[ La machine de propagande de l'UE ] L’instrumentalisation de la "société civile"
Le système mis en place illustre particulièrement bien la théorie du Triangle de fer. Ou comment machine bureaucratique, décideurs politiques et groupes d'intérêts s'auto-alimentent mutuellement.
Dans ce dernier volet, Thomas Fazi démontre comment l’Union européenne a dévoyé des acteurs de la société civile, des ONG, pour en faire des outils à son service, dans une inversion des rôles qui devrait interroger partout en Europe.
“La Commission européenne a utilisé les ONG pour construire une représentation fictive du soutien public, se substituant de fait à de vrais citoyens, “coupables” de ne pas suffisamment soutenir ses politiques et ses objectifs”, souligne le journaliste italien. “Dans ce récit inventé, l'implication des groupes de la société civile est présentée comme favorisant une démocratie plus participative. En réalité, elle a permis à des groupes d'intérêts financés par l'UE – de fait intrinsèques à l'appareil institutionnel de l'UE – de transférer encore plus d'autorité à la Commission européenne non élue, marginalisant ainsi davantage le citoyen moyen. Loin de renforcer la légitimité démocratique de l'UE, ce système a exacerbé sa nature fondamentalement élitiste et technocratique”.
Premier volet : La machine de propagande de l’UE [ Intro ]
Deuxième volet : [ La machine de propagande de l'UE ] Les sables mouvants du pouvoir budgétaire
Troisième volet : [ La machine de propagande de l'UE ] Le budget, outil de l'impérialisme culturel
Quatrième volet : [ La machine de propagande de l'UE ] De la promotion des "valeurs" à la propagande pro-UE
Cinquième volet : [ La machine de propagande de l'UE ] Le budget, un levier puissant
Sixième volet : De la propagande à l'ingérence : les cas de la Pologne et de la Hongrie
Le rapport originel dans son intégralité, en anglais, est publié sur le site du MCC Brussels : The EU’s propaganda machine - How the EU funds NGOs to promote itself
Il n'existe pas de définition claire de ce qu’est la société civile, de ce que sont les organisations de la société civile ou les ONG, et c'est là une partie du problème.
La société civile est généralement décrite comme l'espace collectif d'associations, de groupes et d'institutions bénévoles qui agissent indépendamment du gouvernement et du secteur privé pour défendre des intérêts, des valeurs et des causes communs. Elle comprend un large éventail d'acteurs, tels que les ONG, les groupes de réflexion, les groupes communautaires et les mouvements militants. Bref, la société civile sert de passerelle entre les individus et l'État, leur permettant de s'organiser, d'exprimer leurs opinions et de demander des comptes aux gouvernements. Elle constitue sans aucun doute un aspect essentiel de la démocratie.
Les organisations de la société civile, telles que les ONG, sont les composantes institutionnelles formalisées de la société civile. Ce sont des entités structurées et enregistrées qui mènent des activités dans un large éventail de domaines, tels que les droits de l'Homme, les services sociaux, la protection de l'environnement, l'aide humanitaire et le plaidoyer politique.
Il ne fait aucun doute que de nombreuses ONG – en Europe et dans le monde – correspondent à cette description et jouent un rôle essentiel en défendant les droits des plus vulnérables, en luttant contre la discrimination, en protégeant l'environnement, en promouvant le dialogue interculturel, l'engagement civique et la participation publique, et en tenant les gouvernements et les représentants élus responsables devant les citoyens.
Ces ONG jouent un rôle essentiel dans l’amélioration du débat démocratique, en assurant le contrôle du pouvoir politique et en servant de canal de transmission des aspirations de la société (ou de certains secteurs de la société) jusqu’aux décideurs politiques.
