Rappel salutaire de Clermont-Tonnerre
Alors que l'essentialisme ethnique et le tribalisme font florès, relire le discours de Stanislas de Clermont-Tonnerre du 23 décembre 1789, histoire de remettre la République au centre du pays.
Depuis 2017, Yaëlle Braun-Pivet ne lasse pas de nous étonner - pas en bien. Alors qu’elle est avocate de formation, fraîchement élue à l'Assemblée nationale après l’opération recrutement sur CV d’En Marche! elle aurait demandé à un administrateur du Palais Brognard “quand vote-t-on les décrets ?” 1.
Elle a au surplus été réélue au perchoir par une de ces magouilles caractéristiques de la Macronie. Elle ne dispose que de peu de légitimité.
“En tant que juive”? Au nom de quoi la présidente de l’Assemblée nationale française parle à un chef d’Etat étranger, au président de l’Autorité palestinienne en l’espèce, “en tant que juive”? Représentant l’administration parlementaire, elle un devoir absolu de neutralité.
L’insupportable dictature des minorités qu’on a laissée s’établir en France – certains vous diront que la gauche comme la droite y ont activement contribué pour disposer de clientèles bien segmentées, plus faciles à gérer que le fatras de la multitude – relève du tribalisme et de l’essentialisme ethnique ou communautaire.
Le sionisme, l’islamisme, le communautarisme sociétal sont autant de séparatismes. Ils relèvent tous du même procédé victimaire qui garantirait aux membres de ces minorités un surplomb moral comme social, des passe‑droits et une forme d’immunité ne s’appliquant pas à la majorité – bref, des privilèges.
Il nous semble que nous avons fait une révolution, notamment pour abolir les privilèges.
La question des minorités s’est très rapidement posée dès 1789, tout comme celle de la discrimination.
La République est universelle, le nationalisme français l’est tout autant – contrairement aux nationalismes anglais, allemand, scandinave, polonais, balte ou au sionisme, qui sont des ethno‑nationalismes particularistes ; c’est notre nationalisme universel qui fait que nous, Français, sommes en fait les Européens les plus proches des Américains.
Il a fallu rapidement, dès les premiers mois de la République, énoncer un certain nombre de principes, qui ont toujours cours aujourd’hui. C’est à quoi s’attacha Stanislas de Clermont‑Tonnerre le 23 décembre 1789. Il posa les fondements de l’appartenance à la Nation française qui n’exclut aucun de ceux qui adhèrent volontairement à ses principes.
L’idée qu’il énonce est simple : aucune autre nation particulière ne peut se constituer au sein de la nation française. Cela reviendrait à mettre à mort la volonté générale, donc la souveraineté. Dès lors qu’une autre nation que la nation française, qu’une autre communauté que la communauté nationale, influence la conception de la loi, la volonté n’est plus générale, le peuple n’est plus libre.
À méditer, non seulement en termes de communautarisme mais également en ce qui concerne l’Union européenne.
Séance du mercredi 23 décembre 1789 de l’Assemblée nationale.
“Vous avez, par la déclaration des droits, assuré les droits de l’Homme et du citoyen ; vous avez ensuite irrévocablement établi les conditions de l’éligibilité pour les assemblées administratives. Il semblait qu’il n’y avait plus rien à faire sous ce rapport. Un honorable membre est cependant venu nous apprendre que les habitants non catholiques de plusieurs parties de provinces voyaient attaqués leurs droits par des motifs tirés des lois rendues à leur égard. Un autre a appelé votre attention sur des citoyens qui trouvent dans leur profession des obstacles à ce qu’ils jouissent des mêmes droits. J’ai proposé une rédaction dont le but était de ne pas augmenter les clauses d’éligibilité. J’ai donc deux objets à examiner : l’exclusion relative à la profession ; l’exclusion relative au culte.
Les professions sont nuisibles ou ne le sont pas. Si elles le sont, c’est un délit habituel que la justice doit réprimer. Si elles ne le sont pas, la loi doit être conforme à la justice, qui est la source de la loi. Elle doit tendre à corriger les abus, et non abattre l’arbre qu’il faut redresser ou greffer. Parmi ces professions il en est est deux que je souffre de rapprocher ; mais, aux yeux des législateurs, rien ne droit être séparé que le bien et le mal. Je veux parler des exécuteurs des arrêts criminels et de gens qui composent vos théâtres.
J’observe sur la première de ces deux professions qu’il ne s’agit que de combattre le préjugé ; il est vague, léger, et porte sur des formes ; il faut changer ces formes pour le détruire. Dans les usages militaires, quand un coupable est condamné à la mort ou à subir quelque punition, la main qui a frappé n’est point infâme. Tout ce que la loi ordonne est bon ; elle ordonne la mort d’un criminel ; l’exécuteur ne fait qu’obéir à la loi ; il est absurde que la loi dise à un homme : fais cela, et si tu le fais tu seras couvert d’infamie.
