[ Édito ] Droit de l'État ou état de droit?
L'hystérie causée par les propos de Bruno Retailleau procède de l'hypocrisie la plus aboutie. C'est bien le peuple qui définit l'état de droit – sans majuscule "état de droit". Et personne d'autre.
“Rule of law”. Mauvaise traduction en français par “État de droit”. Sans majuscule “état de droit”. Car il s’agit bien d’un état, celui qui veut qu’en démocratie, la loi s’applique à tous de la même manière, c’est à dire selon les même procédures, les mêmes textes et par les mêmes institutions. En France, on en est loin. Comme le met en évidence Marc Endeweld dans son article sur le parquet qui requiert la prescription d’une grosse partie de l’affaire Kohler alors que le siège, indépendant, s’y oppose. On pourrait également mentionner Thierry Solère, conseiller officieux d’Emmanuel Macron, qui détient le record des mises en examen, treize en tout, pour corruption, trafic d’influence, abus de bien sociaux etc. Toujours pas jugé.
L’état de droit tel qu’on nous le présente est une escroquerie. Au motif de la hiérarchie des normes, certains voudraient nous faire croire que le droit est intangible. Rigolons un bon coup en imaginant que cet argument ait été utilisé pour refuser la fin de l’esclavage, l’autorisation de la pilule contraceptive et de l’IVG ou bien l’abolition de la peine de mort…
Bruno Retailleau a raison1. Pas fans du ministre de l’intérieur mais quand un homme a raison, même s’il nous chaut peu, nous le disons. Tout comme nous disons que Mme Braun-Pivet est à la fois cette ignare qui en 2017 voulait voter les décrets et une hypocrite.
Ce que Bruno Retailleau a dit est l’évidence : en démocratie, seul le peuple décide de l’état de droit, parce que seul souverain, il édicte la loi. Pas les magistrats qui font appliquer la loi. Pas les fonctionnaires, pas le Conseil constitutionnel, pas le Conseil d’État, pas la Commission européenne.
La hiérarchie des normes signifie que les lois doivent êtres conformes à la Constitution qui leur est supérieure et que les règlements doivent être conformes à la loi qui leur est supérieure. La hiérarchie des normes ne dit pas que le peuple, seul souverain, ne peut pas décider de changer la Constitution. Seul Laurent Fabius le dit, qui affirme que la Constitution de la Ve république ne peut pas se modifier par référendum, qui pourtant le prévoit. Seuls les juges européens, illégitimes, affirment qu’un juge national peut ne pas tenir compte de la constitution de son pays si contraire au droit européen.
Le jour où les Français décident de considérer qu’aucun traité international n’est supérieur à leur Constitution et de ne plus reconnaître aucune juridiction supranationale - comme c’est le cas en Allemagne - alors les traités internationaux seront toujours transposés en droit français et seule la justice française sera compétente. La hiérarchie des normes aura changé, pas l’état de droit.
En fait, par “État de droit “, ils entendent ordre établi, au sens de hiérarchie sociale et de privilèges . Il nous semble que 1788 à 1793, on a fait une révolution et raccourci un certain nombre de citoyens pour changer tout cela, pour s’assurer que la loi faite par le peuple ou ses représentants s’applique à tous de la même manière en tout point du territoire national.
Une minorité des Français, maximum 15% de la population, impose sa vision de monde et de la société. Tout ce que les métropoles connectées comptent de petits bourgeois glapissent à la mise “en insécurité” de la République, en oubliant que la République n’est que le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple (article 2 de notre Constitution), peuple qui peut donc retourner la table à sa guise.
N’oubliez jamais le coup d’État que fut en en 1972 la création du bloc de constitutionnalité par les énarques du secrétariat général du Conseil constitutionnel, qui se sont arrogés de ce fait le pouvoir de retoquer des lois votées par le Parlement, dont le texte a été approuvé par le Conseil d’Etat. Le Conseil constitutionnel, un aéropage corrompu de gens cooptés et non élus, s’est donc arrogé le pouvoir de gouverner à la place du peuple et de ses représentants.
Prenez la salle d’audience d’un tribunal pénal en France. Le parquet, l’accusation, est assis au même niveau que le juge, à sa droite. Alors que dans l’écrasante majorité des démocraties, l’accusation – l’avocat de l’Etat – plaide au même niveau que le prévenu, les parquetiers ne bénéficiant pas d’un statut de magistrat.
La France n’a somme toute jamais connu l’état de droit, juste le droit de l’État. Preuve que sa révolution a été faite à moitié et qu’on a laissé les vrais réactionnaires, chantres du statut donc des privilèges, reprendre le pouvoir.
Sur LCI et dans le JDD, le nouveau ministre de l'Intérieur a estimé que l'état de droit n'est "pas intangible, ni sacré", que "c'est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs, mais [que] la source de l'état de droit, c'est la démocratie, c'est le peuple souverain".