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Dans les Alpes, les services hospitaliers ferment les uns après les autres
La Lettre confidentielle

Dans les Alpes, les services hospitaliers ferment les uns après les autres

Résultat de vingt années d'absence de politique publique et de gestion purement comptable, l'hémorragie de personnels a gagné le privé.

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Patricia Cerinsek
oct. 28, 2021
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Dans les Alpes, les services hospitaliers ferment les uns après les autres
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Image extraite du film “50 ans de l'Hôpital Sud : l'Hôpital de l'homme en mouvement”

A partir du 4 novembre, il n’y aura plus de service pneumologie à l’hôpital de Bourgoin-Jallieu en Isère. Faute de médecins pour maintenir le service, les patients seront pris en charge en médecine interne ou dans d'autres hôpitaux.

Au centre hospitalier de Voiron, c’est le Smur qui, à compter du 1er novembre, devrait baisser rideau. A moins d’une solution miracle sortie du chapeau d’ici là, impossible pour les huit médecins urgentistes – sur les 18 nécessaires – de faire tourner les trois unités que sont la courte hospitalisation, le service mobile d'urgence et de réanimation (Smur) et les urgences proprement dites. Bref, il faut en sacrifier un pour sauver les deux autres.

Sans grande garantie que cela soit suffisant. La proposition des médecins de fermer les urgences la nuit (et pas “seulement” le Smur) au vu de la gravité de la situation, a été rejetée par le ministre de la Santé Olivier Véran et l’Agence régionale de santé (ARS).

« La seule variable d’ajustement, c’est le Smur », constate le Dr François Pinchart, le chef du service des urgences de l’hôpital de Voiron. « C’est une solution non satisfaisante mais retenue par notre administration. Nous ne voulons pas fermer le Smur, il est indispensable pour les détresses vitales du territoire. On propose, nous, médecins, de le garder et de fermer en nuit profonde les urgences, le temps de respirer, transitoirement. De plus, cette unité est attractive pour les jeunes médecins et a une réelle plus-value médicale pour la population ».

« Mais si on n’a pas plus d’aide, pas plus de recrutement, on va devoir fermer l’unité de soins intensifs pour récupérer du personnel ». De fait, en décembre, les urgentistes ne devraient être plus que six à se relayer. En attendant une prochaine recrue en mai 2022. Et les quelques solutions testées ne sont pas la panacée. La dérogation au plafonnement des rémunérations des médecins intérimaires – plafonnement dans le collimateur du ministre qui a dû faire machine arrière au vu du marasme général – relève de la cautère sur une jambe de bois1. Au mieux.

Dans tous les cas, un pis aller qui ne fait qu’aggraver les maux de l’hôpital, creusant son endettement. En 2013, alors député suppléant, Olivier Véran avait estimé le surcroit de dépenses pour les hôpitaux à 500 millions d’euros. Alors qu’un décret plafonne les 24 heures d’intérim à 1 170 euros, certains tarifs peuvent atteindre 10 000 euros. Une dérive à laquelle il faut remédier tout le monde se l’accorde… à condition que des solutions soient mises en place derrière.

« Le contrôle de l’interim se heurte à la réalité de la démographie médicale et à celle du marché de l’emploi médical en France », soulignent l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) et le syndicat Jeunes médecins. « Le Ségur n’a rien changé aux conditions de travail, les hôpitaux peinent toujours à recruter ». Sans parler des rémunérations, pas à la hauteur, ou de la perte du pouvoir d’achat (vous savez le sentiment…) estimé à 30 % sur les quinze dernières années de par le blocage de la grille salariale.

La dérogation avait permis aux urgences de Voiron de sursoir à ses difficultés cet été quand le Smur avait dû fermer cinq jours. Mais au prix de contorsions qui ont tôt fait de faire chavirer ce radeau de sauvetage de fortune. Déplafonnées cet été, les rémunérations avaient été re-plafonnées en octobre. Pour être finalement re-déplafonnées.

Un yo-yo du plus mauvais effet. Résultat, les potentielles futures recrues sont allées voir ailleurs en faisant jouer la concurrence de plus en plus exacerbée entre les établissements et un chacun-pour-soi désespéré.

« Tout le système est en surchauffe, continue le Dr Pinchart. Il n’y a aucune solution. On est dans le mur. On a eu beau tirer la sonnette d’alarme, il n’y a eu aucune réaction. Et on a créé un climat délétère ».

Le Smur de Voiron fermé, c’est celui de Grenoble qui doit prendre le relais. Mais avec trois ambulances le soir – et deux seulement après minuit – sur un territoire couvrant l’agglomération grenobloise, le plateau du Vercors, depuis Poncharra jusqu’à Belledonne et bientôt le secteur voironnais, c’est mission impossible. Surtout quand il s’agira « d’aller chercher un infarctus dans les Terres froides en moins d’une demi-heure… », souligne un médecin.

La situation n’est pas nouvelle. Mais à l’épuisement et au ras le bol des soignants est venue se greffer la crise du Covid. La goutte de trop. Qui s’est traduit et se traduit toujours par une hémorragie d’un personnel débauché qui plus est par… les appels à volontariat des centres de dépistage et de vaccination.

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