De la nécessité d'avoir des alliés civilisationnels en Europe
Par Samuel Samson, Conseiller principal au bureau pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail du département d’Etat américain.
Qui sont donc ces gens au pouvoir à Washington depuis janvier dernier qui osent avoir une politique étrangère claire et en exprimer les objectifs, les voies et les moyens? Et il le font ouvertement sur le Substack du département d’Etat, ces malotrus! Substack, vous savez, cette plateforme où des gens qui aiment lire trouvent de l’information d’une qualité très supérieure à celle de la presse traditionnelle, parce que ceux qui font le choix d’y écrire rédigent pour leurs lecteurs plutôt que pour des annonceurs, des actionnaires et les Etats qui les subventionnent? Mais si vous savez, puisqu’en nous lisant, vous êtes sur Substack.
Nous traduisons l’article de Samuel Samson, Conseiller principal au bureau pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail du département d’Etat américain. Cet article décrit précisément l’attitude et principes la politique de l’administration Trump vis-à-vis de l’Europe. Après le discours de JD Vance à la conférence de Munich, après la manipulation des élections roumaines et suite à la politique de sanctions décidée par Marco Rubio, il serait bon qu’en Europe on commence à écouter, plutôt que de balayer d’un revers de main tout argument contraire aux nôtres. Ne pas oublier qu’il n’y a pas de puissance sans enracinement.
Dans notre rubrique Réflexions libres, les propos des auteurs n’engagent qu’eux-mêmes et ne reflètent en aucun cas les opinions de L’Eclaireur, au-delà de notre choix, que nous jugeons nécessaire, de leur donner la parole dans un soucis de pluralisme et de meilleure compréhension du monde.
De la nécessité d'avoir des alliés civilisationnels en Europe
Par Samuel Samson
La relation entre les États-Unis et l'Europe va au-delà de la proximité géographique et des calculs politiques. C’est un lien profond, enraciné dans une culture, une foi, des liens familiaux, un soutien mutuel en temps de crise et, surtout, un héritage civilisationnel occidental commun.
Notre partenariat transatlantique repose sur une riche tradition de droit naturel, d’éthique et de souveraineté nationale. Cet héritage remonte à Athènes et Rome, a traversé le christianisme médiéval, est passé par le droit commun anglais et a façonné les fondements de l’Amérique. Notre déclaration d’indépendance pose que les individus « sont dotés de certains droits inaliénables ». Elle fait écho aux idées d’Aristote, de Thomas d’Aquin et d’autres penseurs européens qui ont affirmé que tous les individus possèdent des droits inhérents qu’aucun gouvernement ne peut accorder ou retirer. L’Amérique doit à l’Europe une profonde dette pour cet héritage intellectuel et culturel.
Cet héritage partagé nous permet de nous parler franchement lorsque nous sommes en désaccord. C’est pourquoi l’administration Trump a lancé un avertissement à l’Europe. Lors de la Conférence sur la sécurité de Munich de cette année, le vice-président Vance a clarifié notre préoccupation, déclarant : « Ce qui m’inquiète, c’est la menace interne — le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs fondamentales, des valeurs partagées avec les États-Unis d’Amérique».
Après les ravages de deux guerres mondiales, les nations européennes ont cherché à prévenir de futures catastrophes en créant des structures supranationales visant à resserrer les liens entre nations et à favoriser des relations diplomatiques et économiques plus solides. Les partisans de cet nouvel ordre aspiraient à une transformation majeure : un monde qui transcenderait les divisions liées à la nationalité et aux croyances pour ouvrir une ère de paix sans précédent. En dépassant les ancrages de la nation, de la culture et de la tradition, le libéralisme globalisant promettait ce que Francis Fukuyama a appelé « la fin de l’histoire », présentée comme l’innovation ultime de la vie politique.
Aujourd’hui, cette promesse est en lambeaux. Ce qui persiste, en revanche, est une campagne agressive contre la civilisation occidentale elle-même. À travers l’Europe, les gouvernements instrumentalisent les institutions contre leurs propres citoyens et contre notre héritage commun. Loin de renforcer les principes démocratiques, l’Europe est devenue un foyer de censure numérique, de migration de masse, de restrictions de la liberté religieuse et de multiples autres atteintes aux fondements démocratiques.
Ces tendances préoccupantes se sont accentuées ces dernières années. Au Royaume-Uni, des chrétiens comme Adam Smith-Connor et Livia Tossici-Bolt sont arrêtés pour avoir prié en silence devant des cliniques d’avortement. En 2023, plus de 12 000 citoyens britanniques ont été arrêtés pour des publications en ligne, y compris des commentaires critiquant la crise migratoire en Europe, jugés « gravement offensants » par les autorités.
En Allemagne, le gouvernement a mis en place des systèmes complexes pour surveiller et censurer le discours en ligne sous prétexte de lutter contre la désinformation. Lorsque des citoyens allemands expriment leurs préoccupations légitimes concernant les impacts économiques et sociaux de la mondialisation ou critiquent des politiciens, ils risquent des amendes, d’être qualifiés de radicaux, voire de voir leur domicile perquisitionné par les forces de l’ordre.
