[ Edito ] Sarkozy, le vrai scandale
Le scandale n'est pas la condamnation de Nicolas Sarkozy ni son emprisonnement. Le scandale, ce sont tous ceux qui ont commis des actes comparables et qui courent toujours.
Inique Une de Libération.
On ne se réjouit jamais de la condamnation d’un homme. Parce que la justice est passée - en première instance - et que sa fonction consiste certes à punir les coupables, mais également à les soustraire à la vindicte de la foule.
Nous n’allons pas pleurer sur le sort de Nicolas Sarkozy, homme vénal, grossier, corrompu, héritier sans intelligence de certains réseaux des Hauts-de-Seine montés par un ancien vendeur de pastis qui, lui, même s’il était un personnage inquiétant, n’avait que la France en tête. Sarkozy, comme tous ceux de sa génération et des suivantes, n’a jamais pensé qu’à lui-même. Sarkozy, c’est tout de même le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN et la forfaiture du traité de Lisbonne – ce pour quoi ceux qui l’ont fait élire l’avaient fait élire.
Sarkozy, c’est également l’intervention en Libye de 2011, qui, en provoquant illégalement un changement de régime, a plongé une grande partie de l’Afrique dans le chaos et a causé la crise migratoire que nous continuons de subir de plein fouet.
Nicolas Sarkozy est un multirécidiviste. Vous en connaissez beaucoup en France des multirécidivistes qui comparaissent libres à leur procès alors qu’ils encourent dix ans de prison ?
La justice française est-elle juste? Certainement pas. Est-elle politique? Sans aucun doute. La justice française est à l’image de ce qu’ont fait depuis cinquante ans de nos institutions tous ceux qui ont gouverné, dont Nicolas Sarkozy.
Le rôle du président de la République consiste d’abord à garantir le bon fonctionnement des institutions. Nicolas Sarkozy n’aura fait que les soumettre au service de sa petite personne, avilissant la fonction présidentielle – un flambeau vaillamment repris par François Hollande et Emmanuel Macron, qui ont aggravé l’addition. Il a rendu caduque la fonction de premier ministre qui, seul, selon notre Constitution, gouverne, en le remplaçant par le secrétaire général de l’Élysée – tenez, Claude Guéant, lui aussi condamné à six ans de prison pour blanchiment, trafic d’influence, corruption et association de malfaiteurs dans la même affaire.
La bêtise, l’hypocrisie et la veulerie de l’ensemble de la classe politique française actuelle éclatent au grand jour. Elle oscille entre une obsession pour le maintien de privilèges que rien ne lui confère et un déversement de méchante moraline.
Petit inventaire à la Prévert.
Prenons M. l’eurodéputé Bellamy, l’enfant de chœur aux joues roses, qui parle de souveraineté mais vote tout au Parlement européen. Le tribunal n’a pas jugé qu’il n’y avait ni corruption, ni détournement, ni financement illégal de campagne. Le tribunal a jugé que l’accusation n’avait pas produit les éléments suffisants pour condamner Nicolas Sarkozy pour ces faits. Le doute profite toujours à l’accusé, fort heureusement.
En revanche, le tribunal a estimé que le délit d’association de malfaiteurs était constitué, non seulement en raison du dossier en présence, accablant, mais aussi du fait de la condamnation définitive de Nicolas Sarkozy dans une autre affaire, dite Paul Bismuth (ou affaire des écoutes)1, qui découle directement du dossier libyen. Sans compter la subornation de témoin suite à la rétractation de Ziad Takieddine pour le recel de laquelle Nicolas Sarkozy est poursuivi .
Le socialiste adjoint au maire de Paris, avocat d’Anne Hidalgo, maire de Paris, et ancien président de l’UEJF, Patrick Klugman, ose avancer que Nicolas Sarkozy a été condamné sans preuve. Que fait le barreau ? Un avocat non partie au dossier ne saurait, sans sanction, remettre ainsi en cause une décision de justice qui, au demeurant, n’est pas définitive.
Pour rappel, article 450-1 du code pénal:
Constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
L’association de malfaiteurs, c’est ce qui permet à de nombreux services de police judiciaire – et non des moindres : antigang, antiterrorisme, stupéfiants, brigade financière, lutte contre le trafic d’êtres humains, etc. – de travailler pour arrêter les brigands avant qu’ils ne passent à l’acte ou, s’ils sont déjà passés à l’acte, de s’assurer qu’ils cessent de nuire à la société pour un bon bout de temps.
L’association de malfaiteurs, c’est la notion de « conspiration » en droit pénal américain, c’est la fameuse loi RICO. Rien n’est supposé, tout doit être démontré, sinon pas de condamnation possible. Nicolas Sarkozy n’a jamais rencontré ni Ziad Takieddine, ni Claude Guéant qui ne s’est jamais rendu secrètement en Libye grâce aux bons offices de MM. Takieddine et Djouhri – c’est l’évidence !
