[ JO 2030 dans les Alpes ] Plus vite, plus haute, plus forte sera la chute
Comment la garantie financière de l'Etat à l'organisation des JO en 2030 dans les Alpes peut-elle être apportée quand les rapports alarmants sur les finances publiques se multiplient ?
Trois mille milliards d’euros de dette, 3e pays le plus endetté de l’Union européenne juste avant l’Espagne mais la France est en bonne position pour organiser les Jeux Olympiques 2030 dans les Alpes ?
Paris placée en procédure de déficit excessif par la Commission européenne, soit sous le coup de lourdes amendes si elle ne redresse pas la barre, mais la France a les capacités d’organiser les JO d’hiver dans six ans ?
Les finances publiques sont dans une “situation inquiétante” sans que les moyens prévus pour être mis en œuvre ne soient probants – c’est la Cour des comptes qui le dit – mais la France va rempiler ? Et ce sans pouvoir s’appuyer sur les finances locales, celles des collectivités territoriales, qui s’assèchent (c’est aussi la Cour des comptes qui s’en alarme, pas plus tard que ce 22 juillet) et pour lesquelles l’association des maires de France pointe la responsabilité de l’Etat ?
Comment donc la France peut-elle apporter une quelconque garantie financière, exigée par le comité international olympique (CIO) pour entériner la pré-attribution des Jeux 2030, quand ses finances la rangent au rang d’Etat en faillite” ? Quand dans le pays il n’y a visiblement pas d’autres marges de manœuvre pour redresser la barre que de tailler dans les dépenses publiques, dépenses publiques dont la France est en la matière championne du monde1 ?
Pour l’heure, le budget du futur comité d’organisation est évalué à 1,97 milliard d’euros par le Comité national olympique et sportif français. Passons outre le fait qu’à six ans de l’échéance, la facture a déjà grimpé. Un rapport de l'Inspection générale des finances, dévoilé par La Lettre, estime en effet que les JO 2030 coûteront en réalité près de 2,4 milliards d'euros, dont 900 millions d'euros financés par l'Etat.
Le problème avec les JO, ce n’est pas leur coût estimé. Ce que les économistes appellent le coût ex-ante, tel qu’il figure dans le dossier de candidature. Mais le coût ex-post, celui enregistré au moment de l’évènement. Entre le coût prévisionnel et sa version finale, on passe en général du simple au double. En moyenne. Car la fourchette est large. Il y a les Jeux qui tiennent leurs promesses (Los Angeles 1984 avec un budget stable à 1,6 milliard d’euros) et ceux qui explosent tous les plafonds.
Tokyo en 2020, c’est + 310 %. Sotchi en 2014, 395 %. Pékin en 2008, 1130 %.
Une des raisons majeures de ces envolées tient selon les économistes dans le mode d’attribution des Jeux Olympiques : par enchères. Qui fait que les candidats rivalisent pour proposer le projet le plus gros au coût le plus faible possible. Les spécialistes parlent d’ailleurs de la “malédiction du vainqueur de l’enchère”, dit aussi théorème de Thaler, de la winner’s curse (la malédiction du vainqeur). Plus gros-moins cher, l’équation est impossible à tenir sauf à ne pas tout mettre dans la facture : les coûts des paralympiques par exemple passent souvent “à la trappe”, hors budget ou - plus classique, et que l’on retrouve sur nombre de manifestations sportives ou culturelles - la sécurité a son propre budget. Qui n’est pas celui des JO. Et qu’on “oublie” de compter.
Une autre astuce consiste aussi à surestimer les revenus. De la sorte qu’au final, celui qui remporte l’enchère paie trop cher pour ce qu’il obtient, comme l’expliquait en janvier dernier l'économiste, Wladimir Andreff.
Les caisses de la France sont à sec mais certaines poches se remplissent 2, les rapports alarmants se multiplient mais Emmanuel Macron a assuré le CIO de son engagement total comme de celui des Français. Ça tombe bien, c’est l’argent du contribuable. Au motif que “les Jeux financent les Jeux” (Emmanuel Macron). Que grâce à des JO “durables” (les dameuses à hydrogène de Laurent Wauquiez), le ferroviaire va enfin décoller en cinq ans montre en main (la Task Force de Renaud Muselier). Sûrement pour toutes ces raisons qu’il y a de moins en moins de candidats à leur organisation… Pour cette édition hivernale 2030, la France était seule en lice.
Le taux de dépenses publiques de la France était de 57,3% du PIB en 2023.
L’enquête ouverte par le parquet national financier visant les conditions de la rémunération du président du comité d’organisation des JO de Paris Tony Estanguet est toujours en cours (article mis à jour le 26 juillet avec la réponse du PNF).