Au demeurant,cet acte lâche de biais fondamentalement geopolitique concourt à terme à subjuguer davantage la pauvre Europe alliée dépendante énergétiquement
et à la vassaliser au Parrain qui craint son "épanouissement"strategique