Les chauves-souris font disjoncter EDF
Coup d'arrêt au projet éolien en Isère. Mais la protection de la biodiversité cache bien d'autres questions à un moment où l'éolien a comme de sérieux flottements.
En Isère, les chauves-souris ont fait plier un projet de parc éolien. Une nouvelle fois, la question des ressources naturelles, la protection de la biodiversité est venue se mettre en travers du chemin de projets dont la pertinence industrielle, économique, sociale est bancale. Les exemples sont nombreux. Dans le département, le Center parc de Pierre & Vacances a ainsi butté sur la question de la ressource en eau. Même chose pour une zone d’activités aux portes de Grenoble qui devait servir de clientèle d’appoint au projet insensé de transport par câble, tombé tout autant à l’eau. En montagne, ce sont des papillons qui viennent faire flancher la bétonisation forcenée dans les stations de ski.
Insuffisante réflexion économique
C’est certes un très bon point pour la biodiversité. Dans les Chambarans, entre Drôme et Isère, la protection de nombreuses espèces de chauves-souris – 25 sur les 35 présentes en France – et d’oiseaux, et l’insuffisance des mesures pour limiter les risques, a prévalu sur la construction de dix éoliennes. Mais il a fallu l’entêtement d’un commissaire enquêteur, le gros travail de la commission d’enquête, des services de l’Etat, Dreal notamment, l’accès à une expertise robuste, réellement indépendante menée par un spécialiste des chiroptères, ordonnée par le tribunal administratif, pour arriver à ces conclusions : en matière de protection de la biodiversité, le projet porté par EDF-Renouvelables comme L’Eclaireur l’expliquait en mai dernier, ne coche aucune case.
En Isère, l'enquête qui plombe les éoliennes
C’est un écueil majeur dans le développement de l’éolien. Et il est d’autant plus minimisé qu’il remet en question la façade « écologique », au sens premier du terme, celui des relations des êtres vivants avec leur environnement, de cette source d’énergie.
Il faut lire l’arrêté particulièrement étayé de la préfète de l’Isère, qui a refusé de donner son autorisation au projet, pour voir à quel point le parc éolien était tout sauf “écologique”. A quel point il était une menace pour les populations de chauves-souris, pas seulement en termes de collision ou de barotraumatisme1. Mais ainsi en termes d’aversion, soit de perte d’habitats, une donnée très rarement prise en compte, voire jamais, dans les études d’impact. Or, “cette perte d’habitats par aversion est au moins aussi considérable que la mortalité directe”, souligne un expert sur ce dossier.
Combien également les mesures invoquées par le maitre d’ouvrage, comme le bridage des éoliennes, non contentes d’être insuffisant, s’appuyait sur des données qui ne permettent en rien de garantir le niveau de protection avancé.
Le projet est-il enterré ? Contactée, EDF n’avait à la publication de l’article pas répondu à nos sollicitations. Cette décision peut-elle faire “jurisprudence” et signer l’arrêt de mort de futurs projets éoliens, alors que la mortalité sur les populations de chauves-souris est régulièrement pointée dans des études, et même condamnée ? EDF-R est le premier exploitant en France à avoir été condamné (en avril dernier) par le tribunal de Montpellier pour destruction d’espèces protégées, après avoir manifestement fait peu de cas des mises en demeure, injonctions et autres sanctions administratives.
La solution miracle sortie du chapeau des médias
Quoi qu’en disent les médias, il n’y a pas de solution miracle pour éviter les hécatombes. Ni de “méthode simple qui pourrait tout changer”. Moduler les feux de balisage des éoliennes à l’image de ce qui se fait en Allemagne ? La mesure “pourrait contribuer à réduire l’attraction des chauves-souris par les éoliennes”, souligne une récente étude. La nouvelle, reprise en boucle dans les médias, doit être prise pour ce qu’elle est : une mesure aussi potentielle que limitée (quid de l’effet d’aversion sur les habitats ?), qui plus est loin d’être mise en œuvre, l’aviation civile et militaire exigeant un balisage permanent.
Derrière la protection de la biodiversité, d’autres enjeux
Quand bien même des solutions émergeraient qui permettraient de concilier l’activité industrielle et la protection de la biodiversité, que sait-on de la pertinence économique et sociale – dans un espace qui plus est saturé – de tels projets ? Rien. La seule étude d’impact exigée touche à l’environnement. Les vrais bilans socio-économiques chiffrés sont cantonnés aux seules infrastructures de transport.
