France, tes chercheurs font la manche
A Grenoble, des chercheurs creusent la piste de l'hydrogène pour limiter les complications de la Covid-19. Pour pouvoir terminer leur étude, et faute de financement public, ils en appellent aux dons.

L’idée est d’avoir recours à l'hydrogène pour éviter l'emballement inflammatoire de la Covid-19. Contenir ainsi les réactions et les complications graves de la maladie. Le principe ? De l’eau enrichie en hydrogène. Simple comme bonjour, un comprimé à dissoudre dans un verre d’eau. Pas cher, 2 euros par jour. Et sans effets secondaires.
Au train où vont les choses, ce n’est pourtant pas demain la veille que ce complément alimentaire pourrait voir le jour. La faute au financement. Ou plutôt au manque de financement. Car les chercheurs grenoblois de l’Université Grenoble Alpes (UGA) et du CNRS n’ont d’autre choix que de s’en remettre à un appel aux dons 1 pour espérer confirmer, ou pas, les premiers résultats encourageants obtenus depuis le démarrage de leurs travaux en janvier dernier.
« Sur 65 patients lors de l’analyse intermédiaire, nos hypothèses initiales sont compatibles avec les résultats qu’on a observés sur le terrain », explique le professeur Philippe Cinquin, médecin de santé publique et responsable scientifique de l’étude.
« On observe un effet de l’ordre de 25 % entre les deux groupes, soit une réduction du pourcentage de patients qui vont développer des complications. Mais le protocole de l’étude nous empêche de connaitre avant la fin de celle-ci si c’est l’hydrogène testé ou le placebo qui est efficace. En effet, l’étude est conduite en double aveugle, c’est-à-dire que l’on ne sait pas quel est le groupe actif, quel est le groupe placebo ».
Dans le jargon, on parle d’une efficacité de 25 %. Ou d’un hazard ratio de 0,7. Pas anodin. « C’est l’ordre de grandeur de l’efficacité des corticoïdes par exemple. Ce n’est pas négligeable », poursuit le Pr Cinquin.
Mais s’il existe bien une différence entre les deux groupes, elle n’est aujourd’hui pas statistiquement significative. D’où la poursuite des essais. Aux 300 volontaires qui ont postulé à ce jour à cette étude menée en ambulatoire, il faudrait en rajouter 280 autres. Problème, en France, il est difficile de recruter.
« L’hydrogène a un effet anti-inflammatoire parfaitement connu comme des propriétés anti-oxydantes parfaitement documentées. Mais pour pouvoir prévenir l’orage cytokinique, il nous faut des patients dans les quatre jours du diagnostic de la maladie ». La fenêtre est d’autant plus étroite que, faute de relais des médecins – pas inclus dans le dispositif pré ou post-dépistage en France – rares sont les patients à avoir connaissance de ces essais.
Ce n’est pas le cas en Serbie où le système est beaucoup plus centralisé. Les chercheurs grenoblois ont ainsi internationalisé leurs travaux à cette République de l’ex-Yougoslavie. Et, demain, leur objectif est d’y adjoindre la Tunisie. Problème, cela coûte de fait un peu plus cher.
Un coût très relatif. Car l’étude se monte à 500 000 euros. Sachant qu’un peu moins de la moitié est pris en charge par la société canadienne DrinkHRW qui fournit les comprimés de magnésium métal à dissoudre dans l’eau.
« Le solde, on l’a trouvé en faisant les fonds de tiroirs, en utilisant des financements prévus pour d’autres travaux, des frais généraux de projets européens par exemple, continue le chercheur grenoblois. On a utilisé les sommes qui étaient potentiellement disponibles du laboratoire de recherche TIMC et du centre d’investigation clinique d’innovation technologique. Et on a accepté que certains de nos personnels travaillent sur le projet tout en étant payés à d’autres fonctions… ».
Pas suffisant. D’où l’appel aux dons. « Il n’existe pas à ce jour de source de financement pour les 10 % manquants de notre budget », soulignent les chercheurs. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Les sponsors privés et les mutuelles, exception faite d’AG2R, n’ont pas suivi.
Quant aux financements institutionnels, si au printemps 2020, il y avait abondance d’appels à projets en France, depuis le robinet a été notoirement fermé. Quand, au niveau européen, le projet, enrichi d’un volet inhalation destiné aux patients hospitalisés plus gravement atteints, n’a pas été retenu. Faute de suffisamment de données préliminaires… Le serpent qui se mord la queue.
« Il y a une dimension essentielle et qu’on ne fait qu’effleurer pour l’instant dans l’étude : le Covid long. C’est la raison pour laquelle on suit nos patients pendant un an. Parce que l’on a des raisons de penser que si on leur évite l’orage cytokinique du 10e jour, on va aussi leur éviter des symptômes prolongés ».