Poursuivons avec M. le député Tanguy, qui était, au moment de l’affaire Alstom, sauf erreur de notre part, membre du cabinet de Clara Gaymard, alors présidente de General Electric France. Bien qu’il se soit publiquement plaint d’une « visite » de son appartement, M. Tanguy, à notre connaissance, ne s’est pas manifesté auprès du parquet ni du juge d’instruction chargé de l’enquête ouverte suite au signalement du regretté Olivier Marleix pour transmettre les informations dont il aurait eu connaissance.
Il n’est nul besoin qu’une association de malfaiteurs aboutisse. Le seul fait de s’associer pour préparer la commission d’une infraction passible d’au moins cinq ans d’emprisonnement constitue, en soi, l’infraction pénale d’association de malfaiteurs.
Toujours l’article 450-1 du code pénal:
Lorsque l’infraction préparée est un crime pour lequel la loi prévoit une peine de réclusion criminelle à perpétuité ou une répression aggravée en cas de commission en bande organisée, la participation à une association de malfaiteurs est punie de quinze ans de réclusion criminelle et de 225 000 euros d’amende.
Lorsque les infractions préparées sont des crimes autres que ceux mentionnés au deuxième alinéa ou des délits punis de dix ans d’emprisonnement, la participation à une association de malfaiteurs est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
Lorsque les infractions préparées sont des délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, la participation à une association de malfaiteurs est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
M. Tanguy joue au juge pénitent. Au motif que, selon lui, « des dizaines de milliers de violeurs, d’agresseurs et autres dangers ambulants » ne sont pas emprisonnés, Nicolas Sarkozy ne devrait pas parfaire son bronzage dans une cellule VIP de la Santé. En quoi les crimes des uns, fussent-ils impunis, excusent-ils ceux des autres ? Surtout quand cet autre était ministre et cherchait à accéder au plus haut sommet de l’Etat.
Comment ose-t-il écrire, lui, député de la République, que Nicolas Sarkozy ira en prison au mépris de la présomption d’innocence ? Les maisons d’arrêt sont pleines de personnes en détention provisoire, privées de leur liberté dans l’attente de leur procès, en première instance comme en appel, sans que cela n’obère en rien leur présomption d’innocence ! La preuve : si elles sont condamnées, leur détention provisoire est déduite de la peine prononcée.
Au tour de Mme la députée Marine Le Pen, avocate de formation. Il n’y a, en l’espèce, aucune négation du double degré de juridiction, puisque l’exécution provisoire de la peine principale de 5 ans de prison prononcée contre Nicolas Sarkozy ne viole pas son droit à faire appel.
Il n’est encore une fois nulle question de violation de la présomption d’innocence, et l’exécution provisoire est justifiée par l’affaire “Paul Bismuth” et la tentative de Nicolas Sarkozy, par l’entremise d’une certaine Mimi Marchand, de suborner un témoin, Ziad Takieddine, décédé deux jours avant le prononcé de la condamnation de l’ancien président de la République et de ses complices. Subornation de témoin pour laquelle Mme Marchand est mise en examen, tout comme Nicolas Sarkozy pour les chefs de “recel de subordination de témoin” et “participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre l’infraction d’escroquerie au jugement en bande organisée.” Tenez, encore association de malfaiteurs! Laisser en liberté un multirécidiviste si prompt à récidiver, est-ce bien raisonnable ?
Mme Le Pen s’inquiète pour son propre sort, pour son appel à venir début 2026 2. Elle commet un gros péché d’orgueil. Elle est bien la victime d’une exécution provisoire de la peine complémentaire d’inéligibilité, exécution provisoire sans fondement et contraire à une décision du Conseil constitutionnel. Dans son cas, le double degré de juridiction a bien été anéanti par un tribunal en roue libre arguant de l’ordre public démocratique, notion inexistante en droit français. Nous l’avons écrit, nous le maintenons.
Son cas est radicalement différent de celui de Nicolas Sarkozy, d’autant que sa seule possibilité de récidive, en ce qui concerne sa peine complémentaire d’inéligibilité, consisterait à être réélue. Preuve que la décision qui l’a frappée a bien une motivation politique.
À gauche maintenant, au grand fakir, camarade de bahut privé d’Emmanuel Macron à Amiens, bourgeois jouant au smicard, l’ineffable François Ruffin.
Nicolas Sarkozy n’a pas été reconnu coupable d’avoir vendu la patrie à la Libye de Kadhafi. Affirmer cela relève de la diffamation caractérisée. Marine Le Pen n’attaque pas directement la justice, mais elle exprime des inquiétudes et commet une erreur majeure en affirmant que le principe du double degré de juridiction n’a pas été respecté.
