[ Echo de campagne ] A Grenoble, Castex & Co labourent une politique de la ville bien peu fertile
Trente ans de politique de la ville et des milliards d'euros n'ont pas permis aux quartiers défavorisés de sortir de leur isolement. La ghettoïsation guette mais le premier ministre regarde ailleurs.

Il y a un an, Jean Castex était dans l’Essonne pour annoncer les 3,3 milliards d’euros consacrés, dans le cadre du premier comité interministériel à la ville, à (dans le texte) “ lutter contre les fragilités territoriales, restaurer l’attractivité des quartiers et recréer les conditions de l’émancipation de la jeunesse”. Bref vanter la politique gouvernementale de la ville dans les quartiers défavorisés. Rebelote un an plus tard. Mais à Grenoble samedi 29 janvier, le Premier ministre ne viendra pas seulement accompagné de la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales comme en 2021.
C’est une véritable armada qui se déploiera à la Villeneuve, un des quartiers sensibles de la ville d’à côté, Echirolles, classé QPV, un truc pour dire que le quartier est prioritaire. Outre Jean Castex, on verra donc débouler Olivier Véran (on ne voit pas bien ce qu’à y faire le ministre de la Santé sur ces questions hormis le fait qu’il était jusqu’à il y a peu député de l’Isère). Il y aura aussi Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée chargée du Logement, Nadia Hai, la ministre déléguée chargée de la Ville et Nathalie Élimas, la ministre déléguée chargée de l’Éducation prioritaire.
C’est somme toute logique et finalement au prorata du gouvernement Castex dont on rappellera qu’avec 30 ministres ou ministres délégués, il compte le plus grand nombre de porte-feuilles sous la Ve République.
Quartiers défavorisés : une politique de façade
Pour le détail de la visite électora… euh pardon ministérielle, toutes les informations sont dans le communiqué de presse rédigé par le cabinet du premier ministre… consultable sur Le Dauphiné Libéré. Pour le compte-rendu de ladite visite, s’en remettre au(x) “gros” médias1, la pratique du pool presse écartant tout ce qui est un trop peu déplumé ou n’est pas un tant soit peu dans le rang de cette réjouissante mascarade.
Une visite quelque peu impromptue pour le maire de Grenoble.
« Nos villes ne sont pas des zoos ! A 70 jours de la présidentielle, on a un comité interministériel de la ville qui ne rassemble que des Parisiens, qui débarque dans un quartier fragile de Grenoble ... sans aucun travail avec les élus locaux en amont. Il y a eu une réunion de l’Anru 2 la semaine dernière où nous n’avons pas eu les financements que nous demandions sur le projet avec les habitants autour de la piscine Iris, sur la sécurisation de travaux, sur la rénovation de l’école des Trembles, etc etc. Ils viennent là une semaine après avoir dit non », a fustigé Eric Piolle.
Ces questions politico-électorales de forme passées, regardons le fond. La politique de la ville. Soit la politique du gouvernement dans les quartiers défavorisés.
La politique de la ville en France, c’est de l’argent, beaucoup d’argent. Pour pas beaucoup de résultats. En dix ans, le plan national de rénovation urbaine (PNRU) y a consacré 46 milliards d’euros. Verdict, signé de la cour des comptes dans son rapport publié en décembre 2020 : « Dans bien des cas, l’objectif fixé par la loi de réduire les écarts entre les quartiers prioritaires et les autres quartiers s’efface devant un objectif plus modeste d’amélioration des conditions de vie de leurs habitants ».
« Malgré cet apport, l’attractivité des quartiers reste faible, leur image restant durablement ternie par les problèmes de sécurité […] Le sentiment d’exclusion et de relégation s’est accentué et il nourrit une dynamique de repli voire de communautarisme ».
Bref, c’est pas jo-jo. A Echirolles et Grenoble justement, la petite équipe s’en ira samedi à la découverte des projets de rénovation urbaine, échangera au passage avec les éducateurs et médiateurs du « premier bataillon de la prévention créé sur le territoire national » (on est en guerre souvenez-vous).
Accompagner la politique d’urbanisme d’une politique sociale, voire sécuritaire (attention gros mot), c’est tendance. Problème : c’est aussi en pointillé. Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) a été lancé sur ces bases en 2013. Puis relancé en 2018. Notez le gros blanc pendant cinq ans. Ce faisant, il s’est remplumé. Déployé dans 480 quartiers prioritaires, il a gagné 2 milliards en 2021 : 12 milliards d’euros sont ainsi consacrés à la rénovation urbaine.
Gageons qu’elle fera mieux que tout ce qui (n’) a (pas) été fait jusque-là. A Grenoble justement où le gouvernement part en goguette, le résultat de ces politiques publiques n’a non seulement pas réduit les inégalités. Il n’a aussi pas réussi à empêcher que se creuse la fracture sociale et territoriale, et entrainé des quartiers sur la voie de la ghettoïsation. Et finit d’enterrer les quelques illusions et espoirs qui restaient.