Aides à la presse : les bons comptes font les bons amis
Au milliard d'euros d'aides traditionnellement attribué à la presse, le ministre vient de rajouter 30 millions. Retour sur une gabegie révélatrice des liens consanguins entre l'Etat et les médias.
En sus du millard d’euros d’aides directes comme indirectes versées chaque année à la presse, l’Etat vient d’en rajouter une louche. Trente millions d’euros vont venir aider les journaux qui sont le plus confrontés à la hausse des coûts de production et notamment du papier.
Mediapart et Edwy Plenel avaient déjà souligné le “paradoxe” qu’il y avait à ce que, au final, ce soit les groupes appartenant à des milliardaires 1 qui touchent le plus d’aides de l’Etat. On rajoutera que l’avantage donné à la presse papier et à celle aux mains des milliardaires permet, telle la corde au cou que l’on peut serrer (hausse des subventions) et desserrer à sa guise (baisse) de tenir tout ce beau monde, en faisant peu de cas des trublions qui depuis quelques années ont envahi l’autre presse, numérique et bien moins dotée, dont on ne sait plus de quel titre l’affubler. Indépendante ? Irrévérencieuse ? Pas politiquement correcte ?
Donc Mediapart en remet aussi une couche. Car son journaliste Laurent Mauduit a dégotté un autre chiffre, dont dans la profession à peu près tout le monde subodorait l’existence, mais qui a le mérite de montrer l’étendue du marasme. Et surtout l’apparente incongruité à tenir à bout de bras un modèle aussi obsolète qu’opaque, à moins de considérer le lecteur/abonné comme variable anecdotique et donc la presse comme simple instrument de pouvoir (ce qu’on n’oserait pas imaginer…)


Car les ventes en kiosque de la presse quotidienne nationale sont tombées bien bas : à 150 000 exemplaires en moyenne par jour. Certes, le numérique a en partie pris le relais. Mais comment justifier ces 30 millions d’aide au papier au vu de l’incroyable gabegie que représentent les invendus ?
“Étant diffuseur, c'est toute la distribution à revoir”, fait remarquer un buraliste parisien sur Twitter. “Quand on vend pas, on en reçois (sic) 2 exemplaires, quand on en vend 1 en en reçois (sic) 10 la fois suivante, y a un truc qui ne va pas la”.

En France, on estime à 4 sur 10 le nombre de journaux imprimés ne trouvant pas preneur. Certes, certains tentent bien le recyclage. Ouest-France par exemple s’en sert pour isoler les maisons. N’empêche…“ Tous titres confondus, c’est actuellement 3,2 exemplaires qui sont déplacés pour n’en vendre qu’un seul”, soulignait l’association pour l’avenir des diffuseurs de presse en septembre 2020.