
Où va la France ? Droit dans le mur énergétique ? Au prix d’une (nouvelle) explosion des factures d’électricité ? Les pouvoirs publics courent-ils en rond comme des canards sans tête ayant abandonné toute rationalité? Nous en parlons avec François Goulard. Centralien passé par l’ENA, secrétaire d’Etat puis ministre des gouvernements Raffarin et de Villepin, il est aujourd’hui vice-président de l’organisation Patrimoine, Nucléaire, Climat (PNC).
Alors que la France affiche un prix de l’électricité parmi les plus chers au monde, Paris n’a toujours pas fixé de cap. Quelle politique énergétique demain ? Avec quelles sources d’énergie et dans quelles proportions, quelles capacités, quels rendements, à quel prix et quels impacts ? C’est à ces questions que doit répondre la PPE, la programmation pluriannuelle de l’énergie (L’Eclaireur vous en parlait là et là).
Ce document, qui trace les grandes lignes de la politique énergétique de la France pour les dix ans à venir, aurait dû être révisé1 il y a dix-huit mois. Il est actuellement soumis à la consultation du public. Qui le sait ? Qui s’en soucie ? Qui va le consulter ? Pour quels résultats, quelles possibilités d’infléchissement ?
On peut légitimement se poser la question au vu des chemins de traverse qu’emprunte le texte. Dispensée de débat parlementaire, cette 3e PPE sera sans doute adoptée par décret, de manière réglementaire donc, au terme d’un processus entièrement contrôlé par l’exécutif.
Avec quelles marges de manœuvre ? Alors que les orientations posées par ce document et notamment la poursuite du développement massif des énergies renouvelables intermittentes 2 sont très contestées, le ton monte parmi les parlementaires qui multiplient courriers et interpellation du gouvernement. Alors que le texte est toujours en phase de consultation (jusqu’au 5 avril), et que rien n’a été formalisé ni gravé dans le marbre, le processus décisionnel suit son cours.
En 2024, alors que la PPE faisait l’objet de concertations tous azimuts et de groupes de travail en pagaille, la commission de régulation de l’énergie (CRE), l’autorité administrative en charge du bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz, a validé un investissement de 194 milliards d’euros afin de redimensionner le réseau électrique à l’envolée des énergies intermittentes 3. Quand RTE signait un contrat de 4 milliards d’euros avec Hitachi pour construire trois plateformes électriques pour les parcs éoliens en mer.
En mars 2025, le processus de consultation du public toujours en cours, la commission de régulation de l’énergie engage une consultation sur un giga projet d’appel d’offres de 8,4 à ,9,2 GW d’éolien en mer, dont environ 5 GW d’éolien flottant. Technologie non seulement pas encore mature (c’est aussi le cas de l’hydrogène “vert” pourtant porté aux nues pour ses capacités de stockage très… théoriques) mais également inexistante au niveau industriel en France.
De quoi faire bondir l’organisation Patrimoine, Nucléaire, Climat (PNC), présidée par l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer. Dans un (nouveau) plaidoyer, l’association dénonce “le passage en force du gouvernement et sa technostructure”. Et réclame que la PPE3 soit revue en profondeur, sur la base d’études et d’analyses rationnelles afin de définir le mix électrique optimal “avec un juste équilibre entre productions pilotables (nucléaire et hydraulique) et productions intermittentes (éolien et solaire)”.
“La vérité des coûts réels et totaux des énergies fatales intermittentes doit être révélée, ce qui devrait changer profondément le regard qu’on leur porte et nous orienter vers une PPE3 sage, porteuse d’avenir. Notre compétitivité, face aux géants industriels mondiaux, en dépend”.
La PPE doit être révisée tous les cinq ans afin d'ajouter une période de programmation supplémentaire.
Le document prévoit de multiplier le solaire par 5, l'éolien terrestre par 2 et l'éolien en mer par 37 d'ici 2035. Ainsi, la production intermittente escomptée serait de 3,6 à 4 fois plus importante en 2035 qu’en 2024.
194 milliards d’euros d’investissement prévisionnels sur quinze ans qui se répartissent en 100 milliards pour RTE et 94 milliards pour Enedis, montants correspondant aux frais de maintenance des réseaux existants, vieillissants, et au développement de nouveaux réseaux rendus nécessaires par la multiplication des points de production. “Ni RTE ni Enedis n'ont donné de précisions sur la répartition entre ces postes, mais il est estimé en général que les deux tiers, soit environ 130 milliards, sont imputables aux énergies renouvelables intermittentes, souligne le PNC.
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