"Le risque technique amenant au black-out, nous y sommes"
Dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron, Bernard Accoyer, le président de PNC-France, alerte sur le risque que font peser les choix énergétiques de l'exécutif. En plein black-out espagnol.
Sur les potentielles causes du mega black-out qui a plongé l’Espagne, le Portugal et le Sud de la France dans le noir électrique, on aura tout entendu : la faute aux Russes, à une cyber-attaque, à un phénomène atmosphérique rare (des Aliens russes ?), un incendie… Mais pas une fois la piste de la surcharge du réseau pour cause de sur production d’énergies renouvelables intermittentes, photovoltaïque en tête, n’est abordée dans les médias français – alimentés par l’AFP, canal unique.
La question se pose pourtant, d’autant que le risque a de nombreuses fois été pointé. A plusieurs reprises, RTE a demandé à EDF de stopper ses réacteurs – les énergies renouvelables intermittentes ayant priorité sur le réseau – puis aux fournisseurs d’énergies éolienne ou photovoltaïque de faire de même. Stopper des réacteurs nucléaires, c’est bien connu, est bien plus aisé que de déconnecter des panneaux solaires du réseau…
Dimanche 28 avril, il semblerait que la France se soit tout simplement délestée sur le réseau espagnol histoire d’évacuer le trop-plein d’électricité solaire produit en Allemagne 1. Excédents d’énergie solaire qui n’auraient pu être retirés dans la péninsule, de très nombreuses installations photovoltaïques n’étant pas réglables. Excédents impossibles à absorber, de moins en moins de centrales électriques étant disponibles pour réagir aux instabilités.
“Dans un réseau électrique traditionnel – centrales à charbon, turbines à gaz, réacteurs nucléaires – les petites perturbations, même dues à des conditions météorologiques extrêmes, sont absorbées et atténuées par la simple inertie physique du système”, explique le journaliste, spécialiste de l’énergie aux Etats-Unis, Michael Shellenberger sur Public.
“Les turbines agissent comme des amortisseurs, atténuant les changements rapides de fréquence et stabilisant le réseau. Mais dans un système électrique dominé par des panneaux solaires, des éoliennes et des onduleurs, il n’y a quasiment aucune inertie physique. Les panneaux solaires ne produisent aucune résistance mécanique. La plupart des éoliennes modernes sont découplées électroniquement du réseau et fournissent peu de force stabilisatrice. Les systèmes basés sur des onduleurs, qui dominent les réseaux modernes d’énergies renouvelables, sont précis mais délicats. Ils suivent la fréquence du réseau plutôt que de résister aux changements brusques”.
Cette piste, assurément un peu plus sérieuse, les médias en France n’en parlent pas (pour l’instant). C’est l’autre black-out.
C’est que l’incident tombe mal, outre le fait qu’il a constitué la plus grosse pagaille électrique (hors période de guerre) que la péninsule ibérique ait jamais connue. Car l’électrification, dans l’industrie, dans les transports au sein de l’UE, qui devait permettre de servir de débouchés à un foisonnement du renouvelable, n’avance pas comme prévu. Résultat, alors que les fermes solaires se multiplient, que l’éolien a le vent (politique) en poupe, que sa version off-shore a les faveurs de l’exécutif en France, derrière l’intendance ne suit pas.
Et comme, rien n’est prêt et prévu pour stocker ce surplus d’électricité, à moins de le ventiler dans la nature et donc de le gaspiller, il a toutes les chances de venir saturer le réseau qui, faute de pouvoir s’équilibrer, se met en croix.
Ce risque c’est celui contre lequel Bernard Accoyer, le président de PNC-France mettait en garde Emmanuel Macron dans une lettre adressée le 24 avril au chef de l’Etat que nous reproduisons ci-après. Lettre dans laquelle l’ex-président de l’assemblée nationale réclamait la suspension de la programmation pluri-annuelle de l’énergie (PPE), cette feuille de route qui doit tracer pour les dix ans à venir la politique énergétique de la France et qui prévoit de relancer le nucléaire mais aussi d’investir massivement dans les renouvelables intermittentes, éolien en mer en tête.