Rappelons à M. Ruffin que Mme Chikirou, députée LFI et compagne de Jean-Luc Mélenchon, est mise en examen pour escroquerie aggravée, infraction qu’elle aurait commise durant la campagne présidentielle de son compagnon en 2017, lequel reste visé par une information judicaire quant à l’utilisation qu’il aurait fait de ses assistants parlementaires alors qu’il était eurodéputé - tenez, comme Mme Le Pen.
Quand on grimpe au cocotier, il faut d’abord s’assurer d’avoir le cul propre – ou, à défaut, avoir la décence de mettre des couches si on a la diarrhée.
Nous pourrions continuer longtemps à tailler des costards à tous ces politiciens incapables de penser au-delà de leur prochaine logorrhée sur les plateaux télé. À droite comme à gauche, ils se valent tous dans leur conviction d’être au-dessus des lois, dans la préservation de leurs petits privilèges et dans leur joie mauvaise de voir les autres tomber alors qu’eux-mêmes ont pour la plupart commis des méfaits comparables.
Le scandale n’est pas la condamnation et l’incarcération de Nicolas Sarkozy.
Le scandale, c’est que Thierry Solère, l’homme politique le plus mis en examen de l’Hexagone depuis 2017 – treize fois ! fraude fiscale, emploi fictif, détournement de fonds publics, trafic d’influence, financement illicite de dépenses électorales etc.– n’ait pas encore été jugé, qu’il court toujours et qu’il reste le conseiller politique officieux d’Emmanuel Macron.
Le scandale, c’est le peu d’empressement de la justice à traiter les cas des ministres d’Emmanuel Macron – au moins vingt-six inquiétés depuis 2017.
Le scandale, c’est l’affaire Alstom, enterrée – une affaire d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, là où on parle de 5 ans mais potentiellement de perpétuité – qui a permis à Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, d’arroser, selon les dires d’Arnaud Montebourg, tout Paris : la banque, les avocats d’affaires, les cabinets de conseil et les boîtes de com’. Ceux-ci le lui ont bien rendu en finançant sa campagne de 2017.
Le scandale, c’est ce coup d’État judiciaire orchestré par la haute fonction publique et la haute magistrature pour faire élire Emmanuel Macron, qui, sans cela, n’aurait pas passé le premier tour en 2017. On mesure aujourd’hui l’ampleur des désastreuses conséquences de cette forfaiture.
Le scandale, c’est une justice indigente, indignité démocratique absolue, alors que ceux qui la dirigent se soucient peu de la rendre. Ils ont été placés à sa tête non pour qu’elle passe de manière impartiale, au nom du peuple français et dans l’intérêt de la société, mais pour préserver des intérêts de classe.
Le scandale, ce serait une justice et une magistrature qui sortiraient de leur impérieuse impartialité dont leur indépendance n’est que l’outil, afin de condamner ceux qu’elles n’aiment pas et épargner ceux qui leur plaisent. Un juge qui serait partial perdrait immédiatement son indépendance et le pouvoir de juger, puisqu’il ne serait alors qu’un vil commissaire politique.
Toutes les institutions françaises, sans exception, ont été viciées, corrompues, pourries, non par ceux qui les peuplent, mais par ceux, toujours les mêmes, qui les dirigent. Avant qu’une irrémédiable gangrène n’empoisonne leur sang – celui de la nation –, il serait temps de procéder à bien des amputations et de cautériser les plaies au fer rouge.
Le 17 décembre 2023, Nicolas Sarkozy a définitivement été condamné à trois ans de prison dont un an ferme sous surveillance électronique et trois ans de privation des droits civiques dans l’affaire des écoutes. L’affaire Paul Bismuth est née directement de l’enquête sur le financement libyen. Les écoutes initiales, décidées en 2013-2014 pour explorer les soupçons de fonds libyens, ont révélé l’existence de la ligne “Paul Bismuth” et les conversations compromettantes sur la tentative de corruption du magistrat Gilbert Azibert.
Marine Le Pen sera jugée en appel dans l’affaire des assistants parlementaires du FN à partir du 12 janvier 2026.
Bravo, merci pour ce document, clair et exhaustif quant à la NUISANCE de Sarko.
Et HONTE à ceux qui le défendent et trouvent scandaleux ce verdict 🤮
Quoi qu'on pense du sujet traité (bravo à notre Eclaireur!) cette une de "Libération" est une ordure.
Elle me fait penser aux délations et condamnations folles, jouissives staliniennes (je suis justement en train de relire Soljenitsine. Effrayant.)
"Libé", en taule.