Je passe aux comédiens. Le préjugé s’établit à leur égard sur ce qu’ils sont sous la dépendance de l’opinion publique. Cette dépendance fait notre gloire, et elle les flétrirait ! D’honnêtes citoyens peuvent nous présenter sur les théâtres les chefs-d’œuvres de l’esprit humain, des ouvrages remplis de cette saine philosophie qui, ainsi placée à la portée de tous les hommes, a préparé avec succès la révolution qui s’opère, et vous leur direz : vous êtes comédiens du roi, vous occupez le théâtre de la nation, vous êtes infâmes ! La loi ne doit pas laisser subsister l’infamie. Si les spectacles, au lieu d’être l’école des mœurs, en causent la dépravation, épurez-les, ennoblissez-les, et n’avilissez pas des hommes qui exercent des talents estimables. Mais dit-on, vous voulez donc appeler aux fonctions de judicature, à l’Assemblée nationale, des comédiens ? Je veux qu’ils puissent y arriver s’ils en sont dignes. Je m’en rapporte au choix du peuple, et je suis sans inquiétude; je ne veux flétrir aucun homme, ni proscrire les professions que la loi n’a jamais proscrites.
Je vais m’occuper maintenant du culte. Vous avez déjà prononcé sur cet objet, en disant dans la déclaration des droits que nul ne serait inquiété pour ses opinions même religieuses. N’est-ce pas inquiéter essentiellement des citoyens, que de vouloir les priver du droit le plus cher, à cause de leurs opinions ? La loi ne peut atteindre le culte d’un homme ; elle ne peut rien sur son âme, elle ne peut que sur ses actions et elle doit les protéger quand elles ne nuisent point à la société. Dieu a voulu que nous nous accordions sur la morale, et il nous a permis de faire des lois morales ; mais il n’a réservé qu’à lui seul les lois dogmatiques et l’empire des consciences. Laissez donc les consciences libres : que le sentiment et la pensée, dirigés de telle ou telle manière vers le ciel, ne soient pas des crimes que punisse la société par la perte des droits sociaux ; ou bien faites une religion nationale, armez-la d’un glaive, et déchirez votre déclaration des droits. Voilà la justice, voilà la raison ; consultez encore la politique.
Toute culte n’a qu’une preuve à faire, celle de la morale. S’il en est un qui ordonne le vol et l’incendie, il faut non seulement refuser l’éligibilité à ceux qui le professent, mais encore les proscrire. Cette observation ne peut s’appliquer aux Juifs. Les reproches qu’on leur fait sont nombreux. Les plus graves sont injustes, les autres ne sont que des délits. L’usure, dit-on, leur est permise : cette assertion n’est fondée que sur une interprétation fausse d’un principe de bienfaisance et de fraternité, qui leur défend de prêter à intérêt entre eux…Des hommes qui ne possèdent que de l’argent, ne peuvent vivre qu’en faisant valoir cet argent, et vous les avez toujours empêchés de posséder autre chose…Ce peuple est insociable, dit-on : cette insociabilité n’est pas certaine.
Il faut tout refuser aux Juifs comme nation ; il faut tout leur accorder comme individus ; il faut qu’ils soient citoyens. On prétend qu’il ne veulent pas l’être. Qu’ils le disent, et qu’on les bannisse ! Il ne peut y avoir une nation dans une nation… L’empereur a admis les Juifs à toutes les dignités, à toutes les charges. Ils ont exercé en France les plus importantes des fonctions publiques. Un de nos collègues, M. Nérac, m’a autorisé à dire que plusieurs Juifs avaient concouru à son élection. Ils sont admis dans les corps militaires : lorsque j’occupais la présidence, un don patriotique m’a été apporté par un Juif, soldat national…
Les Juifs sont présumés citoyens, tant qu’on n’aura pas prouvé qu’ils ne le sont pas, tant qu’ils n’auront pas refusé de l’être. Dans leur requête ils demandent à être considérés comme tels ; la loi doit reconnaître un titre que le préjugé seul refuse. Mais, dit-on, la loi n’a pas d’empire sur le préjugé. Cela était vrai quand la loi était l’ouvrage d’un seul ; quand elle est celui de tous, cela est faux.
Il faut s’expliquer clairement sur leur sort. Vous taire serait le pire des maux ; ce serait avoir vu le bien et n’avoir pas voulu le faire ; ce serait avoir connu la vérité et n’avoir osé la dire ; ce serait enfin asseoir sur le même trône les préjugés et la loi, l’erreur et la raison.”
Ce qui depuis 1789 s’applique aux Juifs s’applique également aux musulmans et à toute autre minorité aujourd’hui.
Qu’on bannisse tous ceux qui ont montré qu’ils refusent, par leurs comportements répétés et par leurs actes avérés, d’être des citoyens français, et nous aurons résolu un gros problème, à commencer par l’importation de conflits qui ne sont pas les nôtres.
C’est d’ailleurs ce que la loi française - l’article 23-7 du code civil - prévoit: “Le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’Etat, avoir perdu la qualité de Français.”
Un décret est un acte réglementaire ou individuel pris par le président de la République ou le Premier ministre. Cet acte fait partie des pouvoirs réservés au pouvoir exécutif par la Constitution. Les décrets ne sont pas votés.





Excellent rappel. Merci pour votre non moins excellent travail, pertinent et bien sourcé. Je songe sérieusement à m'abonner au moins à vous. Ça peut être une chouette idée de présent au pied du sapin.