[ Analyse ] L'Allemagne ne doit pas se réarmer
Militarisme et grosse industrie allemande ont causé deux guerres mondiales. C'est aujourd'hui sous couvert de l'Otan et de l'UE que l'impérialisme continental allemand s'exprime à nouveau.
Oh, magnifique ! Voilà que le tout nouveau ministre des Affaires étrangères allemand, Johann Wadephul, trépigne d’impatience à l’idée de lancer une belle petite parodie de tribunal pour contourner cette ennuyeuse Cour pénale internationale. Parce que, franchement, qui a besoin d’une justice internationale légitime quand on peut monter un cirque judiciaire à sa sauce ? Oubliez l’idylle de plusieurs décennies entre l’Allemagne et la CPI — Wadephul est apparemment prêt à balancer tout ça par la fenêtre pour un bon gros spectacle de prétoire. Chapeau bas, Johann Wadephul, quelle vision géniale !
Il est repris en choeur par la grande parade des clows européens, qui, se pressant à Lvov, capitale des néo-nazis ukrainiens, commémorent la victoire sur le nazisme. Ô ironie ! Ô amnésie !
Et surtout, ne mentionnons pas ce détail insignifiant qu’un quelconque "tribunal spécial" doit être validé par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU ! Et l’Allemagne, grâce au ciel, n’a pas de siège permanent. Parce que, vous savez, perdre la Seconde Guerre mondiale et toute cette histoire de nazis, la tiennent à l’écart du club des grands. Pendant ce temps, la Russie se la coule douce avec son droit de veto. Dommage, M. Wadephul, il va falloir faire les yeux doux à Moscou d’abord !
Le but de la création hors de tout cadre légal de ce “tribunal spécial” de pacotille est d’éviter que les crimes de guerres ukrainiens soient poursuivis, ce qu’aurait fait sans coup férir la CPI. Or, de ces crimes de guerre là, tous les dirigeants occidentaux sont complices. Raté M. Wadephul, on vous a vu venir gros comme un char tigre dans le bocage normand en 1944.
Continuons de mettre les pieds joints dans le plat. Attention, ça va éclabousser.
L’Union européenne n’a jamais été une « puissance » de paix. L’UE n’est qu’une impuissance globale qui n’a jamais été rien d’autre qu’une succursale de l’Otan, une alliance militaire qui, depuis la chute du Mur et l’effondrement de l’Union soviétique, n’a plus rien de défensif. L’UE, c’est le volet hybride, non militaire, de l’Otan. L’Otan et l’UE permettent à la classe dirigeante d’outre-Rhin d’exercer à nouveau l’impérialisme continental qui a causé deux guerres mondiales et plus de 150 millions de morts. Cet impérialisme s’est toujours nourri des deux mamelles du militarisme et de l’industrie.
Les exhortations à la réindustrialisation par le biais de l’armement, le plan von der Leyen de 800 milliards ? Ne cherchez pas plus loin. La guerre en Ukraine et l’hystérie antirusse ne sont que des prétextes pour le réarmement allemand, qui constitue la seule menace stratégique en Europe, en plus de l’expansion militaire turque financée par le Qatar.
La construction européenne a permis à l’Allemagne de dominer industriellement et économiquement notre continent. L’Otan, depuis la chute du Mur, lui a permis de manipuler la puissance militaire américaine à son avantage sur ce même continent, en premier lieu en Ukraine.
L’élection de Trump, qui a jeté un gros grain de sable dans la machine de la « Hübsche », fait tomber les masques. Cela explique aussi la haine viscérale envers la Russie, qui s’exprime surtout – ce n’est pas un hasard – en Europe du Nord. Preuve que l’Europe n’existe pas. Bismarck le disait déjà en son temps, tout comme il affirmait que la seule chose immuable dans l’histoire, c’est la géographie.
Marc Bloch, l’historien auteur de L’Étrange Défaite, résistant torturé et exécuté par la Gestapo le 16 juin 1944, et qui va – enfin – entrer au Panthéon en même temps que Robert Badinter – qui ne le mérite pas – écrivait en avril de la même année :
“Le jour viendra […] et peut-être bientôt où il sera possible de faire la lumière sur les intrigues menées chez nous de 1933 à 1939 en faveur de l’axe Rome-Berlin pour lui livrer la domination de l’Europe en détruisant de nos propres mains tout l’édifice de nos alliances et de nos amitiés.”
Autant vous dire qu’aujourd’hui encore, on peine à faire la lumière sur ces événements. À part grâce à des historiens étrangers – américains en premier lieu – ou à de rares historiens français comme Annie Lacroix-Riz, l’histoire reste un vide. Forcément, les descendants de ceux qui ont intrigué de 1933 à 1940 sont toujours au pouvoir, la France n’ayant jamais été véritablement épurée.
« J’aime tellement l’Allemagne que je suis ravi qu’il y en ait deux », a fameusement déclaré François Mauriac. Il fut loin d’être le seul à exprimer cette opinion. Prenons Henry Morgenthau, le secrétaire au Trésor de Roosevelt, qui conçut le plan portant son nom afin d’empêcher l’Allemagne de déclencher de nouvelles guerres.