Tous les journalistes au gnouf !
Non, le règlement européen sur la liberté des médias ne permet pas d'arrêter des journalistes pour les forcer à révéler leurs sources.
Certaines personnes réagissent de manière si épidermique qu’on se demande si elles sont encore capables de réfléchir, si leur cerveau est toujours en état de marche pour lire un texte tel qu’il est écrit, et non tel qu’elles souhaiteraient qu’il soit. De véritables chiens de Pavlov. Si le fonctionnement de l’UE est fondamentalement anti-démocratique, cela ne signifie pas pour autant que toutes les législations européennes sont mauvaises.
Il n’est pas question de défendre l’UE mais de ne pas faire dire à un texte, le règlement européen sur la liberté des médias, ce qu’il ne dit pas. Question d’honnêteté et d’objectivité.
Lire dans le règlement européen sur les médias que des journalistes peuvent être interpellés afin de les forcer à révéler leurs sources relève de la psychose. Ce texte dit tout le contraire.
Traduction en français:
Article 4 : Droits des fournisseurs de services de médias
Liberté d'activité économique
Les fournisseurs de services de médias ont le droit d'exercer leurs activités économiques au sein du marché intérieur sans restrictions, hormis celles autorisées par le droit de l'Union européenne.Indépendance éditoriale
Les États membres doivent garantir la liberté et l'indépendance éditoriale effective des fournisseurs de services de médias dans l'exercice de leurs activités professionnelles. Les États membres, y compris leurs autorités et organismes de régulation nationaux, ne doivent pas interférer dans les politiques éditoriales ni influencer les décisions éditoriales de ces fournisseurs.Protection des sources journalistiques et des communications confidentielles
Les États membres doivent assurer une protection effective des sources journalistiques et des communications confidentielles. À cet effet, ils s'abstiennent de prendre les mesures suivantes :
(a) Obliger les fournisseurs de services de médias ou leur personnel éditorial à divulguer des informations susceptibles d'identifier des sources journalistiques ou des communications confidentielles, ou contraindre toute personne ayant une relation régulière ou professionnelle avec un fournisseur de services de médias ou son personnel éditorial à révéler de telles informations.
(b) Arrêter, sanctionner, intercepter, inspecter ou soumettre à une surveillance ou à une perquisition les fournisseurs de services de médias, leur personnel éditorial, leurs locaux professionnels ou privés, dans le but d'obtenir des informations susceptibles d'identifier des sources journalistiques ou des communications confidentielles. Cela inclut également toute personne ayant une relation régulière ou professionnelle avec un fournisseur de services de médias ou son personnel éditorial.
(c) Installer des logiciels de surveillance intrusifs sur tout matériel, appareil numérique, machine ou outil utilisé par les fournisseurs de services de médias, leur personnel éditorial ou toute personne ayant une relation régulière ou professionnelle avec eux, susceptible de détenir des informations permettant d'identifier des sources journalistiques ou des communications confidentielles.
Ce texte interdit donc toute arrestation, toute perquisition, toute surveillance physique comme électronique et toute mesure d’intimidation arbitraires visant des journalistes et des entreprises de presse. Et par entreprise de presse, il entend toute activité économique visant à informer le public qui n’est pas de la publicité, des relations publiques ou de la communication, quelle que soit la forme de l’exercice de cette activité économique, à titre individuel ou en société.
La Commission européenne est la gardienne des traités, et ce, depuis sa fondation. C’est elle qui vérifie la bonne transposition du droit européen et son application correcte par les États membres. Rien de nouveau.
En fait, ce règlement européen est la transposition en droit européen d’une grande partie du droit de la presse français. Si vous souhaitez obtenir le statut d’entreprise de presse pour bénéficier d’un régime fiscal spécifique, comme la TVA à 2 %, d’allégements de charges sociales, etc., il faut passer devant la Commission paritaire des publications et des agences de presse et lui fournir exactement les mêmes informations que celles stipulées dans le règlement européen.
En matière de surveillance électronique administrative, l’autorité indépendante n’est pas l’Arcom mais la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). C’est le juge d’instruction, juge du siège, qui ordonne les interceptions judiciaires, possibles uniquement pour des infractions passibles de plus de trois ans de prison, si elles sont absolument nécessaires à l’enquête, et pour une durée de 4 mois renouvelable.
Ce règlement instaure des garde-fous qui n’existaient pas en France. C’est pour cela que personne ne s’exprime, car il n’y a rien à dire.
Journaliste n’est pas une profession réglementée bénéficiant d’une immunité. La liberté d’informer n’est pas un permis de commettre des crimes et délits sous couvert de carte de presse - qui n’est d’ailleurs pas nécessaire pour être journaliste.
Si un journaliste, dans l’exercice de ses fonctions, commet une infraction pénale, il sera poursuivi. Si un journaliste entretient des relations soutenues au point qu’elles ne peuvent pas être considérées comme exclusivement professionnelles, par exemple avec une organisation terroriste ou criminelle, il pourra être surveillé. C’est déjà le cas. Rappelez-vous les mésaventures d’Ariane Lavrilleux.
[Republication] Disclose au gnouf
Il a fallu moins d’une heure avant que “l’affaire” ne fasse les gros titres de la presse mainstream : une journaliste de Disclose est convoquée par une magistrate “anti-terroriste” (plus prosaïquement une magistrate possédant une accréditation secret et très secret) pour une possible mise en examen. Branle-bas de combat dans la profession, que l’on a vu…
L’État et le pouvoir politique français ont toujours surveillé la presse et les journalistes comme le lait sur le feu, le plus souvent dans la plus totale illégalité. Plombiers du Canard Enchaîné, cellule antiterroriste de l’Élysée, tentative de perquisition de Mediapart. Autre cas récent, l’affaire Fakir, qui a vu une douzaine de personnes, dont Bernard Squarcini, ancien patron de la DCRI, être jugées pour une ribambelles de délits: trafic d’influence, abus de confiance, faux en écriture publique, complicité et recel de violation du secret professionnel et de l’instruction, compromission du secret de la défense nationale etc.
[Republication] Nanard et les barbouzes
Alors que Bernard Arnault se félicite de l’accord calamiteux avec les USA négocié par la Commission Européenne - il ne touche pas les activités de LVMH - petit rappel de qui est ce monsieur, de quelles sont ses méthodes et d’à qui il doit sa fortune.
Dites-vous bien que cela continue, trop souvent par l’utilisation d’officines opérant dans l’illégalité. Ce texte, en théorie, y mettra fin. Et quand on est journaliste, on doit savoir travailler avec ce genre de contraintes, très faciles à contourner, techniquement comme juridiquement.