[ Édito ] Nous prendrait-on pour des lapereaux de trois semaines ?
Revoilà la taxe lapin. Dans le contexte d'effondrement du système de santé, la mesure confine au ridicule. Dans le contexte d'inflation parlementaire, elle est scandaleuse.
Revoilà la taxe lapin. L’idée est de sanctionner les patients indélicats qui, sans aucun doute s’amusent comme des petits fous à jongler avec les rendez-vous médicaux, et ce faisant oublient de les honorer ou plus sûrement de les annuler quand ils en viennent à se cumuler. On comprend bien que pour les médecins et pour les patients qui n’ont pu trouver de créneaux pour cause d’embouteillages parfaitement prévisibles et depuis longtemps annoncés, le préjudice est de taille.
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On ne se lassera pas de remarquer qu’encore une fois il est plus urgent de s’attaquer aux symptômes qu’à la maladie. Rappelons que pour prendre les maux à la racine, la cour des comptes a dit qu’il fallait urgemment reréformer l’accès aux études de santé (médecine et écoles d’infirmières) si on voulait disposer de plus de personnels et avoir une chance de juguler la désertification médicale. Désertification que ne permettra pas de combattre à elle seule la loi, enfin adoptée, de ratio de patients par soignant dans l’objectif de faire revenir les infirmiers à l’hôpital sans pour autant donner pas plus de moyens aux hôpitaux.
Bref, on tourne en rond, comme des présidents de la république des canards sans tête.
Finalement l’important est de récupérer de l’argent là où il y en a encore, alors qu’on on n’arrive même plus à faire les fonds de tiroirs – on ne parle pas de ministres mais d’argent public …
Faute d’avoir réussi à faire avaler la pilule d’une hausse de la TVA pour les auto-entrepreneurs (qui n’en peuvent plus) 1, la mesure étant finalement suspendue le temps d’une concertation dans un exercice de chronologie inversée qui fleure bon la panique générale, reste à faire les poches du contribuable, qui reste la seule vache à lait de l’Etat.
Combien cette taxe lapin rapporterait-elle ? A supposer qu’elle soit fixée à 5 euros, et sur la base de 27 millions de rendez-vous non honorés chaque année, l’Etat récupèrerait 135 millions d’euros. Gardez en tête que le déficit cumulé de la sécurité sociale est annoncé à 100 milliards d’euros en 2028. Et que le chiffre de 27 millions de rendez-vous zappés est sorti du chapeau, mesuré au doigt mouillé.
Avancé par le Conseil de l’ordre des médecins, il a été largement minimisé par d’autres experts (qui parlent de dix fois moins). Au final, la mise en œuvre d’une telle mesure fleure bon l’étatisme bureaucratique sur fond de nouvelles démarches administratives pour les médecins qui réclament depuis longtemps qu’on leur allège ces tâches.
Il y a pourtant plus simple : faire comme beaucoup de médecins le pratiquent déjà : bannir les indélicats de la patientèle. Mais la bureaucratie française ayant un faible pour les usines à gaz et la dématérialisation aléatoire (voir le fiasco fiscal des taxes foncières et celui à venir des taxes d’urbanisme), gageons que l’on va s’en remettre vite fait à une énième application informatique conçue par des cabinets de conseil qui, au final, coûtera plus cher qu’elle ne rapporte...
La taxe lapin se pose là : comme une nouvelle mesure qui, sous couvert d’enlever une épine du pied d’Hippocrate moyennant une saturation médiatique certaine, consiste à prendre définitivement les Français pour des lapereaux de trois semaines.
Car poser des lapins, ceux qui sont censés les représenter, savent très bien le faire. Ils le font même en dépit de ce que leur impose le règlement.
Ce n’est pas populiste ou de faire de l’anti-parlementarisme que de souligner que les hémicycles, à l’assemblée nationale comme au sénat, sont souvent clairsemés. Et que si les parlementaires sont pris, qui en circonscription, qui dans les commissions – où leur présence est obligatoire sous peine de sanctions – leur absence, courante2, hors votes solennels, lors des scrutins dans leur assemblée respective, est rarement sanctionnée. Si l’on comprend parfaitement que les parlementaires peuvent difficilement être au four et au moulin – le premier qui parle de buvette fait du mauvais esprit – il reste que pas une fois la question de la mesure de leur activité, réelle et non seulement observée en termes de présence/absence, de rédaction d’amendements et autres propositions de loi destinées à rester au fond des tiroirs, n’est creusée.
On ne s’étendra pas là sur les très nombreuses auditions et autres commissions d’enquêtes et missions parlementaires qui, toutes intéressantes qu’elles soient, ne donnent matière à rien, au mieux accouchent de portée de souriceaux. Laissant à penser que dans toute cette agitation dont raffolent les médias, il ne se passe pas grand-chose finalement.
Cela n’avait pas empêché le bureau de l’assemblée nationale de s’auto-augmenter, en accord avec lui-même. Rappelons que l’avance de frais de mandat des députés3 est depuis un an passée de 5 650 à 5 950 euros. Après celle des sénateurs, augmentée de 700 euros, pour atteindre un total de 6 600 euros par mois.
Dans une discrétion, une pudeur de pucelle. Au même titre qu’ils ne doivent véritablement rendre des comptes quant à leurs absences dans les hémicycles, les parlementaires ne doivent se justifier sur la totalité de leurs dépenses – aux frais des contribuables rappelons-le. Chaque mois, entre 600 euros (pour les députés) et 885 euros (pour les sénateurs), peuvent être dépensés sans aucune autre forme de procès. Soit 43 millions d’euros d’argent de poche (public).
La loi de finances visait une baisse du seuil d’exemption de la TVA, de 37 500 euros de chiffre d’affaires annuel à 25 000 euros. La mesure devait générer 400 millions d’euros.
Les votes solennels concernent des projets de loi significatifs, pour lesquels le jour et l'heure sont connus à l'avance. Pour ces votes, le taux de participation moyen est de 97 %. Mais si on considère tous les votes en séance publique, le taux de participation moyen tombe à 30 % (source Datan).
L’avance de frais de mandat des députés sert à financer les frais professionnels courants. Elle s’ajoute aux indemnités parlementaires, 7 600 euros brut par mois.
Tout comme mon commentaire à H16 : pendant ce temps, Musk dézingue à tout va...Triste pays que la France.