Le règlement sur les services numériques de l’Union européenne, présenté comme un moyen de protéger les enfants contre les contenus nuisibles en ligne, est en réalité instrumentalisé pour réduire au silence les voix dissidentes via une censure de contenu digne d’Orwell. Des régulateurs indépendants surveillent désormais les entreprises de médias sociaux, y compris des plateformes américaines majeures comme X, et menacent d’imposer des amendes colossales en cas de non-conformité avec leurs strictes règles régissant le discours.
Cet environnement obère également les élections en Europe. Comme l’a récemment souligné le secrétaire d’Etat Marco Rubio, le parti populiste Alternative für Deutschland a été qualifié d’organisation « extrémiste » par les services de renseignement allemands, ce qui pourrait entraîner son exclusion du processus électoral. En France, la candidate à la présidence Marine Le Pen a été accusée de détournement de fonds et, en dérogation à la procédure habituelle, a vu sa peine d’inéligibilité immédiatement exécutée. Des restrictions similaires ont visé des partis ou des politiciens en Pologne et en Roumanie. Parallèlement, des nations chrétiennes comme la Hongrie sont injustement qualifiées d’autoritaires et comme portant atteintes aux droits humains.
Les Américains connaissent bien ces tactiques. En effet, une stratégie similaire de censure, de diabolisation et de guerre bureaucratique a été utilisée contre le président Trump et ses partisans. Cela révèle que le projet libéral mondial ne favorise pas l’épanouissement de la démocratie, mais la piétine, de même que l’héritage occidental, au bénéfice d’une classe dirigeante qui craint son propre peuple.
Nos intentions ne sont pas partisanes, mais fondées sur des principes. La suppression de la liberté d’expression, la facilitation de la migration de masse, la répression de l’expression religieuse et l’entrave au choix électoral menacent les fondements mêmes du partenariat transatlantique. Une Europe qui renie ses racines spirituelles et culturelles, qui traite les valeurs traditionnelles comme des reliques dangereuses et qui centralise le pouvoir dans des institutions irresponsables est une Europe moins capable de faire face aux menaces externes et à sa dégradation interne. Pour préserver la paix en Europe et dans le monde, il ne s’agit pas de rejeter notre héritage culturel commun, mais de le renouveler.
Le secrétaire d’Etat Rubio a clairement indiqué que le Département d’État agira toujours dans l’intérêt national de l’Amérique. Le recul démocratique en Europe affecte non seulement les citoyens européens, mais aussi, de plus en plus, la sécurité et les liens économiques avec les États-Unis, ainsi que le droit à la liberté d’expression des citoyens et des entreprises américaines.
Nous espérons que l’Europe et les États-Unis pourront se rassembler autour de leur héritage occidental, et que les nations européennes mettront fin à la répression d’Etat contre ceux qui cherchent à le défendre. Nous ne serons pas toujours d’accord sur les voies et moyens, mais des actes concrets des gouvernements européens pour garantir la protection de la liberté d’expression politique et religieuse, sécuriser les frontières et assurer des élections libres et justes seraient des pas bienvenus.
Les États-Unis restent engagés dans un partenariat solide avec l’Europe et dans une collaboration étroite en matière politique étrangère. Cependant, ce partenariat doit être fondé sur notre héritage commun plutôt que sur une conformité globaliste. Notre relation est trop importante, notre histoire trop précieuse et les enjeux internationaux trop élevés pour permettre que ce partenariat soit fragilisé. Par conséquent, des deux côtés de l’Atlantique, nous devons préserver les bienfaits de notre culture commune, en veillant à ce que la civilisation occidentale demeure une source de vertu, de liberté et d’épanouissement humain pour les générations à venir.
J'entends bien ce qui est dit et ce serait souhaitable dans un monde idéal, c'est-à-dire un monde dans lequel les acteurs seraient à la fois intelligents et de bonne foi. Ce n'est malheureusement pas le cas et ce, des deux côtés.
Les USA se sont d'une part habitués à dominer l'Europe et à la considérer comme un vassal, ce qu'elle est. D'autre part, le changement actuel aux États-Unis avec le gouvernement Trump 2, n'a pas pris la mesure de la préhension du système colonial américano-démocrate sur l'Europe qui a été, au fil des décennies, corrompue à un point à peine imaginable. Si Trump gouverne, en partie seulement l'Amérique, Biden gouverne encore l'Europe, hélas!
Ce n'est donc pas demain la veille qu'il y aura convergence vers des valeurs communes entre les deux rives de l'Atlantique, à moins que la parenthèse Trump ne dure que 2 à 4 ans auquel cas on en reviendra à la case départ. Sinon, il y aura très rapidement une bien plus grande convergence entre les États-Unis et la Russie d'un côté, et l'Europe et la Chine de l'autre.
Ce cas de figure, s'il advenait, serait particulièrement intéressant et prometteur.