[ Cocktail of Parties ] Les COP poursuivent leur simulacre
Il y a exactement un an, nous expliquions pourquoi la COP 29 à Bakou ne changerait rien. La COP 30 à Belem l'a confirmé, rien n'a changé sur le front des fossiles. La bascule est ailleurs.
Sans surprise, la Conférence des parties sur le climat, 30e du nom, qui s’est tenue au Brésil dans une relative indifférence, a accouché d’une souris. Une nouvelle fois, une énième fois, la feuille de route de la sortie des énergies fossiles puisque c’est vraiment de cela dont il était question de parler à Belem – la COP y était annoncée comme la “COP des fossiles” – est restée blanche.
Etonnant ? Non.
Il y a un an, lors de la COP 29 à Bakou, L’Eclaireur expliquait pourquoi il fallait remonter aux racines des COP et des sommets de la Terre pour comprendre pourquoi rien ne changerait. Pourquoi aucune avancée tangible n’avait été enregistrée jusque-là, passé de vagues promesses et engagements. Nous re-publions notre article, en accès libre.
La COP 30 vient confirmer tout cela.
S’il y a eu des avancées, elles sont aussi maigres que relatives. La portée multilatérale de l’accord ? Il reste toujours bien peu contraignant. Les engagements à mettre en œuvre des mesures d’adaptation, signe qu’il ne s’agit plus de lutter mais bien de s’adapter ? Elles restent pour beaucoup insuffisantes.
La nouveauté est ailleurs : pas tant dans le regain des énergies fossiles puisqu’elles n’ont jamais quitté leur place sur la scène mondiale mais dans la confirmation de la bascule de l’équilibre avec l’émergence des Brics, l’avènement d’un monde multipolaire, la fin de la prééminence occidentale – et le peu de poids de l’Union européenne.
Cet article avait été une première fois publié le 22 novembre 2024.

Pourquoi l’idée d’organiser la 29e COP Climat à Bakou n’est pas si incohérente comme L’Eclaireur a commencé à l’aborder dans un premier volet et dont le mécanisme douteux des crédits carbone en est l’illustration ? En quoi la réapparition sur le devant de la scène mondiale des énergies fossiles, et des géants pétrogaziers, s’il fait hurler la classe politique et médiatique, n’est somme toute que simple continuité, en bonne cohérence avec les principes fondateurs qui ont propulsé le concept de “développement durable” ?
Pour cela, Il faut remonter à la source des COP, plonger dans les racines des sommets de la Terre et voir comment les lignes directrices tracées il y a un demi-siècle ont irrigué pléthores d’organismes et organisations. Comment les industries pétrolières et gazières ont toujours pris part aux discussions et négociations, mais surtout comment l’économie a pris le pas sur un éco-développement resté de façade, et comment la finance s’est immiscée dans le débat pour, au final, générer une forme de statu quo : celui de maintenir les pays en développement en… développement.
L’idée était pourtant en apparence, louable. Le premier sommet de la Terre, la conférence de Stockholm en 1972, entendait poser les bases d’une diplomatie environnementale – à cette époque on ne parlait pas de climat – multilatérale. Où environnement et développement feraient bon ménage. C’est d’ailleurs là qu’est né le concept aussi fourre-tout que vide de sens de “développement durable”.
En 1972 donc, les Nations unies disent vouloir réconcilier l’impact des activités socio-économiques humaines et l’environnement. A cette époque, à peine sortis de la période coloniale, les pays en développement regardent avec méfiance les préoccupations environnementales des pays industriels. De fait, le consensus est (déjà) quasi impossible – cela se vérifiera au fil des sommets et des COP – et Stockholm accouchera d’une souris.
Sauf que si le premier sommet a posé les bases sur le papier d’une diplomatie environnementale, qui se traduira par tout un tas réunions, sommets et conférences (dont les COP) et la mise sur orbite de tout un tas d’organismes et organisations onusiens comme le Programme des Nations unies pour l’environnement ou les Giec sans que l’effectivité de tels discussions et négociations soit vraiment probante, il en a aussi posé les jalons.
Il faut lire la recommandation 103 du rapport de la conférence des Nations unies sur l’environnement, édictée à Stockholm et qui donne assez clairement une petite idée de l’état d’esprit de l’époque, qui prévaut encore de nos jours.
“ Tous les États à la Conférence acceptent de ne pas invoquer leur souci de protéger l’environnement comme prétexte pour appliquer une politique commerciale discriminatoire ou réduire l’accès à leur marché”.
D’accord pour protéger l’environnement… mais dans le cadre du libre-échange. Stockholm consacre déjà, dès les fondements de ce qui deviendra de sommet en COP la lutte pour le climat (ou contre le changement climatique), la primeur à l’économie mondialisée.