Cependant, comme le montre ce rapport, de nombreuses soi-disant ONG poursuivent un objectif fondamentalement opposé : au lieu de transmettre les aspirations de la société civile aux décideurs politiques, elles servent de relais pour transmettre à la société civile les idées et les perspectives de ces décideurs, en particulier, dans ce cas, celles de la Commission européenne, dont elles dépendent fortement (voire totalement dans certains cas) pour leur financement. Elles se transforment ainsi en véhicules de propagande institutionnelle ou d’“auto-lobbying”.
Il s’agit d’une inversion fondamentale de la nature et du rôle supposés des “organisations non gouvernementales”. Même si ces “organisations de la société civile” ont tendance à se présenter à tort comme “indépendantes”, elles ne peuvent légitimement être qualifiées de telles, ni même de représentantes de la “société civile”, dans la mesure où une grande partie de leur travail consiste à promouvoir le programme de leurs bailleurs de fonds, à savoir la Commission européenne… dont leur survie financière dépend.
Depuis la publication de son Livre blanc en 2000, la Commission européenne a cherché à renforcer sa légitimité démocratique en s'engageant auprès de la “société civile”, assimilant délibérément les “organisations de la société civile” à la “volonté du peuple”. Cependant, ces organisations ne peuvent pas être considérées comme représentant les opinions du grand public et défendent souvent des politiques – comme une intégration européenne plus poussée – qui sont en contradiction avec les sentiments de segments importants de la population.
Comme l'a souligné un chercheur, “ce sont certains intérêts, plutôt que les citoyens auxquels ils appartiennent, qui sont représentés” 1. Dès 1997, certains affirmaient que le “dialogue” de la Commission avec les groupes de la société civile financés par l'UE “créé une nouvelle classe politique et fusionne les acteurs européens et nationaux dans un processus politique de plus en plus éloigné du citoyen ordinaire” 2.
De plus, les institutions européennes préfèrent traiter avec des groupes de coordination généralement basés à Bruxelles qui sont encore plus éloignés des citoyens ordinaires. Ces derniers ne sont pas consultés directement, mais se font plutôt “ventriloques”, par l'intermédiaire d'ONG, de groupes de réflexion et d'organisations caritatives triés sur le volet et financés par la Commission 3.
En d'autres termes, la Commission européenne a utilisé les ONG pour construire une représentation fictive du soutien public, se substituant de fait à de vrais citoyens, “coupables” de ne pas suffisamment soutenir ses politiques et ses objectifs. Dans ce récit inventé, l'implication des groupes de la société civile est présentée comme favorisant une démocratie plus participative. En réalité, elle a permis à des groupes d'intérêts financés par l'UE – en réalité intrinsèques à l'appareil institutionnel de l'UE – de transférer encore plus d'autorité à la Commission européenne non élue, marginalisant ainsi davantage le citoyen moyen. Loin de renforcer la légitimité démocratique de l'UE, ce système a exacerbé sa nature fondamentalement élitiste et technocratique.
En effet, cela a entraîné l'émergence d'un vaste réseau de propagande UE-ONG, opérant en dehors de toute forme significative de contrôle démocratique. Comme déjà dit, l'ampleur exacte de ce réseau est difficile à estimer, car il est pratiquement impossible de suivre tous les projets de propagande financés par l'UE, tout comme le montant total des fonds qui leur sont consacrés.
Selon un rapport du Parlement européen, les engagements financiers de l'UE en faveur des ONG, hors programmes européens dans le domaine de l'éducation et de la recherche, s'élevaient à au moins 2,6 milliards d'euros en 2022, en gestion directe, pour l'ensemble des programmes et fonds de l'UE. Cependant, le montant total des subventions accordées aux ONG est susceptible d'être plus élevé (environ 3,7 milliards d'euros en 2022), en raison de l'absence de définition des ONG et de l'absence de distinction claire entre les ONG et les organisations à but non lucratif dans le Système de transparence financière (STF) de l'UE 4.
