L’Occident et le néonazisme de nouvelle génération
TRIBUNE - Pour Oleg Nesterenko, les élites politico-financières occidentales sont aux avant-postes d'un néonazisme florissant. Et les pays baltes en sont les précurseurs.
Oleg Nesterenko est le président du Centre de commerce et d’industrie européen (CCIE) à Paris. Ancien directeur de MBA, ancien professeur auprès des masters des grandes écoles de commerce de Paris, il est aussi un spécialiste de la Russie et de l’Afrique subsaharienne. Que l’on y adhère ou pas, ses travaux et écrits, forcément pro-russes et donc forcément éminemment suspects, comme s’il était interdit d’avoir accès à une autre lecture des évènements que celle propulsée par le discours et les médias dominant, méritent une attention pour ce qu’ils nous disent de la perception de l’Occident.
Dans notre rubrique Réflexions libres, les propos des auteurs n’engagent qu’eux-mêmes et ne reflètent en aucun cas les opinions de L’Eclaireur, au-delà de notre choix, que nous jugeons nécessaire, de leur donner la parole dans un soucis de pluralisme et de meilleure compréhension du monde.
Aujourd’hui, le néonazisme nouvelle génération, qui commence à émerger dans l’Occident orwellien, ne correspond guère à l’image ancrée dans l’imaginaire collectif : il est aussi éloigné du nazisme traditionnel que le néolibéralisme l’est de la théorie libérale classique.
La forme la plus dangereuse de ce néonazisme ne réside pas dans les individus primaires qui se tatouent le portrait d’Adolf Hitler sur le torse et s’exhibent sur Internet sur fond de drapeaux à croix gammée. Elle ne se trouve pas non plus dans les foules de ces extrémistes, facilement identifiables, défilant en rangs serrés à la tombée de la nuit, torches brandies, scandant des slogans leur propre gloire – comme on peut l’observer de plus en plus en Ukraine depuis 2014. Ces extrémiste, dotés de capacités intellectuelles limitées, ne représentent que la frange la plus inoffensive du néonazisme.
La menace la plus grave provient d’une nouvelle génération de néonazis, non pas composée de marginaux, mais d’élites politico-financières occidentales. Ces dernières sont convaincues non seulement de l’exceptionnalité de leur mode de vie et du modèle sociétal qu’elles idéalisent – qu’elles comparent, dans leur esprit ou à voix haute, à un « jardin fleuri » – mais aussi de l’infériorité quasi génétique des autres sociétés, qu’elles relèguent au rang de « jungles » devant être traitées comme telles.
La plupart de ces élites, par un manque abyssal de connaissances historiques, seraient stupéfaites d’apprendre qu’elles sont les véritables porteuses d’une idéologie néonazie. Pour dissiper leur étonnement, il leur suffirait d’ouvrir des livres d’histoire, d’étudier l’idéologie et les arguments des idéologues des années 1920, et de constater qu’en de nombreux points, elles en sont le reflet modernisé.
À l’instar des idéologues du IIIe Reich, tels qu’Alfred Rosenberg (exécuté en 1946), les idéologues parvenus au pouvoir dans l’Occident collectif prônent, de manière à peine voilée, la suprématie du modèle occidental – et, par extension, des Occidentaux – sur le reste de la planète.
Les expressions telles que « l’Europe est un jardin, le reste du monde une jungle qui pourrait l’envahir », prononcées par Josep Borrell, ancien haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne, ne diffèrent guère des narratifs propagés depuis les tribunes nazies sous le IIIe Reich.
Kaja Kallas, ancienne première ministre d’un gouvernement estonien à tendance chauviniste, propulsée par les idéologues du nouveau régime paneuropéen pour succéder à Josep Borrell parti en repos mérité, a contribué à l’édification d’un « Nouvel ordre européen ». En août 2022, elle affirmait sur son compte Twitter que « visiter l’Europe [même en tant que simple touriste] est un privilège, et non un droit de l’Homme ».
À propos de cette Estonienne, quel est le rapport des trois pays baltes, membres de l’Union européenne – Estonie, Lettonie et Lituanie – vis-à-vis du régime nazi du IIIe Reich ?
