"En déclenchant cette guerre, Trump expose l’Amérique à des risques majeurs"
TRIBUNE - Pour le colonel Douglas Macgregor, conseiller défense dans la première administration Trump, la décision de rentrer en guerre contre l'Iran pourrait s'avérer fatale à l'empire américain.
Le colonel Douglas Macgregor est diplômé de West Point et titulaire d’un doctorat en relations internationales de l’université de Virginie. Il a commandé et remporté en 1991 en Irak la dernière grande bataille de chars qu’a livrée l’armée américaine, la bataille de 73 Easting.
Durant ses 28 ans de carrière militaire, le colonel Douglas Macgregor a notamment été chef de la planification stratégique et du centre d’opération interarmes du commandement suprême de l’OTAN durant l’intervention de 1999 au Kosovo. Il fut également le conseiller du secrétaire à la Défense par intérim Chris Miller durant la première administration Trump.
Douglas Macgregor est un spécialiste de la “configuration des forces”. Les deux livres qu’il a écrits sur le sujet Breaking the Phalanx (Praeger, 1997) et Transformation under Fire (Praeger, 2003), font autorité sur le sujet. Son dernier ouvrage, Margin of Victory: Five Battles that Changed the Face of Modern War est disponible chez Naval Institute Press.
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Le 21 juin 2025, une date qui restera marquée dans l’histoire du sceau de l’infâmie, le président Trump a entraîné les États-Unis dans une guerre contre l’Iran. Dans son discours, il a annoncé que les forces américaines se limiteraient à frapper trois sites nucléaires iraniens, sauf si Téhéran osait riposter. Alors, Trump a promis la destruction de l’Iran. Nombreux sont ceux qui jugent cette posture absurde.
Washington a lancé une opération militaire d’envergure, comparable à Pearl Harbor. Les forces aériennes et navales américaines ont ciblé quelques installations iraniennes dites « critiques » dans des frappes minutieusement préparées, espérant apparemment que Téhéran capitulerait. L’attaque israélienne contre l’Iran la semaine dernière n’a pas fait plier Téhéran.
L’Iran ne cédera pas. Les premières évaluations montrent que les dégâts causés par les frappes sont minimes : les sites visés étaient vides, sans personnel, sans centrifugeuses ni uranium enrichi. Pourtant, à Washington, l’absence de résultats concrets semble secondaire.
Le monde attend maintenant la réaction de Téhéran. Les dirigeants iraniens, connus pour leur prudence, prépareront une riposte calculée et probablement percutante. Une chose est sûre : l’Iran agira, et de manière imprévisible pour Washington.
Pourquoi ? Parce que Téhéran occupe une position moralement et politiquement supérieure. Israël a violé le droit international à maintes reprises : massacres à Gaza, soutien au nouveau régime syrien lié à Daech, persécutions des chrétiens et autres minorités, et attaque non provoquée de l’Iran. Ces faits sont incontestables.
L’escalade est inévitable, mais c’est l’Iran, et non Washington, qui en dictera le rythme. Les Houthis du Yémen, par exemple, ont déjà prouvé leur capacité à frapper les champs pétrolifères saoudiens. L’Iran, avec ses missiles balistiques, pourrait viser des infrastructures vitales, comme les usines de désalinisation d’eau dans le Golfe, dont dépendent des millions de personnes.
Washington a bombardé les Houthis pendant six mois avant de jeter l’éponge. Se désengager d’un conflit avec l’Iran sera bien plus compliqué. L’ancien premier ministre russe Medvedev a averti que plusieurs pays pourraient désormais transférer des technologies nucléaires à l’Iran. Un principe simple s’impose aux yeux de tous: les pays dotés de l’arme nucléaire ne sont pas agressés, à l’instar de la Corée du Nord. Ceux qui ne le sont pas, comme l’Irak, la Libye ou maintenant l’Iran, deviennent des cibles.
Le parlement iranien a voté la fermeture du détroit d’Ormuz. Les marchés financiers, qui réagiront dès lundi, paniqueront probablement, faisant exploser les prix du pétrole. Un baril sur cinq transite par ce détroit. Les conséquences économiques pour les Américains seront lourdes dans le long terme.
Téhéran n’aura même pas besoin de fermer physiquement le détroit d’Ormuz. Les compagnies maritimes ne l’emprunteront plus sous la pression des assureurs face aux risques d’attaques sur les pétroliers. L’approvisionnement mondial sera perturbé, avec des conséquences désastreuses pour les industries qui dépendent du pétrole.
C’est là le véritable « bilan des pertes sur la champ de bataille ». Les répercussions se feront sentir pendant des décennies. En déclenchant cette guerre, Trump expose l’Amérique à des risques majeurs. Entre 2020 et 2025, des millions de personnes sont entrées illégalement aux États-Unis. Ignorer la possibilité de cellules terroristes islamistes sur le sol américain serait une erreur. Les cartels de la drogue pourraient d’ailleurs collaborer avec elles contre les forces de l’ordre.
Dietrich Bonhoeffer, pasteur allemand exécuté par les nazis pour avoir résisté à Hitler, disait que le mal porte en lui les germes de sa propre subversion, mais que face à la stupidité, les bonnes intentions sont impuissantes. Il expliquait : « contre la stupidité, nous sommes désarmés. Ni les protestations ni la force n’y peuvent rien ; les arguments tombent dans l’oreille d’un sourd ; les faits qui contredisent les préjugés sont ignorés, et quand ils sont irréfutables, ils sont écartés comme insignifiants. »
La classe politique américaine, pas seulement Trump, a choisi de soutenir aveuglément Israël dans sa guerre contre l’Iran. Entrer en guerre au moment et pour les raisons dictés par Israël est une erreur monumentale. Cette guerre, perçue comme injuste, est vouée à l’échec, et Washington échouera. Le monde s’assurera que ceux qui ont provoqué ce conflit, motivés par des ambitions hégémoniques, ne triomphent pas.
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Remarquez l'étrange coïncidence : dans l'histoire, deux pays ont bombardé des installations nucléaires : Israël (Osirak en 1981) et les USA (Iran 2025). Quels sont les états voyous, sans scrupules, qui nécessiteraient un "regime change" de toute urgence ? Probablement pas l'Iran...