Maurice Strong, l’homme-orchestre, un industriel canadien du pétrole
On le voit, le chemin est passablement balisé. On le doit notamment à un certain Maurice Strong. C’est lui qui convoque les travaux préparatoires à ce premier sommet de la Terre. Lui qui introduit le rapport Founex, qui a inspiré la déclaration et le plan d’action de la conférence de Stockholm. C’est à lui qu’on attribue d’ailleurs la paternité du concept de “développement durable”.
En France, son nom ne dit pas grand-chose. Sa fiche wikipédia est du reste étonnement sommaire, comparée à sa version anglaise. Mais on ne va pas faire là le “procès” de l’encyclopédie participative, d’autres l’ont déjé mené.
Maitre de cérémonie à Stockholm, Maurice Strong est en 1972 le sous-secrétaire général de l’ONU. Comment il a atterri là alors qu’on ne lui connait alors aucune sensibilité à la cause environnementale, reste un mystère. Ses accointances avec David Rockefeller – il siègera au conseil d’administration de la fondation ? Ses affinités avec le Club de Rome, financé notamment par la fondation Rockefeller ? Voilà pour le côté face. Car côté pile, l’homme est un puissant homme d’affaires canadien. Et ses affaires, il les fait dans l’industrie du gaz et du pétrole.
Maurice Strong a été le vice-président, le président ou le PDG de plusieurs firmes transnationales nord-américaines : Dome Petroleum, Caltex (groupe Chevron), Norcen Resources, Petro-Canada, Power Corporation. “Maurice Strong a été pendant trente ans le personnage central mondial de la supposée lutte contre le dérèglement climatique et en même temps, pas avant ou après, il dirigeait ou créait des sociétés pétrolières”, dépeint le journaliste qui a beaucoup travaillé sur le sujet, et sur l’homme, Fabrice Nicolino 1.
L’homme s’est-il au fil du temps et de ses prérogatives au sein des instances onusiennes forgé une conscience écologique ? Ou s’est-il assuré, sous couvert d’une casquette à la fois d’industriel, de politique 2 et de diplomate investi dans l’environnement, de se faire le chef d’orchestre d’une cause qui allait être reléguée au second plan ?
A cette époque, dans les années 70, on ne parle pas de climat. On ne parle pas non plus de dioxyde de carbone alors que son rôle dans l’effet de serre, et la hausse des températures, est connu depuis 1896.
A cette époque, un certain nombre d’acteurs particulièrement influents s’inquiètent des limites de ressources planétaires et du péril environnemental qui pointerait en raison de la surpopulation. Surpopulation qu’il s’agirait donc de juguler , et dont on voit bien qu’elle ne guette pas les pays industrialisés. Maurice Strong est de ceux-là.
C’est le credo également du Club de Rome – fondé en 1968 et financé par des industriels et des banques, dont la fondation Rockefeller encore – quand il publie, en 1972, juste avant la conférence de Stockholm, le rapport Meadows, The Limits of Growth ( Les limites de la croissance).
Il n’y a rien de conspirationniste là-dedans. La démonstration que l’on vous fait, sur la base de rapports officiels, biographies et études, est purement factuelle. Mais on voit bien que l’on retrouve en coulisses le même cercle, relativement restreint, de décideurs. Et que l’économie, même pour défendre la cause de l’environnement, en est le moteur.
Maurice Strong est l’un des membres fondateurs du Giec créé en novembre 1988 à la demande du G7. Il a aussi sa place, et elle est manifestement d’importance, au Forum de Davos, le forum économique mondial. A sa mort, en 2015, Klaus Schwab aura ces mots : “C’était un grand visionnaire, dont la pensée était toujours en avance sur notre temps. Il fut mon mentor depuis la création du Forum : un grand ami ; un conseiller indispensable ; et, depuis de nombreuses années, un membre du bureau de notre Fondation. Sans lui, le Forum n’aurait pas obtenu le rôle qu’il tient aujourd’hui.”
Après Stockholm en 1972, Maurice Strong prend la tête du premier Programme des Nation unies pour l’environnement (PNUE). En 1992, il est le secrétaire général du sommet de la Terre à Rio au Brésil, la même année où il prend la tête d’un empire industriel canadien : Ontario Hydro. La notion de lien d’intérêt n’effleure visiblement pas l’ONU.
A la suite de Stockholm, le sommet de la Terre de Rio consacre le concept de développement durable, surfe sur celui tout aussi flou d’économie verte, malgré la désapprobation voire l’opposition de plusieurs pays du Sud. Rio enclenche le cycle des conférences climatiques, les COP, qui débouchera en 1997 sur le Protocole de Kyoto avec des objectifs chiffrés qui ne seront jamais atteints. Le sommet de la Terre de Johannesburg en 2002 et son Plan d’application du Sommet mondial pour le développement durable confirme la conditionnalité octroyée à la mondialisation et au libre échange pour que se poursuive le développement durable.