Bien sûr, tous les projets financés par l'UE ne relèvent pas de la propagande, mais nombre d'entre eux le sont. Comme le montre ce rapport, des sommes considérables sont consacrées à des projets visant non seulement à promouvoir un ensemble de “valeurs” spécifiques, mais aussi à promouvoir l’UE elle-même et le principe même d’intégration supranationale. Cela inclut le soutien à des organisations ouvertement engagées en faveur d’une plus grande intégration européenne ou du fédéralisme, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros.
Bien que la Commission européenne et les ONG elles-mêmes intègrent souvent ces activités à la rhétorique démocratique, ce système d'(auto-)lobbying caché n'a rien de démocratique. En réalité, cette externalisation de la propagande, ou propagande par procuration, exerce une influence néfaste sur la démocratie, dans la mesure où elle fausse artificiellement le débat public. Cela se fait non seulement en finançant des organisations qui militent ouvertement pour “plus d'Europe”, mais aussi en finançant massivement, voire exclusivement, des organisations qui s'alignent sur les priorités politiques et les orientations idéologiques de la Commission, souvent pour faire pression en son nom, au détriment de vastes pans de la population. Comme l'ont si bien souligné deux chercheurs dès 2009 :
“Les groupes d'intérêt devraient pouvoir être libres de promouvoir l'UE s'ils y croient, mais rien ne justifie d'utiliser l'argent des contribuables pour les financer. Les groupes qui ne partagent pas la « vision » de l'UE subissent un double préjudice : d'une part, ils ne bénéficient généralement pas de fonds européens et doivent donc lever des fonds privés ; d'autre part (et en raison de cette nécessité de lever des fonds privés), ils se retrouvent minoritaires et donc moins à même de faire valoir leurs points de vue face au flot de propagande pro-intégration qui domine le courant dominant en Europe. […] Il n'est pas dans l'intérêt public que les groupes défendant un seul camp ne soient que largement soutenus par des fonds publics, car cela finit par étouffer le débat et empêche les citoyens d'examiner équitablement les deux côtés de la médaille”. 5
La situation est d'autant plus problématique dans les pays gouvernés par des gouvernements eurosceptiques, où ces ONG deviennent de véritables instruments de déstabilisation interne et de changement de régime.
Le complexe UE-ONG s'inscrit dans la théorie dite du Triangle de Fer (Iron Triangle)6, qui postule que la politique repose fondamentalement sur une relation mutuellement bénéfique entre trois acteurs clés de l'élaboration des politiques : les agences bureaucratiques (institutions gouvernementales responsables de la mise en œuvre des politiques) ; les comités législatifs ou les responsables politiques (qui élaborent les politiques et contrôlent les financements) et les groupes d'intérêt (tels que les ONG, les lobbyistes ou les entreprises privées). Ces trois entités forment un cercle vicieux où chacune profite de l'autre, souvent au détriment de la responsabilité démocratique ou de l'intérêt public. Les agences bureaucratiques reçoivent financement et légitimité, les législateurs obtiennent un soutien politique ou électoral, et les groupes d'intérêt obtiennent des politiques ou des financements qui correspondent à leurs objectifs plutôt que de favoriser un véritable engagement civique.
Le soutien financier de la Commission européenne aux ONG qui adhèrent aux objectifs politiques de l'UE illustre ce concept. La Commission européenne joue un rôle central en tant que bras administratif de ce triangle. Elle alloue des fonds aux ONG par le biais de divers programmes ciblant des questions telles que les droits de l'Homme, l'action climatique, les migrations et l'état de droit, ou, le plus souvent, la promotion de l'UE elle-même. Ces fonds sont souvent acheminés vers des organisations qui mettent en œuvre les politiques de l'UE ou défendent les discours européens. En finançant stratégiquement les ONG qui s'alignent sur ses priorités, la Commission construit un réseau d'organisations qui légitiment et promeuvent ses politiques. Cela garantit que les objectifs de l'UE sont amplifiés par des acteurs dits “indépendants”, créant ainsi une apparence de soutien impartial à ses initiatives.
