Crise de l’hôpital : la boucle de rétroaction. Ou comment assécher le vivier de futurs médecins et finir de planter l’hôpital public (et pas que lui) au travers de deux études de cas...
Depuis le 3 novembre, les urgences du CHU de Caen ne font plus appel aux internes, ces étudiants en 6e année de médecine qui viennent continuer de se former et accessoirement prêter main forte au personnel en poste, ou ce qu’il en reste. Le service ne fait plus non plus appel aux externes, ces étudiants en 4e et 5e année. Pas plus qu’aux “docteurs juniors” – les dernières années. “L’agrément de stage a été suspendu, pour six mois, par la faculté de médecine, en raison de difficultés d’encadrement” (Le Monde).
On résume : plus d’internes ni d’externes ➔ épuisement accru des soignants encore en poste ➔ assèchement du vivier de futurs médecins partis ailleurs dans le meilleur des cas ➔ pénurie aggravée de personnels soignants ➔ fermeture – partielle dans un premier temps – des urgences, scénario parfaitement prévisible et attendu.
Rappelons que ministre de la Santé, Yannick Neuder avait annoncé en juin 2025 la fin du numérus (clausus, apertus, peu importe, c’est du pareil au même) afin de former plus d’étudiants pour remédier à la pénurie de médecins… Question et équation à plusieurs millions (d’euros) : comment les facultés de médecine, dont les budgets pas glorieux n’ont pas été annoncés être révisés à la hausse pourront-ils les prendre en charge matériellement parlant ? Aucune annonce dans ce sens n’a accompagné les propos du ministre et le PLFSS 2026 prépare une nouvelle baisse des financements de l’hôpital.
Il faut voir que la réforme des études de santé de 2020 a ouvert la voie à tout un tas d’expérimentations. Dont, à Grenoble (mais aussi à Rennes), ville laboratoire de tout un tas d’innovations pas toujours probantes, celle de proposer une première année des études de santé en distanciel. Pour que vous ayez une petite idée de comment ça se passe : le jour de la rentrée, les étudiants, fraichement sortis du cocon du lycée, se voient remettre une clé USB sur laquelle est empilé un semestre de cours. Et avec pour seul assistance, quelques heures de rencontres avec les enseignants, les étudiants de 2e année, au cas où des questions se poseraient.
Résultat imparable : ils sont de plus en plus nombreux à recourir, en parallèle, à une prépa privée pour faire la maille quand ils n’abandonnent pas en cours de chemin, laissés sur le bord de la route.
Il y a certes du positif dans ce système, et notamment d’avoir permis d’ouvrir, distanciel faisant, un peu plus largement les portes des facultés de médecine. Et son revers, le négatif, quand les portes se referment aussitôt passée la première année. Les capacités de formation restant ce qu’elles sont, c’est à dire qu’elles n’ont pas changé dans le meilleur des cas, le bout de l’entonnoir s’est vite rétréci.
Le “choc de formation” annoncé par Yannick Neuder, et qui consistait à prioriser les besoins territoriaux sur les capacités des facultés de médecine, n’est donc pas allé plus loin pour l’instant que les effets d’annonce. De fait, sans moyens supplémentaires, sans plus d’enseignants, de locaux ou de possibilités de stages, le système tourne tout simplement en boucle.
A Grenoble, sur les 1 300 étudiants en première année de PASS – une des deux voies d’accès aux études de médecine, avec la LAS – seuls 112 passeront en 2e année, puisque c’est le nombre de places qui ont été ouvertes cette année – soit le même nombre que l’année dernière. Soit un taux de “réussite” de 8,6 %, le plus bas de France. Une franche réussite.