Il est facile à résumer : malgré une « condamnation » officielle du nazisme, chacun de ces trois pays organisent régulièrement des manifestations et parades annuelles glorifiant les divisions de la Waffen-SS et d’autres unités baltes ayant collaboré avec l’armée et les forces d’occupation nazies durant la Seconde Guerre mondiale. Ces événements, parfaitement autorisés sont largement soutenus par les autorités locales et nationales.
De quelles unités baltes s’agit-il ? Il s’agit notamment de la 15e et de la 19e divisions de volontaires lettons de la Waffen-SS ; de la 20e division de volontaires estoniens de la Waffen-SS ; du Kommando Arajs, une unité de police auxiliaire lettone composée de volontaires, responsable du meurtre d’au moins 30 000 personnes ; ainsi que des bataillons de police auxiliaire lituaniens, impliqués dans l’assassinat de près de 100 000 Juifs, dont 9 200 en une seule journée, le 29 octobre 1941 – il convient de noter que les Juifs victimes de cette époque ne doivent pas être confondus avec les acteurs de la politique actuelle de l’État d’Israël.
Parallèlement à ces manifestations, une campagne systématique de destruction de l’ensemble des monuments dédiés aux soldats soviétiques morts au combat contre le nazisme dans les pays baltes, y compris des monuments érigés sur des tombes, a été organisée. À ce jour, cette campagne est pratiquement achevée à cent pour cent. La destruction des monuments s’accompagne d’une interdiction totale, par les autorités baltes, de commémorer le Jour de la Victoire, le 9 mai, ainsi que du dépôt de fleurs sur les sites des monuments détruits, sous peine de poursuites judiciaires.
Les actuels idéologues de l’UE sont-ils au courant des graves dérives baltes mentionnées ci-dessus ? La réponse est claire : ils en sont parfaitement conscients. Quelle est leur réaction ? Elle est inexistante.
Aujourd’hui, au-delà du néonazisme florissant dans les trois pays baltes, nous assistons à une véritable réhabilitation juridique du nazisme au sein de l’Union européenne.
Dès 2020, Leon Rupnik, criminel de guerre et chef du gouvernement collaborationniste pronazi en Slovénie (à ne pas confondre avec la Slovaquie) pendant la Seconde Guerre mondiale, condamné par un tribunal yougoslave et fusillé en 1946, a été officiellement réhabilité. Sa condamnation a été annulée sous le prétexte de « violations des normes procédurales » en 1946. En d’autres termes, si ce bourreau, responsable de la déportation de Juifs vers les camps de concentration et de l’assassinat de résistants à l’occupation nazie, vivait aujourd’hui, il serait acquitté et, au pire, contraint de porter un bracelet électronique.
De même que les thèses, initialement non extrémistes et sans lien direct avec l’idéologie nazie, de l’ouvrage Das Dritte Reich (Le Troisième Reich), écrit en 1923 par Arthur Moeller van den Bruck 1, ont été gravement perverties par les nationaux-socialistes allemands. Au point que cet ouvrage serait devenu le livre de chevet d’Adolf Hitler (le 30 avril 1945, Hitler se suicide dans son bunker ; sur son bureau, un exemplaire dédicacé de Le Troisième Reich est ouvert). Les idéaux fondateurs, à l’origine sains, de l’Union européenne ont été profondément dévoyés par des générations politiques successives, chacune marquée par une dégénérescence morale plus avancée que la précédente.
Aujourd’hui, l’Union européenne atteint un point critique : elle risque soit de se désintégrer, soit de muter en un régime néo-totalitaire. Son gigantesque appareil de propagande, un « ministère de la Vérité » orwellien déjà en place, se charge de promouvoir auprès des masses un simulacre de démocratie et une opposition politique de façade, maintenus formellement pour afficher une prétendue « diversité démocratique ».
Moeller van den Bruck, le théoricien politique allemand, a bien laissé des messages avant sa mort en 1925, afin d’avertir le monde du danger du national-socialisme : « L’idée d’un Troisième Empire pourrait bien se révéler la plus funeste de toutes les illusions »; « Il [Adolf Hitler] fera de notre nation de philosophes et de poètes un peuple de criminels et d'assassins ».