Les législateurs, notamment les députés européens et les décideurs politiques nationaux, utilisent les activités des ONG comme preuve du “soutien de la société civile” aux politiques de l'UE. Ces responsables politiques approuvent ou développent souvent des programmes de financement sous prétexte de soutenir des initiatives locales, alors que nombre d'organisations bénéficiaires dépendent fortement des financements de l'UE plutôt que de véritables contributions publiques.
Ainsi financé, le secteur des ONG créé une boucle de rétroaction, où les législateurs citent les rapports et les efforts de plaidoyer des ONG comme une validation indépendante des politiques de l'UE. En réalité, ces organisations reflètent souvent les priorités des institutions qui les financent, ce qui compromet l'authenticité de leur prétendue indépendance.
Le troisième pilier du triangle est constitué des ONG et des organisations militantes elles-mêmes. Ces entités bénéficient du soutien financier de l'UE, acquérant en retour un accès politique et une légitimité. Une fois financées, nombre de ces organisations militent pour “plus d'Europe”, des politiques qui appellent à une gouvernance européenne renforcée, à une réglementation élargie et à des mécanismes de financement supplémentaires.
Ce faisant, cette dynamique créé des conditions de concurrence inégales. Le financement favorise de manière disproportionnée les organisations qui soutiennent les priorités de l'UE, marginalisant ainsi les voix dissidentes.
La relation UE-ONG illustre le caractère auto-renforçant du Triangle de Fer : la Commission européenne finance des ONG, qui, à leur tour, produisent des rapports, des campagnes de plaidoyer et des discours publics justifiant et renforçant la nécessité des politiques et actions de l’UE. Les responsables politiques et les législateurs citent ensuite ces ONG comme des “voix indépendantes de la société civile”, utilisant leurs contributions pour valider d’autres politiques et décisions de financement. Ce cycle se répète, assurant un flux continu de discours favorables au rôle de l’UE, tandis que les perspectives alternatives restent sous-financées et marginalisées.
Ce système se traduit également par une tendance à la recherche de rentes, où les ONG sont incitées à faire pression pour que le budget global de l'UE, et donc leurs propres budgets, soit systématiquement augmenté. Cela illustre parfaitement le concept du “self-licking ice cream cone” 7, métaphore utilisée pour décrire un système qui se perpétue ou un processus bureaucratique qui existe principalement pour se maintenir, souvent sans apporter de valeur ajoutée ni de résultats significatifs par rapport à sa finalité initiale.
Cela peut conduire par exemple des ONG à inventer ou à exagérer des problèmes – comme la “menace de l’extrême droite” – simplement pour perpétuer leur propre existence et continuer à recevoir des fonds publics. Les problèmes entourant le complexe UE-ONG sont encore exacerbés par le grave manque de transparence dans l’allocation et l’utilisation des fonds européens – un problème qui a pris de l’ampleur ces dernières années après le scandale du Qatargate 8, où il a été révélé qu’une ONG avait servi de couverture à une organisation criminelle et avait acheminé des pots-de-vin de pays tiers afin d’influencer le processus décisionnel européen.
Comme l'a souligné le rapport du Parlement européen susmentionné, “l'analyse du cadre d'exécution du budget de l'UE par les ONG révèle des lacunes majeures en matière de transparence et de responsabilité publiques” soulignant qu'il est souvent difficile de vérifier l'affectation détaillée de leurs fonds, y compris l'identité des bénéficiaires finaux et la source de leur financement.
Comme seuls les fonds directement attribués aux ONG font l'objet d'un suivi et d'un rapport de la Commission européenne, les fonds de l'UE réaffectés sous forme de subventions, de sous-traitance ou partagés au sein d'un consortium sont difficiles à suivre et ne sont pas publiés sur des sites web publics tels que le Service financier aux ONG. Par conséquent, les mécanismes de contrôle visant à garantir que les fonds de l'UE sont utilisés de manière efficace, efficiente et conforme aux objectifs, aux politiques et aux règles financières de l'UE sont difficiles à mettre en œuvre, voire inefficaces 9.