Le 28 avril, on a ainsi assisté à une scène surréaliste d’un débat sur un sujet majeur, la politique et la souveraineté énergétique de la France, sans vote – et donc dans un hémicycle quasi-vide. “Débat” qui s’est conclu par un nouvel ajournement de la PPE…
L’association Patrimoine Nucléaire Climat (PNC) est une association née après la fermeture du deuxième réacteur nucléaire de la centrale de Fessenheim. Elle est engagée activement pour la défense du nucléaire comme solution clé contre le réchauffement climatique et pour la préservation du patrimoine nucléaire français.
Dans notre rubrique Réflexions libres, les propos des auteurs n’engagent qu’eux-mêmes et ne reflètent en aucun cas les opinions de L’Eclaireur, au-delà de notre choix, que nous jugeons nécessaire, de leur donner la parole dans un soucis de pluralisme et de meilleure compréhension du monde.
Depuis plusieurs années, PNC-France met en garde les pouvoirs publics et les élus contre les risques induits par un excès de production d’électricité intermittente (éolienne et solaire), risque technique amenant au black-out, et risque économique affectant le prix de l’électricité pour le consommateur final. La poursuite aveugle d’une politique énergétique inadaptée, au mépris des lois physiques, a rendu ce risque inévitable. Nous y sommes !
Par leur intermittence de production, leur priorité d’accès au réseau et leur subventionnement, les énergies solaire et éolienne ont largement contribué au doublement du prix de l’électricité. De plus, elles déstabilisent dangereusement le réseau électrique sur lequel, à tout instant, la production et la consommation d’électricité doivent être strictement égales.
RTE, le régulateur du réseau électrique français, a émis des alertes, de manière récurrente en ce début de printemps, car “il est actuellement confronté a une situation extrêmement tendue pour assurer sa mission de service public de gestion de l'équilibre offre/demande d’électricité”. RTE est face à une production excessive à certaines heures de la journée, due notamment à la production solaire, et doit écrêter les productions ou céder l’excédent de production, souvent à prix négatifs très importants.
Or nous ne sommes qu’en mi-saison et la Commission européenne, comme la France, semblent ignorer une simple évidence : nous avons du soleil en même temps et les capacités installées sur le réseau européen, comme le français, deviennent ingérables. Le résultat de cet aveuglement s’impose : le réseau était en déséquilibre dès début avril alors qu’il ne l’était l’an dernier qu’en juin. Et les épisodes de prix négatifs s’envolent.
Les faits sont têtus. Il est temps d’ouvrir les yeux et de mettre en œuvre une politique énergétique dictée par la raison et non par l’idéologie.
Certes, le discours de Belfort de février 2022 a mis un terme au projet insensé de fermeture de 14 réacteurs nucléaires (après la fermeture des deux unités de Fessenheim), mais a confirmé le choix d’un développement massif simultané de la production d’électricité éolienne et solaire. Dans cette perspective, la troisième Programmation Pluriannuelle de l’énergie (PPE3), dont la publication prochaine est toujours annoncée (elle a été ajournée à après l’été depuis, ndlr), prescrit la multiplication par trois en dix ans des puissances éoliennes et solaires installées.
De nombreux experts incontestés, des élus nationaux et locaux en grand nombre, des institutions scientifiques telles les Académies, des associations et ONG totalement indépendantes comme PNC-France ou le Cérémé, mais aussi des citoyens avertis s’exprimant lors des consultations officielles, ont rendu publiques leurs réserves expresses sur ce projet de PPE3. Le caractère irréaliste du projet, et ses effets délétères sur l’économie française sont mis en évidence de façon quasi unanime.
Il est paradoxal et condamnable qu’en dépit de ces mises en garde officielles, l’Administration reste muette, sans doute faute de réponse rationnelle à opposer aux critiques faites, et s’autorise à engager des appels d’offres considérables dans l’éolien comme dans le solaire, dans l’esprit de la version contestée de ce projet de PPE3. La persistance des pouvoirs publics dans cette voie irrationnelle et suicidaire, pour notre industrie et notre économie, relève d’un parti pris sans fondement scientifique réaliste et conduit à s’interroger sur l’impartialité des décideurs.