C’est de cette époque que date le lancement des crédits carbone et donc de l’introduction des règles du marché. Aucune place ne sera laissée à de potentielles taxes douanières qui auraient pu intégrer une conditionnalité énergétique ou carbo-compatible mais aurait été un obstacle au libre-échange.
La voie était toute tracée d’une marchandisation de la nature que ne renierait pas Ursula von der Leyen que l’on a entendu faire la promotion de “crédits nature”. La finance elle aussi peut donc être “durable”. En cinquante ans, rien ne fera dévier le processus de cette trajectoire.
Il y a pourtant eu des voix discordantes, pas de celles qui finissent étouffées dans un consensus de façade qui concluent rituellement les sommets et autres conférences. La Déclaration de Cocoyoc en 1974, qui clos le colloque des Nations unies au Mexique, condamne l’ordre économique international et le libre échange et propose de le refondre pour permettre une meilleure répartition des richesses entre pays du Nord et du Sud, mais également au sein de chaque pays.
“A rebours des discours dominants du Gatt, on impute la dégradation de l’environnement aux relations économiques inéquitables et au prix dérisoire des matières premières sur les marchés. Les experts pensent que les pays du Sud doivent créer des alliances sur le modèle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) afin d’exiger des prix décents pour toutes les matières premières”, souligne Aurélien Bernier dans Le Monde diplomatique.
La Déclaration sera condamnée par les Etats-Unis dès sa publication. Et on n’entendra guère parler de ce qui sera relégué à un simple accident de parcours.
Le coordonnateur de ce colloque, qui ouvrira la porte aux voix ouvertement anti-capitalistes et aux pays en développement – la co-présidence échoie aux représentants de la Tanzanie et du Mexique qui ont entrepris de nationaliser à tout-va – n’est autre là encore que Maurice Strong.
Ambivalent Maurice Strong, érigé au rang de “père du développement durable” et, dans la lignée du Forum de Davos, proche conseiller du président de la Banque mondiale (en 1995) tout en naviguant dans les strates onusiennes. Patron de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN) en 1977, il a été condamné en 1992 au terme d’un long procès pour avoir tenté d’accaparer les ressources en eau de territoires du Colorado.
Ambivalent Maurice Strong que l’on retrouve aussi à la tête de Molten Metal Technology. Cette société de technologie environnementale avait fait miroiter la perspective de recycler pour les réutiliser les produits dangereux, aspirant des millions de dollars d’aide publique, avant d’être liquidée, au centre d’une controverse mêlant fraude et financement de campagne (celle de Al Gore, source Boston Globe). Rappelons que l’ancien vice-président des États-Unis est soupçonné d’avoir amassé près de 330 millions de dollars grâce à son entreprise d’investissements, spécialisée dans les énergies vertes.
Ambivalent Maurice Strong qui, d’un côté se fait le chantre de la nature et de l’autre fait construire, dans la réserve hautement protégée de Jairo Mora Sandoval Gandoca-Manzanillo au Costa Rica, un hôtel de luxe sans visiblement beaucoup se soucier des droits des autochtones.
Ambivalent Maurice Strong ? Proche conseiller de l’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, l’homme d’affaires, il se retrouve impliqué dans ce qui est maintenant connu sous le nom de scandale “pétrole contre nourriture” en Irak. Rien ne lui sera au final pénalement reproché.
Une contradiction savamment orchestrée ? Elle est en tout cas l’essence même du développement durable, contradiction que l’on retrouve dans la sémantique du concept, pour le moins antinomique.
Comme le souligne Serge Latouche, professeur émérite d’économie à l’université d’Orsay : “au moins, avec le développement non durable et insoutenable, on pouvait conserver l’espoir que ce processus mortifère aurait une fin. Il s’arrêterait un jour, victime de ses contradictions, de ses échecs, de son caractère insupportable et du fait de l’épuisement des ressources naturelles. On pouvait ainsi réfléchir et travailler à un après-développement moins désespérant, bricoler une post modernité acceptable. En particulier, réintroduire le social et le politique dans le rapport d’échange économique, retrouver l’objectif du bien commun et de la bonne vie dans le commerce social. Le développement durable nous enlève toute perspective de sortie”.
Auteur de Le grand sabotage climatique, 2023.
Maurice Strong a été à la tête de de l’agence canadienne de développement international qui, en 2013, a fusionné avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour former le ministère Affaires mondiales Canada.




Le GIEC est juste un moyen de faire payer deux fois les pauvres pour leur énergie.
C'est mieux que les impôts non?
Tiens j ai quelque chose pour toi
https://www.ecchr.eu/en/press-release/totalenergies-faces-criminal-complaint-for-complicity-in-war-crimes-torture-and-enforced-disappearance-in-mozambique/
https://totalenergies.com/news/press-releases/mozambique-lng-clarification-totalenergies
https://www.ecchr.eu/en/press-release/totalenergies-faces-criminal-complaint-for-complicity-in-war-crimes-torture-and-enforced-disappearance-in-mozambique/