Le rapport a également noté que “les systèmes informatiques de la Commission ne sont pas faciles à utiliser et utilisent différentes conventions pour identifier les bénéficiaires des projets et des subventions, ce qui entraîne des données divergentes, rendant difficile la mise en correspondance des informations provenant des différents portails et bases de données publics accessibles de la Commission”, conduisant à “des incohérences significatives dans le contenu et l'étendue des informations affichées sur les sites web des projets, y compris sur la répartition des fonds reçus entre les partenaires et sur le lien avec les bases de données pertinentes de la Commission”.
De plus, de nombreux projets financés par l'UE ont souvent des objectifs très vaguement définis, tels que “renforcer les organisations de la société civile” et “protéger les valeurs de l'UE”, ce qui rend souvent difficile d'évaluer ce que ces ONG font réellement avec ces fonds, même lorsque les bénéficiaires sont facilement identifiables. Ce n’est pas nouveau ; ce système existe depuis des années. Dans un rapport de 2018 par exemple, la Cour des comptes européenne a pointé une grave lacune en matière de transparence dans le financement de l'UE aux organisations de la société civile. Le rapport soulignait que l'UE “n'était pas suffisamment transparente concernant la mise en œuvre des fonds de l'UE par les ONG” et “ne dispose pas d'informations complètes sur toutes les ONG soutenues” par les fonds des contribuables.
Plus récemment, il a été révélé que diverses campagnes publicitaires demandant aux politiciens centristes et de gauche de lutter contre les groupes politiques d'“extrême droite” bénéficiaient du soutien d'organisations financées par l'État.
Un exemple est celui de The Good Lobby, une ONG qui vise à “influencer les politiques publiques grâce à une combinaison de conseils en plaidoyer stratégique, de formations et d'alliances non conventionnelles”. Elle a reçu plus de 100 000 € pour un projet destiné à “développer un processus visant à accroître le potentiel de transformation des innovations démocratiques dans des domaines spécifiques du Pacte vert européen” 10. Cependant, l'ONG s'engage également dans de nombreuses activités qui ne sont pas directement liées aux questions “vertes”, telles que diverses campagnes contre l'“extrême droite”.
Les fonds destinés à promouvoir le Pacte vert européen ont-ils été détournés pour faire campagne contre certains partis politiques ? Il est tout simplement impossible de le savoir.
Conclusion
L'utilisation systématique des ONG par la Commission européenne comme moyen de faire avancer ses objectifs politiques représente une double menace. D'une part, elle fragilise la démocratie en faussant le débat public et en marginalisant les voix dissidentes, tout en promouvant un programme unilatéral sous couvert d'“engagement de la société civile”. En mobilisant ses outils budgétaires, l'UE a efficacement transformé les organisations de la société civile en armes de propagande institutionnelle, sous prétexte de promouvoir des “valeurs” communes telles que la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux.
En se positionnant comme l'arbitre ultime des valeurs, l'UE s'est placée au-dessus de la responsabilité démocratique, utilisant ses ressources financières et institutionnelles pour imposer une vision unique de la gouvernance et de l'intégration à travers un continent marqué par des histoires, des cultures et des systèmes politiques divers.
Plutôt que de favoriser un véritable pluralisme, l'approche de l'UE a encouragé un modèle technocratique descendant qui privilégie la conformité à son propre agenda au détriment du respect de la volonté des peuples dans les États membres individuels. De plus, comme nous l'avons vu, la Commission ne se limite pas à promouvoir une approche hautement politisée des valeurs déclarées de l'UE, mais utilise également les organisations de la société civile pour promouvoir l'UE elle-même et le principe même de l'intégration supranationale – tout cela aux frais des contribuables. Nous avons qualifié cette approche de “propagande par procuration”.
