La retranscription en français de cette interview est disponible plus bas.
Le refus des dirigeants européens de faire face à la réalité relève de la psychose. Ils ne veulent pas comprendre que le monde a changé, que l’Europe est périphérique et que les décisions seront désormais en grande partie prises par les trois grandes puissances que sont les USA, la Chine et la Russie avec le soutien des autres membres des BRICs.
Tout ce que les Européens proposent est un nouvel emballage de l’Otan, notamment en voulant apporter des garanties de sécurité à l’Ukraine, garanties qui sont en grandes parties les causes de la guerre. Les Européens n’ont ni les capacités militaires ni les capacités industrielles pour ce faire, c’est pourquoi ils exhortent les USA à les soutenir dans cette entreprise qui, outre être déjà vouée à l’échec, risque de déclencher la 3eme guerre mondiale - à laquelle les USA ont déjà, c’est sage, refuser de participer.
Et pendant ce temps-là, une nouvelle conflagration encore plus dangereuse et potentiellement bien plus meurtrière est en train de se préparer au Moyen-Orient du fait des actes criminels de l’Etat israélien.
Nous en parlons avec Pascal Lottaz, professeur de relations internationales à l’université de Kyoto au Japon. Il est également l’animateur du groupe de réflexion Neutrality Studies, dont nous vous conseillons fortement la chaîne YouTube.
L’Eclaireur : Pascal Lottaz, merci beaucoup d’avoir pris le temps de me parler à nouveau. Je propose que nous commencions par le sujet brûlant. Quel est votre avis sur ce que j’appelle le "massacre du Bureau Ovale", où Trump et JD Vance ont remis Zelensky à sa place. Était-ce un piège tendu par l’administration Trump ou un désengagement planifié ?
Pascal Lottaz : Il y a plusieurs théories à ce sujet. Mon avis est que, puisque Trump et Vance étaient plutôt cordiaux et bienveillants envers Zelensky au début, la dispute n’a éclaté qu’après plus d’une demi-heure d’échanges. Cela s’est fait progressivement, à mesure que la discussion s’échauffait. C’est Zelensky qui a attaqué une remarque de Vance, et ce dernier n’a pas laissé passer. Puis Trump est intervenu.
Je ne pense pas que ce soit un piège délibéré de Trump et Vance pour coincer Zelensky. Mais il était clair du côté américain qu’ils voulaient que leur position– selon laquelle la guerre doit cesser – soit comprise par Zelensky. Même s’il ne l’acceptait pas, ils voulaient qu’il la reconnaisse. Et lorsqu’il n’a pas simplement encaissé sans broncher, c’est là que le "massacre" a commencé. À sa place, j’aurais été complètement perdu : assis dans le Bureau ovale, confronté à la réalité version du conflit qui contredit tout ce qu’il affirme depuis trois ans, et assénée de la part de ceux dont il a absolument besoin du soutien…
Il avait le choix : soit laisser couler, soit défendre le récit ukrainien. Il a choisi de défendre l’image de l’Ukraine pour son public européen et ukrainien, plutôt que d’adopter une posture conciliante face à son hôte américain. L’hôte américain ne l’a pas laissé faire, et c’est ainsi que l’échange s’est envenimé.
L’Eclaireur : C’était assez arrogant et irrespectueux de sa part…
Pascal Lottaz : Oui, c’était arrogant, mais je comprends d’où cela vient. Pendant trois ans, ce comportement lui a valu des ovations. Mais cette fois, la situation était différente. Je ne pense pas que Trump et Vance aient cherché à le piéger dès le départ ; cela s’est développé naturellement à mesure que les tensions montaient.
Une chose me surprend : pourquoi Vance n’a-t-il pas poussé Zelensky à répondre sur les négociations de paix d’Istanbul en avril 2020 ? Pourquoi ne pas lui avoir demandé : "Pourquoi avoir laissé passer Istanbul ?" Il est évident que l’Ukraine a été préparée pour cette guerre par les administrations américaines successives. Mais admettre cela reviendrait à reconnaître que le conflit ne relève pas uniquement d’une agression russe, mais aussi d’une provocation. Zelensky est resté enfermé dans son propre récit et l’a défendu. Ce qu’il ne comprend pas, c’est que Trump, lui, a tourné la page de ce récit.