[ Flash ] Le lanceur d'alerte perquisitionné
On ne s'érige pas lanceur d'alerte, et lancer une alerte n'absout pas des infractions qu'on a pu commettre ce faisant.
Nouvelle tempête dans un verre de pastis. Le domicile du député LFI Sébastien Delogu et sa permanence parlementaire ont été perquisitionnés dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte en octobre 2024 pour « vol, recel de vol, mise en danger par révélation d’informations relatives à la vie privée par communication publique en ligne et atteinte au secret des correspondances », selon le parquet de Marseille. Ces perquisitions sont intervenues à la suite de l’alerte que M. Delogu a « lancé » avec son collègue Manuel Bompard concernant les activités d’une société de nettoyage impliquée dans des conflits sociaux dont auraient eu vent ces deux députés.
Manuel Bompard a publié un tweet victimaire, arguant que c’est le monde à l’envers : le lanceur d’alerte est inquiété.
Prenons le temps de donner à ces deux députés un bref cours de droit, puisque, faisant la loi, ils semblent en avoir besoin.
La loi Sapin II protège effectivement les lanceurs d’alerte qui ont obtenu ce statut en suivant les procédures prévues à cet effet.
Si un employé de la société incriminée avait, par exemple, envoyé sous double enveloppe au Défenseur des droits des documents prouvant des malversations, protection lui aurait été accordée.
Pour être reconnu comme lanceur d’alerte, il faut :
Agir de manière désintéressée (sans recherche de gain personnel) et de bonne foi ;
Avoir eu connaissance des faits personnellement (sauf exceptions, notamment pour les informations obtenues dans un cadre professionnel ou via des sources fiables) ;
Respecter une procédure graduée (sauf en cas de danger grave et imminent ou si la procédure interne est inefficace) :
Signalement interne (via un canal dédié au sein de l’organisation) ;
Signalement à une autorité compétente (ex. : Défenseur des droits, autorités judiciaires ou administratives) ;
Divulgation publique (en dernier recours, si aucune suite n’est donnée dans un délai raisonnable).
Soustraire des documents d’une société constitue un vol, un délit. Les remettre à des députés qui, pour des raisons de gains politiques, les transmettent à l’autorité judiciaire non sans les avoir publiés auparavant sur les réseaux sociaux, fait d’eux des receleurs, un autre délit. Par conséquent, les perquisitions sont justifiées en droit. Si, en outre, les documents rendus publics sur Internet contiennent des informations telles que des adresses personnelles ou des numéros de téléphone personnels, cela relève du « doxing », d’où l’incrimination de « mise en danger par révélation d’informations relatives à la vie privée par communication publique en ligne » invoquée par le parquet de Marseille.
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Lancer une alerte n’absout en rien des délits éventuellement commis dans ce cadre, même si les tribunaux en tiennent généralement compte.
Prenons l’exemple du lanceur d’alerte des « Football Leaks », Rui Pinto. Bien que son statut de lanceur d’alerte ait été reconnu par la justice, il a écopé de quatre ans de prison avec sursis pour avoir obtenu illégalement par des intrusions informatiques (hacking) et des vols de documents les informations explosives qu’il a mis sur la place publique. Une bonne action ne rachète pas les mauvaises qui l’ont rendue possible.
Nous vous invitons à relire nos deux articles consacrés à une véritable lanceuse d’alerte, Stéphanie Gibaud, l’une des pièces maîtresses de l’affaire UBS. Sa bonne action, réalisée légalement et à la demande des douanes judiciaires, ne lui a valu que des ennuis et une vie brisée.
[ Fraude fiscale ] UBS, Union des Brouzoufs Soustraits (au fisc)
“C'est au moment de payer ses impôts qu'on s'aperçoit qu'on n'a pas les moyens de s'offrir l'argent que l'on gagne.” - Frédéric Dard
[ Fraude fiscale ] UBS, Union des brigands suisses (et de Bercy)
“Oh vous savez, les Français trouveront toujours des raisons politiques pour justifier leurs placements en Suisse” - Réplique du film “Espion lève-toi” d’Yves Boisset (1980), dialogues de Michel Audiard.