[ Transition énergétique ] L'Ademe, une agence au cœur du réacteur politique
Le vent ne fait pas que faire tourner les éoliennes. La nomination d'un pro-nucléaire à la tête de cette agence, bras armé de l'Etat pour la transition énergétique, a des airs de "sauve qui peut".
L'instabilité à la tête de cette agence, bras armé de l'Etat dans sa politique de transition énergétique, est révélatrice de l'instrumentalisation. L'expertise technique au service du politique ?
Chantal Jouano y est restée un an, Philippe Van de Maele moins de quatre ans, François Loos même pas quinze mois, Arnaud Leroy, le dernier président de l’agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (Ademe), quatre ans. Sur ces quinze dernières années, il n’y a que Bruno Léchevin pour avoir tenu les cinq ans impartis au poste, à la tête de l’Ademe, rebaptisée agence de la transition écologique. Agence dont l’utilité et l’efficacité sont aussi douteuses que celles des Agences régionales de santé.
Après l’inconsistance de la gouvernance, les atermoiements de l’exécutif en pleine crise énergétique mise en lumière par la guerre en Ukraine quant à savoir qui sera le candidat de l’Elysée 1 à un poste de PDG vacant depuis six mois, montrent le peu de marges de manœuvre dont jouit l’agence. Mais aussi un pilotage à vue et des nominations hautement politiques, tournoyant au gré des vents et des accords électoraux.
Car qui voit-on débouler à la tête de l’Ademe ? Boris Ravignon. Boris Ravignon, le candidat propulsé par l’Elysée au poste, n’est pas seulement le maire LR de Charleville-Mézières. Pas seulement un proche d’Edouard Philippe. Pas non plus dans les petits papiers d’Emmanuel Macron à qui il avait apporté son soutien face à la candidate LR, Valérie Pécresse, à la présidentielle.
Boris Ravignon est un partisan de l’atome, ce qui contraste pour le moins avec ses prédécesseurs. Dans son département des Ardennes, il est volontaire pour accueillir des réacteurs nouvelle génération. Sa famille politique, Les Républicains, réclame un moratoire sur l’éolien. Que faut-il y voir au-delà d’un sensé mais tardif rééquilibrage (qui reste encore à définir), nucléaire d’un coté, énergies renouvelables de l’autre dans le futur mix énergétique tricolore ?
Qu’il est urgent de renverser la vapeur parce que ça craque de toutes parts. Que la débâcle énergétique dans laquelle baigne le pays au milieu d’un parc nucléaire en lambeaux, commence à sérieusement se voir, surtout depuis que la commission d’enquête parlementaire sur l’indépendance et la souveraineté énergétiques s’est attelé au sujet.
Que l’Ademe, bras armé de l'État pour mettre en œuvre la transition écologique et énergétique, n’est qu’un pion et un alibi. Et son président, une marionnette (ce qui expliquerait la multiplication des désaffections ces dernières années) ? Lors de ses auditions, au Sénat puis à l’Assemblée nationale le 14 décembre, Boris Ravignon a malgré les interrogations et inquiétudes relevées à ce sujet, maintenu sa décision de cumuler ce poste hautement stratégique avec ses fonctions de maire et de président d’agglo. Mélange des genres et “en même temps” inacceptable.
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Dans son livre Une affaire d'Etat- La tentative de sabordage du nucléaire français, l’ancien président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, montre comment, au gré des nominations sur lesquelles les ministres de l’environnement souvent venus des rangs écologistes ont la main, la pensée anti-nucléaire a infusé l’agence depuis une cinquantaine d’années.