Sous la pression de parlementaires lucides, le gouvernement a finalement décidé d’un débat parlementaire et l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée nationale de la proposition de loi sénatoriale Grémillet. Pourtant le gouvernement et l’administration semblent toujours déterminés à publier en force une PPE persistant à prévoir un développement considérable d’électricité intermittente, en totale contradiction avec les conclusions du rapport Delahaye de la commission d’enquête sénatoriale de 2024, et les analyses irréfutables condamnant la PPE3.
Force est de constater que depuis plus d’un quart de siècle le pouvoir politique et certaines administrations centrales ont été pénétrés par une idéologie décroissante anti-nucléaire et pro renouvelables qui a su instrumentaliser fallacieusement la lutte urgente contre le dérèglement climatique, oubliant la remarquable performance d’un mix électrique décarboné reposant sur ses atouts, le nucléaire et l’hydroélectricité, garants de la stabilité d’un réseau avec un gaz très minoritaire.
Au-delà de personnalités politiques militantes alternant postes de dirigeants associatifs engagés et postes gouvernementaux ou fauteuils de parlementaires, ce sont d’innombrables mouvements de personnels entre le secteur associatif militant, des cabinets ministériels, des institutions officielles chargées de l’environnement et de l’énergie, des lobbys et entreprises énergétiques, qui ont prospéré et prospèrent encore.
Les exemples sont innombrables. Ce mélange des genres, ces situations propices aux conflits d’intérêts, pourraient relever d’une forme de corruption au moins idéologique. L’influence et les pressions ainsi exercées expliquent-elles un entêtement des pouvoirs publics fondé sur le mépris du parlement et de la parole des experts ? Ce questionnement devrait conduire à mener une enquête approfondie dont les conclusions permettraient de remettre en ordre de marche l’Administration de notre République.
Dans l’immédiat, PNC-France appelle solennellement à suspendre la publication de la PPE3, à freiner le développement des énergies intermittentes, à restaurer la maîtrise de notre réseau en rétablissant au bon niveau notre potentiel de production pilotable, et à conduire une étude d’impact environnementale, technique et économique permettant de définir de façon rationnelle le mix de production électrique optimal à moyen comme à long terme. Cette étude pourrait être pilotée par l’OPESCT (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques), avec l’appui des Académies.
Cet excédent d’énergie solaire ne viendrait, contrairement à ce que nous avions initialement écrit, pas de l’Allemagne. Mais bien d’Espagne. Article mis à jour le 30 avril à 10 h 45.
Franchement, il faut être sérieux là! Il n'y a pas de nucléaire en Espagne et au Portugal et les centrales thermiques sont pilotables. La panne n'a donc rien à voir avec les "renouvelables" dont l'hydraulique fait partie (soit dit en passant est pour la petite et micro hydraulique très largement subventionnée pour une participation ridicule au productible). Pour précision le nucléaire a un énorme inertie, on arrête pas un réacteur sur un claquement de doigts et la majorité de la grande hydraulique est au fil de l'eau et non pilotable.
Petite précision, Bernard Accoyer est un Oto-Rhino de province pas un ponte de la physique et des réseaux électriques. Il n'a jamais été ministre. Cherchez pourquoi ?
Il y a eu de multiples études sur les mix énergétiques avec entre 3 et 4 scénarios et ce ne sont pas les fossiles vivants de l'académie qui feront mieux! Il faut aussi réviser les coûts d eproduction qui désormais sont largement ne faveur des renouvelables même si le nucléaire garde l'avantage d'une production massive pour une occupation d'espace faible mais avec les risques que l'on connait et un approvisionnement en combustible entièrement dépendant de pays d'une extraordinaire fiabilité comme le Khazakstan, l'Australie ou le Niger (tiens ils nous ont viré!).