Encore plus préoccupant est la volonté de l'UE d'utiliser ces outils comme des armes contre les États membres dont les gouvernements remettent en question son autorité. En soutenant financièrement des ONG locales pour faire pression sur ou délégitimer des gouvernements démocratiquement élus, l'UE s'est effectivement livrée à une ingérence étrangère au sein de sa propre union.
Cela révèle une tendance plus large et profondément inquiétante de gouvernance antidémocratique au sein de l'UE. Ce n'est pas un phénomène isolé, mais fait partie d'une stratégie calculée visant à centraliser le pouvoir au sein de ses institutions supranationales, en particulier la Commission européenne, au détriment de la souveraineté et des processus démocratiques de ses États membres, comme l'auteur l'a souligné dans des rapports précédents 11.
D'autre part, l'utilisation systématique des ONG par l'UE comme outils pour promouvoir son agenda met en péril la crédibilité et le travail des véritables ONG qui fournissent des services essentiels et un plaidoyer, car ces organisations risquent d'être emportées dans le contrecoup inévitable contre le complexe UE-ONG.
En brouillant les frontières entre le plaidoyer indépendant et la propagande institutionnelle, la Commission européenne compromet la confiance et la légitimité dont les organisations de la société civile dépendent pour mener à bien leurs missions efficacement. À long terme, cette approche risque non seulement d'aliéner les citoyens, mais aussi d'affaiblir le rôle démocratique vital des ONG, les transformant en dommages collatéraux dans la stratégie politique plus large de la Commission. Un réajustement est urgent et nécessaire pour garantir que les ONG restent des acteurs indépendants œuvrant dans l'intérêt public, plutôt que des outils d'agendas supranationaux antidémocratiques.
Elizabeth Monaghan, Civil society, democratic legitimacy and the European Union: democratic linkage and the debate on the future of the EU, PhD thesis, University of Nottingham, 2007 eprints.nottingham.ac.uk
Quoted in Christopher Snowdon, Euro Puppets: The European Commission’s Remaking of Civil Society, Institute of Economic Affairs, IEA Discussion Paper No. 45, February 2013 iea.org.uk
Christopher Snowdon, ibid.
European Parliament, REPORT on the transparency and accountability of non-governmental organisations funded from the EU budget, 21 December 2023 europarl.europa.eu
Lee Rotherham and Lorraine Mullally, op.cit.
Aux Etats-Unis, le Triangle de fer (Iron Triangle) décrit une relation qui se développe entre les commissions du Congrès, la bureaucratie fédérale et les groupes d’intérêt.
Dans le jargon politique, un cornet de glace qui se lèche tout seul est un système auto-entretenu qui n’a d’autre but que de se maintenir lui-même.
See, for example, Elisa Braun, Gian Volpicelli and Eddy Wax, ‘The Qatargate Files: Hundreds of leaked documents reveal scale of EU corruption scandal’, Politico, 4 December 2023 politico.eu
European Parliament, REPORT on the transparency and accountability of non- governmental organisations funded from the EU budget, 21 December 2023 europarl.europa.eu
PHOENIX: The rise of citizens voices for a Greener Europe, European Commission, CORDIS cordis.europa.eu
See Thomas Fazi, The Silent Coup: The European Commission’s power grab, MCC Brussels, September 2024 brussels.mcc.hu
Merci beaucoup. Lumineuse analyse. N'ai jamais compris cette notion de " de société civile" quand elle a commencé à apparaître. D'un point de vue étymo du terme, aberration en les termes et que je me suis toujours refusée à accepter. C'était déjà très mal barré... tautologique et impliquait déjà que les "alliés " pouvaient évidemment ne pas être des " citoyens".
Excellentecagalyse. Merci.