Or, la question de la pertinence énergétique et économique de tels projets est loin d’être démontrée.
En Isère, les dix éoliennes prévoyaient de fournir l’équivalent de… 0,19 % de la production d’énergie renouvelable de la région Auvergne Rhône-Alpes. Dans une région où la production électrique régionale est déjà très largement bas carbone. Précisons que ce chiffre de 0,19 % a été re-calculé par la commission d’enquête, EDF-R ayant initialement trouvé le chiffre de 2 %, avant de reconnaître son “erreur”. Rapporté à la consommation, les dix éoliennes fourniraient de l’électricité à 26 000 personnes, ou 12 000 foyers.
C’est peu et même symbolique ? Energétiquement parlant oui. Economiquement pour le contribuable – pas pour le maître d’ouvrage qui peut compter sur les contrats garantis et les subventions pour rentabiliser son projet – c’est aussi très contestable puisque c’est lui qui réglera la note finale.
Les besoins nécessitent-ils d’investir rapidement et à un rythme accéléré dans de nouvelles capacités, et notamment éoliennes – mais aussi solaires ou hydrauliques ? Avec le retour du nucléaire depuis deux ans, la France produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme. Ses usages électriques (transport, chauffage notamment) n’ayant pas augmenté aussi vite que prévu, le surplus électrique ne pouvant être piloté ni stocké faute de capacités suffisantes, l’électricité est vendue à bas prix, et même parfois à prix négatifs. Sauf aux consommateurs.
Que faire ? Accélérer une électrification qui ne s’impose pas d’un claquement de doigts ? C’est la première option posée ce 9 décembre par RTE, le gestionnaire du réseau électrique. La seconde serait de mettre la pédale douce sur l’éolien et le solaire, le temps de renforcer le réseau et de développer la flexibilité. Mesure de simple bon sens ?
Le lendemain de l’annonce de RTE, Bruxelles, à qui on n’a rien demandé s’agissant des politiques énergétiques nationales – la France est souveraine en la matière, voir l’article de L’Eclaireur ci-dessous – présentait son nouveau cadre réglementaire.
[ Energie ] De quelle souveraineté parle-t-on ?
Savez-vous que la France, comme les vingt-six autres Etats membres de l’Union européenne, est libre de choisir ses sources d’approvisionnement en énergie. Libre en la matière de ses choix technologiques. En un mot souveraine ?
Moyennant 600, voire 800 milliards d’euros, l’European Grid Package prévoit de développer massivement les interconnexions électriques entre États membres. Avec l’idée derrière de pouvoir absorber les surplus d’ENR et installer plus d’éolien et de solaire sans risquer la panne ou le gaspillage. Et de saborder l’avantage comparatif que possède la France par rapport à l’Allemagne.
Le renforcement des réseaux électriques est la clé de voûte du Green Deal, la feuille de route tracée par Bruxelles avec l’objectif d’atteindre la “neutralité climatique” en 2050. Feuille de route semée de bien d’autres embûches après la révélation d’un potentiel nouveau scandale de corruption, la Commission européenne étant soupçonnée d’avoir financé des ONG environnementales pour qu’elles lobbyent en faveur du Pacte vert et influencent euro-députés et États membres.
Onze mois après la révélation de ce scandale, les enquêtes de l’OLAF et du parquet européen sont toujours en cours. Des perquisitions ont eu lieu en Belgique et aux Pays-Bas dans l’attente d’un audit détaillé des subventions suspectées réalisé par la cour des comptes européenne.
Changement de pression dans l’air provoqué par les pales de l’éolienne, entrainant des hémorragies internes souvent fatales pour les chauves-souris.





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Et vive Dracula!la nature reprend ses droits. Pour ne pas parler des horreurs d'abattage. Peuple contre peuple, flics contre paysans, cela s'appelle la guerre civile.
Notons que non seulement la consommation d'électricité en France n'augmente pas, mais elle baisse, du fait d'une part de la désindustrialisation rapide de la France, des tarifs "de marché" européens totalement non compétitifs, et de l'appauvrissement généralisé de la population. Dans ce cadre, construire de nouvelles capacités de productions non pilotable est une absurdité...